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Site archéologique de Losa à Sanguinet (VIIe av. J.-C. à IIIe siècle apr. J.-C.)

Trois villages jalonnant le lit de la Gourgue sont engloutis sous les eaux du lac de Cazaux, les plus profonds étant les plus anciens. 

La naissance des lacs littoraux de la côte aquitaine est due à la formation de la chaîne de dunes qui fait obstacle à l’écoulement des nombreuses rivières côtières drainant le littoral au sud de la Garonne. La formation des dunes est la conséquence de phénomènes concomitants dont les acteurs sont les courants océaniques du golfe de Gascogne, les alluvions de l’ensemble du réseau fluvial aquitain et les vents d’ouest dominants. Les rivières côtières voient leurs estuaires s’obstruer progressivement et leurs seuils d’écoulement se surélèvent provoquant, à l’est de ces barrages naturels, des accumulations d’eau douce. Cette montée inéluctable des eaux prisonnières des sables connaît de longues périodes de stabilité s’étendant sur plusieurs siècles, suivies d’accélérations brutales qui, en quelques décennies, obligent les populations à abandonner leurs espaces de vie pour s’installer plus en amont. Au sein du système des lacs littoraux, seul le Bassin d’Arcachon a conservé une communication permanente avec la mer grâce au débit relativement important de la Leyre et à son étendue qui fait qu’à chaque changement de marée, d’énormes volumes d’eau transitent par la passe.

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Une voie littorale reliait Burdigala (Bordeaux) à Aquae Tarbellicae (Dax).

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Le site de Put Blanc (VIIe –IVe siècle av. J.-C.) couvre une superficie de plus de 3 ha, à une profondeur moyenne de 13 m. Les vestiges d’habitats sont dispersés à la pointe est du lac primitif dans sa phase du 1er âge du fer. Ce qui est assez remarquable, c’est que les hommes aient choisi de s’installer sur de très modestes surélévations de terrain dans les zones de marais proches du lac. Il s’agit vraisemblablement d’un souci de protection par rapport à un environnement jugé hostile, puisque des zones à l’abri des variations du niveau des eaux, existent à proximité.

À 12 m de profondeur, Put Blanc I et Put Blanc II présentent d’importants ensembles de pieux. Ces deux zones, distantes d’une dizaine de mètres l’une de l’autre, correspondent à deux habitats construits sur une légère surélévation de terrain par rapport au niveau du plan d’eau primitif. Put blanc III correspond à un habitat plus structuré. Il s’agit du plancher d’une hutte aménagée sur un promontoire de superficie réduite. Construisant sur le sable très meuble, les hommes ont réalisé une assise solide, constitué de petits troncs superposés. Ces platelages, recouverts d’une couche d’argile, constituaient ainsi un sol de terre battue, bien isolé des remontées humides. Il s’agit d’une pièce rectangulaire de 4,60 m de longueur sur 3,30 m de largeur. Cet espace de 15 m². Au centre de cet habitat on peut noter la présence d’une sole de foyer en argile d’un mètre de diamètre. Les tessons de poterie sont abondants sur l’ensemble de la zone archéologique, mais leur densité est beaucoup plus importante sur les espaces d’habitat. Les coupes ou les vases de formes et de tailles très variées s’apparentent à ceux bien connus sur les sites du premier âge du fer. On rencontre en particulier des décors rubanés en relief, présents déjà à l’âge du bronze. Les datations effectuées sur les pieux confirment une occupation du site de Put Blanc pendant toute la période du premier âge du fer.

Le village de l’Estey du Large (IIIe – Ier siècle av. J.-C.) est installé sur la rive gauche de la rivière, qui, à cet endroit, n’excède pas 150 m de largeur. La partie haute et plane de cet espace est actuellement, à 7 m de profondeur moyenne. Une pente d’environ 10 % permet d’atteindre le lit de la rivière antique à 11 m de profondeur. Le site se présente comme un vaste espace elliptique de plus de 3 000 m². Une centaine de pieux de chêne ou de pin subsistent des deux enceintes qui assuraient la protection du village. Une énorme accumulation de troncs constituait une assise solide pour ces palissades. Le sol d’occupation, riche en tessons de céramique, atteint 20 à 30 cm d’épaisseur. Sur cet espace vaste et dégagé quelques foyers importants mais aussi un très grand nombre de feux secondaires ont été repérés. L’espace intérieur ne comporte aucune trace d’habitat. Cependant, au niveau de l’enceinte on relève les indices les plus significatifs montrant que quelques habitations étaient intégrées à l’ouvrage de défense. Le mobilier de céramique typique de la fin de l’âge du fer est extrêmement abondant. Parmi les poteries non tournées, les jattes à anses internes sont spécifiques à la région littorale au sud du bassin d’Arcachon. Ce type de poterie a perduré jusqu’à l’époque gallo-romaine sur le village de Losa. Les objets métalliques mis au jour par les fouilles sont rares, ce qui témoigne de la faiblesse des échanges économiques. Seuls les alliages de cuivre ou d’argent ont résisté à la corrosion des eaux du lac. Une douzaine de fibules et des anneaux ont été inventoriés. Plus de dix années de fouilles n’ont permis la découverte que de deux monnaies datables au Ier siècle av. J.-C. À l’intérieur de l’enceinte, un entassement de blocs d’un minerai de fer très riche, le « fer des marais », a été repéré. De très nombreux fragments de scories de réduction, d’affinage ou de forgeage du fer ont également été relevés. L’Estey du large semble donc avoir été un centre de production de fer. Quelques fragments de la paroi d’argile de bas-fourneaux ont été inventoriés parmi les scories de réduction. C’est à la fin du Ier siècle av. J.-C. que les habitants de l’Estey du large doivent abandonner leur territoire atteint par la montée des eaux pour s’installer en amont.Pour atteindre le village de Losa (Ier – IIIe siècle apr. J.-C.), la voie romaine littorale venant du nord devait franchir la rivière dont la vallée se trouve actuellement à 7 mètres de profondeur.

