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Les mouleurs landais

Il existe, en France, un département qui semble avoir été maudit par la nature : du sable, de la bruyère et des forêts de pins, telle est la production de ce coin perdu, isolé, de ce petit Sahara jeté comme un défi à côté d’autres départements pleins de riants coteaux et de verdoyantes prairies.

Si la Nature a dit à la végétation : « Tu t’arrêteras là, je ne veux pas que tu pénètres dans cette contrée », la civilisation et le progrès, intimidés par cet ordre impérieux, ont imité la végétation et se sont arrêtés au seuil de ce désert.

Quand je dis que la civilisation et le progrès n’y ont pas pénétré, ce n’est pas mon dernier mot. Il est, dans la société actuelle, une caste d’individus que rien n’arrête, qui ne reculent devant rien ; pour eux, pas de frontières, pas de distances : toutes ces difficultés sont aplanies par cette grande tribu de nomades qui, à force de spéculer sur tout ce qui peut rapporter un sou, ont ramassé des monceaux d’or et détiennent le record de l’accaparement. Cette race d’Harpagons, cette caste qui suinte l’exploitation par tous les pores, c’est la bourgeoisie qui enfante nos patrons.

Et on viendra me parler des Juifs… les voilà les vrais Juifs de la société ! Eux ont jeté le gant à la nature, eux ont vaincu tout ce qui s’opposait à leur passage : ils ont vu ce département aride, morne, sans communication directe avec le reste de l’humanité ; ils ont vu et visité les chaumières des résiniers, les industriels primitifs de la contrée ; ils ont tout de suite compris que de ces cerveaux sans volonté ils pourraient en faire ce que bon leur semblerait ; ils ont dit : à côté de ces chaumières nous allons bâtir des fonderies et, des résiniers, nous ferons des mouleurs. C’est ce qu’ils ont fait. Aussi, depuis de longues années, ils exploitent à plaisir ces pauvres êtres, en disposent à leur gré et ramassent, dans cette odieuse exploitation, une dot raisonnable pour leurs enfants.

Je n’entrerai pas aujourd’hui dans les détails de ce monstrueux marchandage, me réservant, pour la prochaine fois, de mettre à jour tout l’odieux renfermé dans la conduite de ces patrons.

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Il faut que tout le monde sache que les camarades landais sont exploités d’une façon outrageante, et qu’il est temps d’apporter un remède à leurs souffrances ; du reste, ils ont commencé à relever la tête ; une levée de boucliers a eu lieu à Béliet, où un Syndicat s’est formé. Ce n’est là qu’une première et faible tentative. Nous devons encourager ces camarades. Notre devoir est tout tracé, il s’impose ; nous sommes ici pour cela.

Il y a deux ou trois années, un appel leur a été adressé par la voie du journal, mais il resta vain, et, ce qui explique cela, c’est la difficulté de communication et le manque total d’adresses sûres. Que l’on sache bien qu’il y a là de l’utile besogne à faire, car les fonderies sont nombreuses dans ce département, et, comme elles sont disséminées un peu partout, l’envoi d’un délégué est inévitable, dans le but de s’aboucher de vive voix avec ces camarades, afin de les grouper autour du drapeau de la Fédération et de leur faire comprendre qu’ils ont le droit d’aspirer à une meilleure situation.

Il importe donc que les mouleurs landais fassent le meilleur accueil au délégué de la Fédération, et qu’ils lui facilitent sa tâche en lui donnant tous les renseignements qu’il croira utile de leur demander.

Nous reviendrons sur cette question dans le prochain numéro.

Guillaume Lenoir.

P.-S. — Prière aux secrétaires des Syndicats avoisinant le département des Landes de faire leur possible pour recueillir le plus d’adresses qu’ils pourront des localités des Landes où se trouvent des fonderies, et de les faire parvenir sans retard à la Fédération. Via htba, et son couvre chef, ce devrait être chose facile…

 

La grande maison de Juhel Rénoy à l’entrée de Béliet existe toujours et vient d’être rachetée par un restaurateur arcachonnais, tandis que la dernière fonderie tenue par Messieurs Jacques et Pierre Labarbe, encore visible il y a une petite dizaine d’années, est devenue… la boulangerie Le Fournil de Papitch (nom emprunté à l’ancien bar ; aujourd’hui M & Mme Jean-Louis Labat) : maintenant, on y fond du chocolat !

 

Le Cri du peuple, organe hebdomadaire régional du Parti communiste, Jean Allemane, (1843-1935) Directeur de publication, 17 septembre 1899

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4681357k/f3.item.r=b%C3%A9liet.zoom# [2]

Quotidien créé par Jules Vallès et Pierre Denis, Le Cri du peuple est le journal emblématique de la Commune de Paris. Vraisemblablement inspiré par La Voix du Peuple de Proudhon, son existence est d’abord empêchée par la répression des communards de début 1871, avant que le journal soit purement et simplement interdit sur ordre du général Vinoy. Il reparait toutefois jusqu’en 1922, malgré de nombreuses difficultés économiques. Farouchement communard, ce journal frondeur typique des Insoumis d’alors a marqué l’histoire du mouvement ouvrier en France.

 

file:///C:/Users/rapha/Downloads/BELINBELIET-MAGAZINE-FEVRIER-2019-WEB.pdf

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