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Source des Abatilles

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C’est dans le courant de 1922 que l’attention des spécialistes fut attirée sur la région d’Arcachon, par la découverte qui y fut faite de gaz hydrocarbures qu’une petite société paraissait vouloir exploiter.

La Société de Recherches de Minerais el Hydrocarbures décida d’effectuer des travaux. Le choix fut fixé sur le terrain des Abatilles. Une série de petits sondages de prospection variant de 8 à 16 m permirent de se rendre compte que les gaz étaient fugitifs et provenaient simplement d’une décomposition locale de matières organiques dans une couche de marne tourbeuse de 1 à 3 m d’épaisseur, ne justifiant pas un aménagement industriel.

Le sol des Landes est constitué de dunes qui ne permettent aucune hypothèse géologique sur le sous-sol qu’elles recouvrent. Aussi un sondage de grande profondeur fut-il décidé et implanté à une centaine de mètres de la route d’Arcachon au Moulleau. Il fut commencé le 22 novembre 1922, à l’aide d’un appareil Voght. Sauf le premier tube guide de 450 mm de diamètre et 4 m 50 de long, en tôles rivées, les tubages étaient en tubes hermétiques, en acier, pour permettre les obturations successives des divers niveaux aquifères. Vers 254 m, on rencontra une nouvelle couche de marnes imprégnées, sous laquelle furent constatées des eaux hydrocarburées (0,11 % d’huile seulement).

En août 1923, le sondage mit à jour un jaillissement d’eau minérale et thermale qui, commencé avec un débit de 3 000 litres à l’heure à 361 m 40, atteignait 70 000 litres à 464 m50.

L’eau provient d’une nappe traversée sur 111 m 15 et jaillirait à plusieurs mètres (hauteur du niveau hydrostatique 8 m 55) ; la température d’émergence est de 25°2 ; sa minéralisation moyenne est, en mg ; CO² total 95, Az 58, O 13, NaCl 108, SO4Ca 7, CaO 20, MgO 13, SiO² 7. Total 321.

Il fut décidé de ne pas pousser le sondage plus loin et d’exploiter cette source.

Bactériologiquement, la Faculté de Médecine de Bordeaux l’a classée dans la catégorie des eaux « excessivement pures ».

La radioactivité de 1/10 de microcurie par litre-heure est de l’ordre de celle du Mont-Dore, Saint-Nectaire, Uriage, Vichy, etc.

Sur la demande de la Société thermale des Abatilles pour obtenir l’autorisation d’exploiter la source Sainte-Anne à Arcachon, l’Académie de Médecine, sur l’avis favorable de la commission chargée de l’examen du captage, du débit et de la minéralisation, a accordé, dans sa séance du 30 juin 1925, l’autorisation demandée pour une période de 30 ans.

Voici donc comment eu cherchant du pétrole, dont la découverte aurait transformé industriellement la physionomie du pays, on a ajouté aux agréments de la station climatique et balnéaire d’Arcachon, le fleuron thermal. Cette station possède l’avantage d’un climat très doux pendant l’hiver, qui lui permettrait peut-être d’avoir une saison ininterrompue[1] [2].

[1] [3]L’Éveil économique de l’Indochine du 6 novembre 1927

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5584393b/f20.item.r=abatilles

 

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La Société Thermale des Abatilles informe les Entrepreneurs de travaux publics que le dossier du projet pour la construction d’un Pavillon Buvette sera déposé au bureau de la Société, chalet « Petit Louis», route du Moulleau à partir de lundi 11 mai 1925 où ils pourront le consulter de 9 à 12 h. et de 14 à 16 h.

Les propositions et devis devront être remis au Bureau de la Société avant dimanche 17 mai à 11 h.

Nous avons l’honneur de vous informer de la constitution définitive de notre Société au Capital de Frs : 1.800.000 sous la Raison sociale de « La Société Thermale des Abatilles » dont les statuts ont été déposés dans l’Étude de MMartin notaire à Arcachon.

