- H T B A - https://htba.fr -

Les lagunes

Saint-Magne offre enfin à découvrir ce que beaucoup considèrent comme une curiosité, ses lagunes.  Selon les « anciens », il y a peu, on recensait autant de lagunes à Saint-Magne que de jours dans l’année ; les Morbihannais en disent autant à propos des îles qui peuplent leur Golfe ! Aujourd’hui, Saint-Magne fait partie des communes girondines qui disposent d’une très forte densité de lagunes (plus de 10 lagunes au km²) ; Saint-Magne dénombre plus de 190 lagunes !

[1]

Elles sont mystérieuses et belles, d’un sentier à l’autre on peut découvrir des promenades où la flore et la faune vous enchantent et les senteurs exhalent leurs parfums de résine et de terres chaudes ; elles changent de couleur avec l’humeur du temps, cachent des plantes carnivores. Non loin d’elles, la nature vous offre aux regards des papillons extraordinaires, des fleurs rares à préserver. Et le plus précieux cadeau qui vous est fait lors de ces promenades c’est le calme et la tranquillité qui deviendront bientôt un luxe.

Les lagunes sont de petites retenues d’eau de dimensions variables (de 20 m² à plus de 10 000 m²), formées au sein de dépressions topographiques où la nappe phréatique affleure. L’eau y est généralement de faible profondeur, douce, acide et oligotrophe (milieu pauvre en nutriments). Ces conditions tout à fait particulières, favorisent le développement d’espèces végétales spécifiques et souvent rares ou peu courantes. Ainsi, ces lagunes accueillent des espèces végétales d’intérêt européen comme le Faux cresson de Thore (Caropsis verticillato-inundata), d’intérêt national comme les Rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia), et intermédiaire (Drosera intermedia), ou d’intérêt régional comme l’Utriculaire citrine (Utricularia australis) et la Violette des marais (Viola palustris).

Ces lagunes et les habitats naturels en bordure qui les accompagnent (landes humides, tourbières, gazons…) accueillent également une faune riche et des espèces d’intérêt européen comme le Fadet des laîches (Coenonympha oedippus) et le Damier de la Succise (Euphydryas aurinia), deux papillons inféodés aux landes humides. Les Leucorrhines sont également très présentes au niveau des lagunes de Saint-Magne, notamment la Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis), libellule d’intérêt communautaire, inféodée aux eaux stagnantes oligotrophes et acides. Elles attirent également de nombreuses espèces d’oiseaux comme le Héron cendré (Ardea cinerea). Les amphibiens viennent s’y reproduire et la Cistude d’Europe (Emys orbicularis) espèce d’intérêt communautaire, y vit. Enfin, elles constituent des zones de chasse et d’abreuvage de nombreux chiroptères et autres mammifères terrestres. En plus d’abriter des espèces végétales et animales rares, les lagunes marquent des discontinuités au sein de la pinède et apportent de la diversité au sein du paysage. Elles constituent également un élément du patrimoine local. Toutefois, les lagunes ont progressivement tendance à s’assécher (drainage du massif forestier) et à se refermer (colonisation par les ligneux). Cela a pour conséquence un appauvrissement du cortège floristique et en particulier une raréfaction des stations à Faux cresson de Thore. Ce sont des milieux très fragiles. Ainsi, depuis 1994, environ 140 lagunes ont disparues sur la commune de Saint-Magne.

Ces drôles de mares racontent un temps ancien où des vents puissants construisaient les dunes continentales, quand un froid glaciaire s’estompait pour laisser la végétation gagner peu à peu ce vaste plateau sableux. Les lagunes sont nées de phénomènes encore mystérieux où l’on devine par ces creusements du sol, l’affleurement des eaux souterraines. Toute une flore et une faune, très originales et souvent protégées, prospèrent ici. Mais les lagunes sont discrètes, nichées au cœur du massif forestier et ne s’offrant qu’à celui qui les cherche. Il en existe encore 2000 sur le plateau sableux des Landes de Gascogne dont 1000 sur le Parc. Il faut les observer à différentes saisons : l’hiver, quand l’eau est au plein offrant de superbes miroirs d’eau à la forêt cultivée toute proche, au printemps, avec le jaillissement de la vie, l’été avec les virevoltes des libellules les plus rares, et à l’automne, quand se colorent de vert et d’orange d’étranges pelouses engorgées, selon un étagement subtil et précis de la végétation.

