Le Portugal, depuis la prise de Ceuta, au Maroc, en 1415, est à la pointe des expéditions ultramarines. Ses navigateurs découvrent les Açores au début du XVe siècle. Ils explorent méthodiquement la côte africaine et sont en passe de contourner le continent noir en vue d’atteindre les Indes. Très vite les juristes européens s’interrogent sur le devenir des archipels et des nouvelles terres que découvrent les marins.
En 1481, la bulle pontificale « Aeterna regis » réserve aux Portugais le droit de s’approprier les terres à découvrir et l’obligation de les évangéliser.Là-dessus, voilà que Christophe Colomb traverse l’Atlantique pour le compte des souverains espagnols. À Rome, le pape Alexandre VI Rodrigo Borgia, d’origine aragonaise, prend sans tarder acte de cet exploit… Le 4 mai 1493, deux semaines à peine après le retour triomphal du Gênois, il annule en personne la bulle « Aeterna regis » et
Planisphère « Orbis terrarum…» par N. Visscher vers 1650 donnant la ligne de partage définie par la bulle « Inter Caetera »
la remplace par la bulle « Inter Caetera » qui soumet les terres découvertes à l’obligation d’évangélisation des populations indigènes et, afin d’éviter un conflit entre la Castille et le Portugal, cette bulle délimite la zone accordée à la Castille : celle-ci possèdera les terres à l’ouest d’une ligne tracée à cent lieues à l’ouest des Açores et des îles du Cap Vert, qui appartiennent au Portugal. En fait, ces avantages territoriaux attribués à l’Espagne ne sont pas étrangères aux origines espagnoles du pape Alexandre VI. La bulle exclut toute terre connue déjà sous le contrôle d’un État chrétien.
Les bulles n’ayant jamais été révoquées (bien que des lettres encycliques [recommandations papales n’ayant aucun pouvoir d’autorité] ont subséquemment été émises pour en minimiser l’impact), cette bulle est toujours en vigueur au XXIe siècle. Un mouvement amérindien de révocation existe depuis les années 1990, les papes Jean-Paul II, Benoît XVI et François ont été sollicités en vain pour les abroger. La lutte des Amérindiens pour reconquérir leur souveraineté volée est notre lutte à toutes et à tous (Tous ensemble, tous ensemble, ouais !), nous ne devons pas battre en retraite et devons nous tenir à leurs côtés pour que nous éradiquions ensembles ce fléau planétaire chronique.
1573 Planisphère de Domingo Teixeira
Le Traité d’Alcaçovas, signé en 1479 entre les couronnes castillanne et portugaise mer fin à la guerre de succession provoquée par la mort du roi Henri IV pour le trône castillan entre Isabelle la Catholique et Jeanne la beltraneja[1], mais en plus répartit les droits de navigation et la conquête de l’Océan Atlantique. D’après ce traité, le royaume de Castille, ainsi que les îles Canaries, sont pour Isabelle et Ferdinand, tandis que Madère, Porto Sainto, les Açores et les îles du Cap-Vert, ainsi que le droit de conquête du royaume de Fez et le droit de navigation au sud du parallèle des Canaries, sont pour le Portugal.
Divers incidents mettent continuellement en danger la paix obtenue à Alcaçobas. Les problèmes se sont intensifiés en 1493, quand Jean II du Portugal, après le retour victorieux de Christophe Colomb, prévient que si la terre qu’il vient de découvrir est au sud du parallèle des îles Canaries, elle appartient au Portugal, conformément au Traité d’Alcaçobas. Le conflit ressurgit alors entre les deux puissances. Les portugais demandent que le parallèle des Canaries serve de limite aux conquêtes des deux royaumes ; les Rois Catholiques repoussent cette prétention et ils proposent à Jean II de garder l’Afrique et qu’il laisse pour les castillans les nouveaux territoires découverts.
Suite à la bulle Inter Caetera du 4 mai 1493, qui délimite la zone accordée à la Castille, le roi Ferdinand et la reine Isabelle sont autorisés à naviguer vers l’ouest en direction de l’Inde, tandis que Jean II de Portugal peut naviguer vers le sud également en direction de l’Inde. Cette bulle mécontente Jean II arguant que cette délimitation scinde le globe ; il entame des négociations avec les Rois catholiques, afin de déplacer la ligne de démarcation vers l’ouest.
