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Sur une maison de la rue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny

La photo jointe montre une maison particulièrement originale de la rue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, autrefois rue du Casino.
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Sise au n° 12 bis, elle abrite aujourd’hui le siège social de Piment Noir.
Cette photo est due à Albert Lévy, grand photographe d’architecture (15/05/1847 – Paris – 9/11/1931 – Asnières) qui avait pour particularité d’exploiter un studio photographique à Paris et un autre à New-York.
Cette maison existe toujours ce qui est exceptionnel tant la sauvegarde du patrimoine architectural de notre ville tient souvent du miracle face au saccage dont il est si souvent victime.
Et avoir été choisie comme sujet par Albert Lévy a bien plus de valeur encore qu’une éventuelle protection au titre des monuments historiques.
Maintenant, nous pouvons nous interroger sur ce choix du photographe.
Je ne connais qu’une série d’une dizaine de photographies d’Arcachon prises par Albert Lévy, sans doute quelque temps avant 1890, et numérotées de 57 à 66.
Sont-elles précédées de 56 autres vues ?
Sont-elles suivies par d’autres ?
Je n’en sais rien.
Cette série comprend quatre villas de l’avenue Nelly-Deganne, quatre villas de la Ville d’Hiver, la villa Luxembourg de la place de Verdun, aujourd’hui dissimulée sous un vilain immeuble dans lequel siège la Police Municipale, et cette maison particulière de la rue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny.
Qu’est-ce qui a dicté le choix du photographe spécialisé en architecture et plus certainement en belle architecture ?
A-t-il choisi ce qu’il a jugé comme étant les plus significatives ou les plus belles constructions de la ville ?
Je ne le pense pas.
Par exemple, il n’a pas retenu, ni le Casino Mauresque, ni le Grand Hôtel ou le château Deganne.
Et sur ce qui est des plus belles constructions, je ne voudrais pas me fâcher avec quelques propriétaires actuels qui revendiquent ce statut pour la leur.
D’ailleurs, il semble n’avoir photographié aucune de ces magnifiques villas qui agrémentaient autrefois notre bord de mer.
A-t-il privilégié la localisation ?
Quatre villas sont sises dans l’avenue Nelly Deganne et les quatre de la Ville d’Hiver sont situées dans un mouchoir de poche : Faust, Marguerite, Brémontier et Graigcrostan.
J’opterais pour une autre hypothèse.
Au moment où il vient à Arcachon, j’ai le sentiment qu’il se serait intéressé à des villas récemment construites ou récemment remaniées de façon importante.
Il serait venu vers 1885, et on lui aurait montré les constructions les plus récentes.
Cette maison de la rue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny semble être de cette époque.
On l’a dit comme étant due à l’architecte Reynal.
Je n’ai rien trouvé sur cet architecte.
Mais non loin de cette maison, toujours dans la rue du Casino, au coin avec le cours Lamarque de Plaisance, une pharmacie construite en bois était tenue par le pharmacien Sylvio Reynal.
Y aurait-il un lien entre l’éventuel architecte Reynal et la pharmacien Reynal ?
Le faite de la façade est décoré d’un blason qui porte trois étriers lesquels sont forcément représentatifs du métier exercé par celui l’ayant fait construire.
Plus bas, il y a trois initiales.
Un B en initiale principale et L et P en arrière-plan.
Je pense que cette maison a été construite pour Macaire Broustet, qui sera loueur de chevaux, de chevaux de course, dans la rue du Casino.
Quant aux L et P je passe ma langue au chat.
L’imposante porte cochère en pierre de taille située sur la gauche, avant d’être remplacée par un agrandissement de la maison, ouvrait peut-être sur des écuries situées en arrière-cour.
Quand Macaire Broustet s’était marié à Arcachon en 1865, il était tailleur de pierre. Comme son père Augustin Broustet et son oncle André Broustet.
Sa sœur aînée, Marie-Aimée Broustet, avait épousé à Bordeaux en 1846, Pierre Reynal qui était lui-aussi tailleur de pierre.
Lequel deviendra par la suite entrepreneur en bâtiments à Arcachon et c’est sans doute lui qui aura construit cette maison de la rue du Casino. D’où cette attribution erronée à l’architecte Reynal. Et c’est la présence dans la famille de tous ces tailleurs de pierre qui ex-plique sans doute la richesse sculpturale de sa façade.
Macaire Broustet aura trois enfants : Marie, François et une seconde Marie.
Quand il marie à Arcachon sa fille aînée Marie âgée de 18 ans, le 23 décembre 1886, il se déclare loueur de chevaux. Tout comme son nouveau gendre, Pierre Maupomé, âgé de 20 ans.
Sans doute un jeune employé qui aura réussi à épouser la fille de son patron. D’autant plus que celle-ci accouchera deux mois plus tard.
En 1889, son fils François se mariera à son tour en se déclarant loueur de chevaux alors que son père, Macaire, a lui embrassé une nouvelle profession, il est devenu parqueur.
Il mourra en juin 1901 et sa veuve lui survivra jusqu’en décembre 1933. Alors qu’elle habitait toujours dans sa maison de la rue du Casino.
Avoir été choisie comme sujet par le photographe Albert Lévy a pour cette maison bien plus de valeur encore qu’une éventuelle protection au titre des monuments historiques.
Elle a encore aujourd’hui quelques beaux restes.
Mon petit doigt m’a dit que ses copropriétaires actuels envisageaient de la faire rénover.
Je les encourage fortement à la faire remettre dans son état d’origine avec tous les bois qui la décoraient.
Pour qu’elle redevienne la plus belle de la rue et que les touristes amateurs d’architecture qui parcourent la Ville d’Hiver descendent aussi, demain, voir la maison Broustet.
Arcachon, le 8 août 2021.
Jean-Pierre Ardoin Saint Amand
 

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