Parchemin sur bois 23,5 x 15,5 cm, Bibliothèque municipale de Lyon.
L’atlas vénitien, n’est ni signé ni daté ; son attribution à la fin du XIVe siècle est déterminée par le costume d’une grande dame à genoux, dessinée sur les deux plats, la robe largement étalée et qui semble offrir une fleur qu’elle tient à la main. D’après l’Histoire du costume en France de J. Quicherut, ce vêtement féminin est de la fin du XIVe siècle. D’après M. Prinet, la figure en question représenterait le cimier d’un casque avec ses lambrequins. Au-dessous du cimier, un blason : parti d’or et d’azur, ayant en abîme un écu rond à fond d’or chargé d’un aigle bicéphale de sable, qui est le blason des Cornaro de Venise. Cette famille patricienne a fourni à la Seigneurie un doge : Marco Cornaro, décédé octogénaire en 1368. La date de la fin du XIVe siècle n’en reste pas moins discutable.
On a reproduit cet atlas en cinq planches : PL X : Armes des Cornaro dont le cimier est une dame vêtue à la mode de l’an 1400 environ [?] ;
Pl XI : Adriatique et bassin oriental de la Méditerranée. Bordure de rinceaux ; aux angles, un aigle et des monstres à tête d’animal avec tête d’homme à l’arrière-plan ;
Pl XII : Mer Noire, mer d’Azov, mer de Marmara et bassin oriental de la Méditerranée. Bordure de rinceaux ; aux angles, des monstres à tête humaine et corps d’animaux ;PL XIII : Bassin occidental de la Méditerranée : l’Espagne et la France. Bordure de rinceaux ; aux angles, les emblèmes des quatre Evangélistes avec phylactères portant leurs noms ;
Pl XIV : Îles Britanniques, Manche, mer du Nord et ébauche de la Baltique jusqu’à Elbing. Bordure de rinceaux ; aux angles, la cigogne, le renard, un singe jouant d’un instrument et deux grotesques.
À propos de l’atlas vénitien aux armes des Cornaro, M. de la Roncière écrit : « L’atlas s’arrête pour l’Afrique aux abords du détroit de Gibraltar. Aussi manquons-nous d’un élément de contrôle pour le dater. L’exploration et la conquête des Canaries par Béthencourt en 1402-1404 eurent en effet presque aussitôt leur répercussion dans la cartographie. Et nous aurions vu par là si l’atlas était ou non antérieur à 1405 ». Il serait, je crois, dangereux d’adopter un pareil critère pour dater des cartes anonymes. D’une façon générale, la cartographie n’enregistre qu’assez tard les découvertes qui viennent d’être faites et la raison du retard est une raison d’ordre politique : le découvreur réserve pour soi et les siens la connaissance des terres nouvelles où il a pu aborder le premier. Dans une brochure de propagande publiée à l’occasion de la participation du Portugal à l’Exposition internationale d’Anvers, M. Jaime Cortesâo, le savant historiographe de la période des découvertes, s’exprime ainsi : « On oublie ou on ignore que tous les peuples qui ont réalisé ou seulement tenté la découverte de routes nouvelles vers les pays de productions riches, ont cherché à monopoliser leurs possessions et à les défendre par tous les moyens, tout particulièrement par la politique du secret, laquelle était d’autant plus rigoureuse que les possibilités de défense de ces peuples étaient moindres et plus grand le nombre des concurrents. Il est impossible de comprendre la portée des entreprises des Portugais sans les étudier à la lumière de celte espèce de loi sociale. Les dirigeants de la politique portugaise gardaient si jalousement le secret sur leurs plans et sur leurs réalisations, que tous les papiers de l’infant Don Henri furent séquestrés immédiatement après sa mort. On a même éliminé toute référence à ses livres de science, aux instruments nautiques, aux cartes de navigation, aux rapports des commandants de vaisseaux, dans les inventaires officiels de ses biens faits, d’ailleurs, avec la minutie la plus fatigante. Le roi Jean II cachait à ceux-là mêmes qui l’approchaient de plus près, les procédés et les objectifs des navigations ». Et plus loin : « Cependant, d’une manière générale, la diffusion de la science portugaise des routes, sur laquelle les dirigeants du pays ont fait garder le plus grand secret, s’est réalisée plus tard, et ne date que de la fin du XVIe siècle. C’est seulement en 1592, que les Anglais, ayant pris deux nefs portugaises avec tous les papiers du bord, ont réussi à découvrir, dit Chatterton, « le secret si longtemps gardé des routes maritimes vers les Indes ». Ce fut grâce aux routiers qu’on prit alors, que Robert Dudley put guider les vaisseaux qui ouvrirent la voie au commerce anglais en Orient. Les Hollandais purent aussi atteindre Java et les Moluques en 1596 et élargir leur domination en Orient grâce aux routiers portugais qu’ils connurent par l’entremise de leur compatriote Linschoten. Ce célèbre voyageur ayant servi avec les Portugais aux Indes de 1583 à 1588, était de retour en Hollande en 1592, apportant un grand nombre de cartes portugaises et quelques dizaines de routiers des voyages entre le Portugal et l’Afrique, l’Amérique, les Indes et dans les différentes régions de l’Orient, … ». Autrement dit, la « politique du secret » ne permettait pas aux cartographes d’inscrire sur leurs cartes les découvertes nouvelles.
Il existe, par conséquent, des cartes nautiques des premières années du XVIe siècle où le cap de Bonne-Espérance ne figure pas encore. Et ce serait un véritable contre-sens que de vouloir, pour cette unique raison, les faire remonter plus haut que 1497.
Arcachon est ici noté Arcallo !
https://www.persee.fr/docAsPDF/jds_0021-8103_1931_num_9_1_2577.pdf