Rédigé à Tordesillas en Castille le 7 juin 1494, un nouveau traité est ratifié dans sa version espagnole à Arévalo par le roi Ferdinand II d’Aragon et la reine Isabelle Ire de Castille le 2 juillet 1494, et dans sa version portugaise à Setúbal[2] par le roi Jean II de Portugal le 5 septembre 1494 : le Portugal obtient que la « ligne de marcation » soit déplacée à 370 lieues des îles du Cap vert (ou 1770 km ; méridien 46° 37’W). Dans sa partie africaine, les Portugais et les Castillans divisent le royaume de Fez pour des futures conquêtes et ils règlent les droits de la pêche et de la navigation sur la côte atlantique africaine, les Castillans s’assurant les territoires de Melilla et Cazaza et la pêche jusqu’au cap de Bojador[3], ainsi que des opérations d’assaut à ces territoires, dès Bojador jusqu’au Fleuve d’Or[4]. Le pacte africain a une valeur extraordinaire pour la Castille puisque il y a à peine deux ans que les Rois Catholiques ont conclu la Reconquista, avec l’annexion de Grenade, et cet accord avec le Portugal délimite la zone de la future conquête et expansion du christianisme hispanique face à l’Islam en Afrique du Nord, objectif prioritaire de la monarchie espagnole.
Ce traité de Tordesillas contrevient à la bulle d’Alexandre VI, d’origine espagnole, mais le pape Jules II l’approuvera le 24 janvier 1506, dans la nouvelle bulle « Ea quæ pro bono pacis ». Les nouvelles terres sont encore peu connues et les mesures approximatives ; l’Amérique est donc théoriquement dans sa totalité aux Castillans. Cependant, lorsque Pedro Alvares Cabral découvre le Brésil, en 1500, sa partie orientale est attribuée au Portugal. L’Espagne n’ayant pas les moyens de garantir ce découpage, elle ne peut empêcher l’expansion portugaise au Brésil.
Presque toutes les Amériques reviennent donc à l’Espagne, à l’exception de ce qui va être le Brésil, tandis que plusieurs territoires côtiers de l’Afrique, du Proche-Orient (Érythrée, Somalie), de l’Asie du Sud (Goa, Colombo, Malacca, Timor) sont réclamés par le Portugal, à l’exception des Philippines déjà revendiquées par l’Espagne, ainsi que les Canaries (Atlantique). Avec le temps, de nouvelles bulles papales déplaceront le méridien de façon à accorder à l’Espagne un contrôle plus important en Asie et permettre aux Portugais de prendre de l’expansion au Brésil. Lorsque les frontières du Brésil furent définitivement fixées, ce pays se trouva à occuper une très vaste partie du continent sud-américain, bien au-delà des limites fixées à l’origine par le traité de Tordesillas.
En 1533, poussé par les commerçants bretons et normands, François Iᵉʳ, roi de France, demande au pape Clément VII de préciser la portée de la bulle Inter caetera. Le monarque français aurait lancé : « le soleil luit pour moi comme pour les autres. Je voudrais bien voir la clause du testament d’Adam qui m’exclut du partage du monde ». Cette nouvelle interprétation stipule que le partage concerne les terres connues à la fin du XVᵉ siècle et que les terres découvertes ultérieurement pouvaient être réclamées par d’autres monarques chrétiens. Fort de cet appui papal, François Iᵉʳ soutient dès 1534, l’expédition de Jacques Cartier vers le Nouveau Monde.
http://www.axl.cefan.ulaval.ca/amsudant/tordesillas.htm
https://jemesouviens.biz/1493-bulle-inter-caetera-2/
[1] – Fille de Henri IV, roi de Castille et de Jeanne du Portugal. – Surnommée la Beltraneja par les nobles, qui la disaient issue de Jeanne et de son favori Beltrán de la Cueva.
[2] – Vers 1850, les Arcachonnais vont à Setúbal, au sud de Lisbonne, s’approvisionner en « portugaises » pour les mettre sur leurs bancs ; notons au passage que, comme Arcachon, Setúbal possède son « Ferret » (Péninsule de Tróia).
[3] – Actuellement cap Boujdour. En 1412, il est considéré par les Portugais comme le commencement d’une mer des Ténèbres que l’on ne peut traverser. Autrement dit, il correspond à la limite méridionale du monde connu des Européens. D’après eux, d’immenses vagues, des rochers dangereux, une brume épaisse et même des monstres marins y rendent toute navigation impossible. Ce « cap de la Peur » est donc une barrière pour Lisbonne qui souhaite rejoindre les mythiques Indes par la mer. Le nom de Bojador lui fut donné par les Portugais, à cause que pour le passer, il faut voguer assez loin à l’ouest, puis revenir à l’est. Bojar en portugais signifie voguer. On prétend que ce Promontoire est le même, que celui marqué par Ptolémée, sous le nom dc Canarea.
[4] – Le mythique Rio del Oro, découvert par les Portuguais en 1442 et que l’on croit être un bras du Nil.