L’Assemblée constitutive des actionnaires tenue le 17 avril 1925 au Grand Hôtel à Arcachon a désigné les personnalités suivantes pour faire partie du Conseil d’Administration :

Président : M. Gabriel Maydieu, Membre de la Chambre de Commerce de Bordeaux, villa Volubilis, Arcachon ;

Vice-Présidents : M. Joseph Loste, Chevalier de la Légion d’honneur, Conseiller municipal d’Arcachon, Manoir du Moulin à Lormont ; M. Marcel Ulrich, Président de la Société des recherches de minerais et d’hydrocarbures, Paris ;

Membres : MM. Paul Beaumartin, Industriel à Bordeaux ; Jean Botreau, Ingénieur des Arts et Manufactures, Paris ; Henri Callichon, Industriel à Arcachon ; Henri Cameleyre, Armateur à Arcachon ; Albert Debray, Industriel à Arcachon ; René Delor, Négociant à Bordeaux ; Dr Henri Dumora, Chevalier de la Légion d’honneur, Talence ; Prosper Minvielle, Administrateur de la “Petite Gironde”, Chevalier de la Légion d’honneur, Bordeaux ; Georges Mullet, Ingénieur de l’École Polytechnique, Paris. Le Conseil d’Administration a décidé définitivement de donner le nom de « Sainte-Anne » à la Source des Abatilles.

Immédiatement après la deuxième assemblée constitutive de la Société, le Conseil d’Administration s’est réuni à l’effet d’arrêter les premières mesures qui sont la conséquence de la constitution définitive de la Société ; il à notamment approuvé les plans définitifs élaborés par des architectes spécialisés dans la matière, pour la construction d’un immeuble thermal en style basque, d’un pavillon buvette, d’un salon de thé avec pergola, des différents bâtiments d’installation et aménagements perfectionnés pour la mise en bouteilles de l’eau offrant toutes garanties au point de vue d’asepsie, bureaux et locaux d’exploitation et administration, bureaux médicaux et laboratoires, à la disposition du Corps médical, Installations et aménagements d’hydrothérapie moderne avec les appareils les plus perfectionnés. Aménagement du grand parc de la Société d’environ 25 000 mq. etc.

Les travaux vont commencer immédiatement [1] [2].

[1] [3]L’Avenir d’Arcachon du 10 mai 1925

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5422416c/f1.image.r=abatilles?rk=42918;4#

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Arcachon fut en fête et en grande fête jeudi 5 août 1926 et voici pourquoi :

M. le Sultan du Maroc n’a pas voulu regagner son pays sans voir la perle de la Côte d’Argent. De Bordeaux, il n’y a qu’un saut de puce ; grâce à une rapide automobile – une “Oakland” pilotée par M. Ricardo -, il l’accomplit en moins d’une heure.

Sa Majesté Moulay-Youssef, Sultan du Maroc, après une courte et délicieuse promenade en bateau sur le Bassin d’Arcachon, a bien voulu honorer de sa présence le nouvel établissement thermal des Abatilles.

À 11 h 30 une longue file d’automobiles dans lesquelles prennent place S. M. Moulay-Youssef, le prince héritier et les princes de la famille impériale, les hauts dignitaires de la Cour, M. Bon le maire distingué d’Arcachon, le préfet de la Gironde, le général Mougin et tous les personnages officiels, s’arrêtent devant le parc de l’Établissement Thermal pavoisé aux couleurs nationales.

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Venu à l’avance, M. Maydieu, président du Conseil d’Administration, assisté de M. de Saint-Sauveur, Administrateur-directeur, remercie le Sultan de l’honneur qu’il fait à la Société Thermale des Abatilles en venant visiter la Source Sainte-Anne qui, bien que d’une découverte récente, n’est pas pour cela une inconnue au Maroc. M. Maydieu rappelle au Sultan comment, voici à peine quelques semaines, il a déjà eu l’occasion de recevoir aux Abatilles un groupe de notables et de commerçants Marocains venus pour visiter l’Établissement hydrothérapique.

Moulay-Youssef se rend ensuite à la buvette où il déguste avec une évidente satisfaction l’eau de la Source Sainte-Anne diffusée déjà dans les grandes villes du Maroc. Sous les rayons d’un soleil splendide, nos hôtes, aux djellabas de fine laine blanche et aux effets rehaussés de broderies, se pressent autour des mosaïques du pavillon-buvette, et l’effet en est des plus gracieux.

Le Sultan et sa suite visitent encore le parc et ses vastes ombrages ; au griffon de la source jaillissante, S. M. Maulay-Youssef, vivement intéressée par le débit considérable de 70 000 litres à l’heure, s’arrête longuement.

L’étranger, qui vient ici doit consacrer une de ses premières journées à la Source des Abatilles. C’est un des plus jolis endroits d’Arcachon. En partant de la place des Palmiers on y arrive par la forêt, à droite après une agréable promenade d’une demi-heure. Le contraste est complet entre la nature sauvage qu’on vient de quitter et le jardin de l’Établissement thermal plein de roses, avec de vertes pelouses bien arrosées et traversées d’un ruisseau limpide.

Prenez un bain ; vous ne trouverez nulle part des cabines plus confortables. Ensuite, vous traverserez le parc pour gagner la plage où sont déjà quelques baigneurs intrépides, notamment l’éminent tragédien Marcel Soarez qui nous quittera bientôt pour tenir un rôle important dans le film de Jeanne d’Arc en préparation.

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[16]C’est par la suite de l’achat à l’État par la ville de la forêt des Abatilles que le Maire James Veyrier-Montagnères propose au conseil municipal le 16 février 1908 d’établir une route en forêt allant du Parc Pereire, près des arènes landaises, conformément à un plan qu’il fait dresser par Édouard Gaffet (1834 ca-1918 – admirez sa tombe en faux bois au cimetière d’Arcachon), jardinier, horticulteur-paysagiste et maire-adjoint dès 1874.

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L’État a “donné” le Parc des Abatilles pour en faire exclusivement une promenade publique sans que la ville d’Arcachon puisse se livrer à aucun lotissement.

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Une maman — j’ajouterai une jeune et charmante maman —, me fait part de ses doléances. Elle fréquente la source des Abatilles et réclame un vrai trottoir pour que ses enfants qui la suivent partout ne soient pas écrasés par le tram, les autos, les camions, les bicyclettes qui à certaines heures encombrent cette partie de la route du Moulleau. Ce n’est pas la peine d’aller se guérir en buvant de l’eau de la source, pour être écrasé ensuite.

À propos de la source, un de nos amis, qui est aussi un ami d’Arcachon, M. Lambert, nous signale que voulant profiter d’un billet de ville thermale pour venir de Charleville qu’il habite, faire une cure aux Abatilles, on lui répondit qu’il ne pouvait pas jouir de cette faveur, Arcachon ne figurant pas parmi les stations climatiques. En fait, d’Arcachon, on ne connaissait que les huitres.

G. de P.

 

Moulay Youssouf (Meknès, 1881 — id., 1927). Sultan alaouite du Maroc (1912 – 1927). Troisième fils d’Hassan Ier, il fut proclamé sultan après l’abdication de son frère Abd al Hafid. Ne conservant que les apparences du pouvoir, il dut remettre l’autorité réelle au général Lyautey, résident général français (1912-1925). Son fils Sidi Mohammed ben Youssef (Mohammed V) lui a succédé. Encyclopédie Hachette. Le visiteur des Abatilles en 1926 est donc l’arrière-grand-père de Mohammed VI (en berbère marocain : ⵎⵓⵃⵎⵎⴷ ⵡⵉⵙ ⵚⴹⵉⵚ), né le 21 août 1963 à Rabat, roi actuel du Maroc.

Textes recueillis par Aimé Nouailhas

 

L’Avenir d’Arcachon N° 3829 du 8 août1926

https://leonc.fr/histoire/sultan/index.html [32]

L’Avenir d’Arcachon du 12 juin 1927

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54221259/f2.item.r=for%C3%AAt%20l%C3%A8ge.zoom [33]

http://www.arcachon-nostalgie.com/img/Publics/ParcAbatilles.htm [34]

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