L’origine des lagunes, appelées depuis toujours « lagua » sur notre territoire gascon n’est pas unique. Elle est ancienne et progressive, fruit de phénomènes climatiques et géologiques. L’hypothèse d’une genèse consécutive à la dernière déglaciation prévalait. En effet, à la fonte de lentilles de glace, des lagunes prenaient déjà leur forme actuelle il y a plus de 8 000 ans. Ailleurs sur le territoire, où les couches sédimentaires sont plus variées qu’il n’y paraît, l’hypothèse d’une formation par micro effondrements calcaires prend le relais. C’est le cas en particulier vers Saint-Magne et Louchats où des lagunes de plusieurs origines cohabitent, datant ici de milliers d’années, là de quelques siècles à peine.

Alimentées essentiellement par la nappe phréatique et les eaux de percolation du sol, ces micros zones humides présentent des conditions de vie souvent « extrêmes » pour les organismes vivants qu’elles abritent (fortes variations de température et d’oxygénation dans l’eau, pH acide < 4,5…). Ces conditions déterminent une sélection importante des organismes vivants et expliquent la présence de certaines espèces très spécialisées et intéressantes du fait de leur répartition restreinte. C’est le cas par exemple du lézard vivipare (Lacerta viviparia). Elles constituent également des sites essentiels pour les amphibiens (zone de ponte et de développement). Elles sont aussi de formidables conservatoires de pollens, captifs au sein de tourbe tapissant certaines lagunes. Les paysages d’antan ont ainsi été interprétés, laissant voir l’apparition de l’occupation humaine. La capacité d’abriter des vestiges de temps immémoriaux se manifeste aussi par la survie d’espèces en limite de répartition comme cette libellule, la Leucorrhine à front blanc, typique de Scandinavie. D’autres espèces très « nordiques » sont peu à peu mises à jour, comme ce coléoptère boréal Hydaticus aruspex, redécouvert par la Société Linnéenne de Bordeaux. Qualité d’eau et climat atlantique permettent l’expression d’une flore très originale comme les sphaignes, mousses des milieux tourbeux, la Littorelle à une fleur, petite vivace très rare, ou les utriculaires, plantes carnivores des lagunes tourbeuses… Enfin, l’influence méridionale n’est jamais loin avec Rhantus hispanicus, un autre coléoptère rarissime, et l’emblématique Faux-cresson de Thore, une mini ombellifère à l’odeur de carotte, deux espèces uniques à la France et à la péninsule ibérique.

Les lagunes sont disséminées dans la forêt cultivée, certes ouverte mais majoritairement privée. Plusieurs sites s’offrent à la découverte : les lagunes de Saint-Magne, site Natura 2000, sont les plus nombreuses et les plus variées : un sentier pédestre balisé du plan départemental de randonnée de Gironde se prend depuis le centre bourg.

Le territoire de Saint-Magne est constitué d’un plateau forestier sableux, marqué par son immensité et son relief uniforme. La topographie plane rend difficile l’écoulement des eaux et le drainage naturel.

Des paysages spécifiques se dessinent, liés à une eau très présente mais discrète : les lagunes et les crastes décrivent des motifs particuliers et des réseaux complexes enrichissant la composition paysagère des sous-bois :

– les lagunes, éparpillées en chapelets au sein de la pinède, occupent de légères dépressions de terrain plus ou moins envahies par l’eau de la nappe phréatique. Elles forment des mares ou étangs et créent des puits de lumière et d’humidité au milieu des pins. Lorsqu’elles sont asséchées, on les repère grâce à la végétation spécifique qui les accompagne telles que les fougères, les molinies, …

– les crastes, fossés de drainage, dessinent un maillage dense reliant parfois les airiaux et clairières. La sylviculture laisse cependant peu de place à la formation d’une végétation rivulaire (qui vit, croît dans les ruisseaux ou sur leurs bords), qui permettrait de souligner le tracé des crastes et de structurer le paysage par les lignes arborées aux essences distinctes de la pinède.

http://www.valdeleyre.fr/Saint-Magne,1319.html [2]

https://cdte40.ffe.com/File/Journal_55.pdf [3]

https://www.parc-landes-de-gascogne.fr/Parc-Naturel-Regional-de-Gascogne/Le-parc-a-decouvrir/Les-incontournables/Les-lagunes [4]

https://www.registre-valdeleyre.fr/wp-content/uploads/2019/08/SMA_Arr%C3%AAt-PLU_Pi%C3%A8ce-1_Rapport-pr%C3%A9sentation.pdf [5]

https://atlas-paysages.gironde.fr/atlas/i-landes-girondines.html [6]

Images liées: