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Le menhir de Saint-Pierre-de-Mons

   

Derrière la chapelle de Mons, datant du XIe siècle, sur le chemin de ceinture, se trouve un bloc de grès estimé à plus de deux cents kilos. Selon l’art roman, les bâtisseurs plantaient, généralement près de l’abside, une grosse pierre, ayant pour fonction de décharger les énergies vibratoires de la construction.

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Cette pierre a plusieurs noms : pierre d’angle, pierre d’achoppement ou pierre témoin, comme à Chartres, par exemple. Trente ans après avoir découvert la pierre, alors qu’il était employé communal, et l’avoir signalée à la Direction historique d’Aquitaine et au maire Jean Ambach, Jean-Louis Brouste a reçu, il y a quelques semaines, un extrait de l’inventaire des mégalithes de France, ouvrage de Marc Devignes. Faisant suite à la description du dolmen de Béliet, Marc Devignes décrit le monolithe comme un bloc de grès découvert par M. Brouste, de 0,75 x 0,70 x 0,35 m. « Aucune légende n’a pu être relevée à propos de cette pierre, mais on peut supposer que ce bloc est un débris de menhir. Il date de la même époque que les églises de Saint-Aubin de Branne et Saint-Ciers d’Abzac, ayant toutes les deux des monolithes[1] [2] ». Jean-Louis Brouste, qui s’est toujours penché sur l’histoire locale, est fier et satisfait d’avoir offert à Béliet un dolmen et à Belin un menhir…

Le Musée Lapios

Ce matin, j’ai eu la chance de pouvoir  entrer pour la première fois de ma vie dans un lieu qui incarne à la perfection l’histoire de Belin-Béliet: le Musée Lapios, 66 rue du Stade. Les portes du musée local de Lapios se sont ouvertes ce matin. J’allais ainsi découvrir l’œuvre d’un homme passionné, érudit, historien, écrivain et chercheur du cru : Jean-Louis Brouste qui avait façonné le contenu de cette modeste bâtisse.  Nous devons beaucoup à cet homme qui a consacré sa vie à l’histoire de notre région et de nos campagnes.

Aujourd’hui fermé pour des causes appartenant au domaine de la sécurité, le musée n’avait plus ouvert ses portes depuis la disparition de Monsieur Brouste en 2013. Fermée officiellement aux alentours des années 2000, l’immense déception que représentait cette fermeture brutale aux yeux de son fondateur n’avait pourtant pas suscité à l’époque une indignation fédérative. Qu’importe, Jean-Louis Brouste ne voulait plus entendre parler de ce musée à cause du dégout et de l’injustice ressenti par cette cessation.

L’entrée du musée semble perdre du terrain face à une nature qui reprend ses droits. À gauche de l’entrée, la présence d’un sarcophage en guise de bienvenue nous rappelle le poids historique que représentent les objets exposés. Il est 9 heures lorsque je pénètre dans l’antre du savoir. Une ambiance particulière règne entre les murs du conservatoire. L’impression de s’introduire au cœur du noyau de Belin-Béliet, d’être dans un passé à la fois lointain mais si proche de nous, l’excitation d’être au sein d’un lieu entré dans la postérité. Mon regard se perd parmi les multiples trouvailles de l’historien belinétois. Le décor est aussi captivant qu’intrigant. Le rez-de-chaussée est fascinant par son contenu archéologique et ses vestiges du passé. En arrière-plan, de vieilles photographies encadrées en lien avec l’histoire d’Aliénor d’Aquitaine sont au sol. Le travail effectué par l’association du musée est bel et bien visible. Des objets sont rassemblés dans des cartons, des notes apportent des renseignements sur l’origine des objets, on se rend compte de l’immensité des tâches qui restent à accomplir en observant tous les secrets enfouis sous la poussière. La mise en scène d’une classe d’école nous plonge dans une enfance lointaine. Le second étage m’intéresse davantage. Il est consacré à l’histoire moderne du village. L’escalier pour y accéder se porte encore bien pour son âge et nous permet d’accéder à ce que je considère comme une caverne d’Ali-Baba. Toute l’histoire de Belin-Béliet réunit en un seul bâtiment. Des casques de soldats, des anciens panneaux, un mannequin vêtu d’une tenue traditionnelle, l’endroit est somptueux malgré l’usure. Le mur principal est recouvert de ce qu’il reste d’une reconstitution du travail dans les champs. L’arrière pièce est quant à elle destinée à entretenir le souvenir des Usines Cazenave. Des vélos, des plans, des photographies, un paradis offrant nostalgie et souvenirs pour toutes celles et ceux ayant travaillés dans l’industrie phare de Belin. Des pierres datant du néolithique sont également présentes pour nous rappeler les racines de notre existence.  Cette visite, tout le monde devrait s’y adonner pour mieux comprendre ce que représente la réouverture du Musée Lapios.

Ce bâtiment est une véritable mise en valeur de notre patrimoine. Au travers de ces objets, le fondateur semble vouloir nous raconter une histoire avec une multitude de chapitre correspondant aux thèmes exposés. La visite touchant à sa fin, nous nous sommes ensuite rendus au local de l’association, endroit où seront exposés les objets du musée pour les protéger. Une petite visite guidée qui ne manque pas de générer des projets d’expositions intéressants et salutaires dans l’esprit des amoureux du patrimoine et de l’œuvre de Jean-Louis Brouste.

[« J’ai visité le Musée Lapios », Le Belinétois, 21 octobre 2017]

https://www.lebelinetois.fr/2017/10/21/j-ai-visit%C3%A9-le-mus%C3%A9e-lapios/ [3]

Armand Jean-Louis Brouste

Jean-Louis Brouste est un personnage incontournable de Belin-Béliet. Il est né en 1940, mais c’est dans les années cinquante qu’il s’installe en terre belinétoise. Il y demeure toujours et en est très heureux.

« À l’époque où l’on jetait grimoire et objets des vieilles écoles, mairies et presbytère, j’ai récupéré des tonnes de documents et rédigé grâce à eux 250 brochures sur mon canton mais surtout sur mon village… J’ai réalisé des études sur les moulins à eau, les fonderies, les forges, les vieilles chapelles et les cloches du canton, l’usine Cazenave, la “houille blanche”, le télégraphe, les écoles, les verreries, etc. Belin-Béliet n’a pas d’histoire ? Ceux qui le disent sont des farceurs ! Ancien plongeur, j’ai été amoureux d’amphores romaines. Mais ici ? Ici j’ai trouvé des pavés et des monnaies romaines, gauloises et médiévales. J’ai trouvé des silex, pointes de flèches et outils de 40 000 ans et plus fort encore des nummulites de 40 millions d’années ».

Le regard toujours vif, il est intarissable sur les découvertes qu’il a faites. Et de poursuivre : « J’ai créé un local conservatoire (musée local) qui va du silex taillé à la charrue de 1940. Mais, mon fantasme, ma période fétiche, ma maladie c’est « la Celtomanie ». Les Celtes, les Gaulois je les ai rencontrés sur mon territoire surtout à la pierre du diable ! Et même si maintenant la machine est cassée, avec le départ de mon épouse, je continue à faire visiter les vieilles chapelles de Lugos et de Mons. Je continue aussi de rêver sur la butte du château de notre reine Éléonore, alias Aliénor. »

Le choc, pour nombre de Belinétois et Lugosiens, apprenant le décès subi de Jean-Louis Brouste. « Homme simple et discret, grand personnage, passionné, érudit, historien, archéologue de terrain, méconnu » qui était aussi photographe, aquarelliste, auteur, poète, sculpteur… Mais un homme brisé depuis le décès de son épouse, après huit années de dévouement exemplaire passées à son chevet. Beaucoup ignoraient son très riche parcours.

Un régional, né dans les Landes en 1940, jeunesse à Lugos. Sa femme Maryvonne était de Villenave-d’Ornon, mariés en 1966, deux enfants, Pierre et Isabelle. Un petit-fils Pierjean, dont il était très fier, militaire au Tchad. Une vie glorieuse au service de son pays. Passage aux usines Cazenave où travaillait son père, puis il s’engage dans l’armée à 19 ans. Béret vert en Algérie dans les commandos de marine, dix ans dans la gendarmerie maritime en Corse, parachutiste, plongeur, spéléologue marin. Il prend sa retraite en 1977, bardé de décorations.

Retour au pays. La municipalité cherche quelqu’un pour les cimetières, Jean-Louis Brouste devient agent communal, tout comme Aimé sert de guide touristique à Arcachon. Il creuse des fosses dans le cimetière de Mons, tamise la terre, fouille le long du ruisseau. « Plongeur, j’avais découvert des amphores, le goût m’était venu des vieilles choses », expliquait-il. « Ici, j’ai trouvé pavés et monnaies, silex, pointes de flèches, outils de 40 000 ans ». Il gère les déchets de la commune. « À l’époque on jetait, j’ai récupéré des tonnes d’objets ». Béliet et Belin fusionnent, l’employé débarrasse les bureaux. « J’ai demandé l’autorisation de tout emporter chez moi ». Il se plonge dans le passé de sa commune.

Avec ces documents et d’autres confiés par les habitants, Jean-Louis Brouste réalise des brochures sur les moulins à eau, fonderies, vieilles chapelles, etc. Retraite communale en 2000. Le temps pour écrire deux ouvrages « Belin-Béliet et ses environs » et « La Bouronne ». Préhistoire et histoire le captivent, surtout le Moyen Âge. Il est amoureux de deux églises, Mons et le Vieux-Lugo dont l’abbé Thomas, à sa retraite, lui confiera tous les dossiers et documents. Sa plus belle réalisation, le musée local de Lapios. Chaque semaine, des classes venaient replonger les élèves dans la vie de leurs grands-parents. Transmettre aux jeunes faisait partie des préoccupations de Jean-Louis Brouste qui a même été, un temps, Président du Foyer des Jeunes de Belin-Béliet. Avec quelques belinétois, dont un Colonel à la retraite aujourd’hui disparu, Jean-Louis Brouste avait créé l’association des Amis de l’Histoire du canton de Belin-Béliet, qui avait sa revue, son local et ses expositions.

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En 2011, Jean-Louis Brouste reçoit la médaille civisme et dévouement avec Palme d’or, de l’association nationale ANT-TRN, une décoration civile proposée par Le GRECAM (Groupe de Recherche en Ethnographie, Céramologie en Aquitaine et Midi toulousain), pour son « infatigable exploration du passé de sa lande ». Un travailleur qui se levait tous les jours à 4 h ou 5 h pour lire, écrire, peindre avant d’embaucher à la mairie. Un peu désabusé du peu de reconnaissance de la commune à son égard, il avait pourtant encore de nombreux projets.

Une page se tourne dans le paysage culturel et historique du territoire.

[Jean-Louis raconte son village », Delphine Kayser, Sud Ouest du 3 juin 2010

https://www.sudouest.fr/2010/06/03/jean-louis-raconte-son-village-107882-4743.php [5]

[« Jean-Louis Brouste n’est plus », Hélène Arzeno, Sud Ouest du 16 novembre 2013]

https://www.sudouest.fr/2013/11/16/jean-louis-brouste-n-est-plus-1231085-4743.php [6]

« La Bouronne »

Les bourrasques et la pluie avaient duré 2 jours et 2 nuits. Le mauvais drainage des crastes et le manque d’entretien des berges du Bouron, avaient créé une étendue considérable d’eau prisonnière par les arbres en travers du ruisseau“.

L’action de « La Bouronne » se déroule pendant la grande Guerre mais on voit bien que le mauvais temps n’est pas vraiment dû à un réchauffement climatique récent. Le Bouron est un petit ruisseau des quartiers sud de Belin qui alimentait un des 23 moulins à eau de la commune. La Bouronne c’est le nom donné à Marie qui, avec son petit fils Édouard  fait tourner la “mole” du moulin de Bouron. Leur plus grande joie sera de retrouver au Vieux  Lugo un manuscrit rédigé en 1648 par Baptiste, un petit berger qui n’avait jamais vu la mer et la montagne mais qui savait lire et écrire. Marie Laffargue va transcrire, pour son petit-fils, ce récit qui était de l’occitan ancien. “Ce cahier appartient à moi, Baptiste de 10 ans, berger dans la paroisse de Lugo. Je le commence ce jour d’automne 1648 du règne de mon royaume. Je suis le garçon de papa et maman. Depuis un an, je sais lire et écrire même que je compte très loin. C’est le Monsieur du Lanot qui m’a appris. Le dimanche, c’est moi qui lis dans le grand livre de Monsieur le Curé” Marie Laffargue, Chemin de Bouron, Commune de Mano par Belin.

[Entre Gironde et Landes / patrimoine / Bibliothèque de Séouze : nos écrivains du terroir]

http://aquilugos.canalblog.com/archives/2014/02/15/29218326.html [7]

Il fut un temps … où les Girondins de Bordeaux s’entraînaient sur le stade Pierre Mano

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Autour du véhicule d’un dénommé Monsieur Lataste, un casting de prestige : Dominique Dropsy, Aimé Jacquet, Lacombe, Battiston, Thouvenel et bien d’autres. Période 1982-1984. [“Belin-Béliet et ses environs”, Jean-Louis Brouste]

https://www.facebook.com/lebelinetois/photos/a.1671441113177730/2300732243581944/?type=3 [9]

[1] [10] – Tout comme la pierre virante de Saint-Aubin de Branne, le mégalithe de la Feyra à Saint-Ciers d’Abzac danse sur elle-même quand retentit l’angélus.

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