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Un pont permettait de franchir la Gourgue et d’accéder au village. Cette station routière s’articulait autour d’un temple gallo-romain ou fanum. Des pieux de chêne ou de pin implantés dans la partie basse dessinent le tracé de ce « long pont » qui s’aligne parfaitement sur la voie reconnue à terre. Losa occupait un large plateau bien drainé, à l’abri des crues, à deux mètres environ au-dessus du niveau de la rivière. Il s’agissait d’une mansio [4], c’est-à-dire d’une station routière où le voyageur trouvait le gîte et le couvert. Le village s’articulait autour d’un petit temple dont les fondations dessinent un plan très proche de ceux des nombreux fana que l’on connaît en France et tout particulièrement en Aquitaine.

Le mobilier de céramique domestique est abondant (assiettes, coupes tripodes, cruches, gobelets…). À côté de cela, quelques poteries plus « nobles » comme les céramiques sigillées, les gobelets à parois fines ou les amphores, témoignent d’échanges commerciaux dans un espace géographique assez vaste. Mais la masse la plus importante du mobilier archéologique est constituée par des tessons de cuviers et de grandes jarres qui témoignent d’une industrie de production de goudron à partir du bois de pin. Les monnaies très nombreuses trouvées sur le site permettent de définir avec une assez grande précision la période d’occupation de Losa.

Le fanum de Losa (12 x 10 m) est un site archéologique sublacustre qui se présente sous la forme d’édifice rectangulaire, dont l’entrée s’ouvre sur un vestibule qui donne accès à une galerie de circulation faisant le tour de la pièce centrale du temple, la cella. Les murs épais de 45 cm sont constitués de blocs de garluche. Divers éléments archéologiques indiquent une période d’utilisation assez longue. L’abandon du fanum pourrait être lié à l’apparition du christianisme au IVe siècle.

Trente pirogues monoxyles ont été répertoriées sous les eaux du lac de Sanguinet. Trois d’entre elles sont voisines du village de Losa. Trois autres ont été découvertes dans le lit de la rivière antique, hors du contexte des sites ayant fait l’objet de fouilles archéologiques. 24 de ces embarcations ont été répertoriées sur la zone archéologique de Put blanc. Sur les trente pirogues découvertes dans le lac de Sanguinet, vingt-six sont creusées dans des troncs de pin, quatre seulement étant en chêne. Deux d’entre elles ont été sorties du lac en septembre 2003 et ont fait l’objet d’un traitement de conservation dans le laboratoire Art-Nucléart de Grenoble. Ces deux pirogues (n° 5 et n° 20) sont revenues sur Sanguinet le 10 juillet 2008 et ont été installées dans leur nouvelle salle vitrine (température et hygrométrie régulées) pour être présentées au public.

La pirogue n° 20 (âge du bronze) est en chêne et est âgée d’environ 3 270 ans, elle est la partie arrière mesurant 4,80 m d’une pirogue et comporte à sa poupe une planche amovible en pin. La pirogue n° 5 est entière en pin pour une longueur de 8 m et date d’environ 2 700 ans (âge du fer).

Ces deux pirogues vont retrouver au musée la pirogue n° 1 trouvée avant le début des recherches archéologiques et remontée des eaux du lac. Ce fragment de pirogue (fond de la pirogue) en chêne mesure un peu moins de 4 m et date du Moyen Âge.

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tang_de_Cazaux_et_de_Sanguinet#Historique [5]

Lire aussi l’article richement documenté :

http://aquitania.u-bordeaux-montaigne.fr/_jumi/pdf/323.pdf [6]

Hervé Barrouquère vous propose un peu de lecture en complément 

 https://m.facebook.com/groups/538450463008456?view=permalink&id=1397657770421050 [7]

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