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Le bon vin de la paroisse de Salles

Au Moyen Âge, le vin de la paroisse de Salles étanche la soif des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle…

En 1647, les crus du pays de Buch sont répertoriés et taxés par la Jurade de Bordeaux. Le plus modeste des vins de Buch tient ainsi la cote devant le meilleur des Saint-Émilion ou Pomerol car ces terroirs étaient en gestation et leurs vins peu connus.

Autre repère historique, en 1708 le géographe du roi, Claude Masse établit une carte où figurent 150 hectares de vignes du Captalat de Buch, loin devant les cultures céréalières.

Avec celles de Mios, de Belin et Béliet, la commune de Salles constitue l’ancien vignoble des landes de la Gironde, que l’oïdium, les gelées plus fréquentes paraît-il depuis le boisement des communaux, ont réduit peu à peu aux 100 ou 150 hectares qu’il occupe aujourd’hui.

Sans être de qualité beaucoup meilleure qu’ailleurs, sans cesser de reposer presque partout sur l’alios, le terrain est moins uniformément plat ; il est plus découvert, plus aéré.

Quelques ruisseaux tributaires de la Leyre, ce cours d’eau particulièrement, y entretiennent une circulation d’air constante qui se fait sentir assez loin de leurs rives. Ils permettraient, en outre, si on voulait les y utiliser, l’assainissement général des plateaux où sont maintenant concentrés les vignobles, ce qui déterminerait une atténuation très sensible de la fréquence et de l’intensité des gelées. L’obstacle le plus sérieux à l’extension de la culture de la vigne ne disparaîtrait pas en entier, mais serait ramené au degré d’importance qu’on lui accorde en d’autres contrées réellement viticoles de la Gironde, comme à la limite des graves de Bordeaux, de Saint-Selve, la Brède, Saint-Morillon, Saucats.

À Salles, plus encore qu’à Mios, la vigne se rencontre sous toutes les formes d’expansion possibles, rampant ici sur le sol, montant ailleurs au plus haut des arbres, conduite autre part en demi-hautains, en hautains, en treilles. Partout, quel que soit le système adopté pour la diriger, elle ne demande qu’à pousser, sa végétation est naturellement belle, sa production abondante lorsque ni la gelée pour les vignes basses et moyennes, ni l’oïdium pour les vignes hautes, ni l’insuffisance de maturité au moment des vendanges, ne viennent diminuer les récoltes au point de les rendre fréquemment onéreuses.

On cultive un peu de tous cépages rouges et blancs, sans grande spécialisation des uns ou des autres à tel ou tel terrain. D’ailleurs l’étendue sous vignes est fort réduite, elle ne s’élève pas à 20 hectares ; ce n’est pas le dixième de la superficie qu’elle occupait voici 40 ans au Bougès, à Perrin, à Pujeau, à Badet. Les crus, car il y avait des crus, de Bougès, de Pujeau, ont disparu ; on ne vend plus de vin, alors qu’il valait jadis 100 fr la barrique.

La seule chose qui n’ait point diminué dans de pareilles proportions, ce sont les treilles accotées aux maisons ; il en existe beaucoup, de très vieilles, qui n’ont pas cessé de produire.

Aux anciens terrains plantés en vignes qu’il ne serait pas impossible de reconstituer, on en pourrait joindre d’autres présentement sous-bois dans la traversée de Salles à Mios notamment, où ils forment de petites croupes de sable, de gravier, sans alios d’ordinaire, plus souvent sur argile. […] Les indications relevées dans les visites des domaines qui vont être décrits fourniront déjà des éléments à ce sujet.

Cazauvieilh, à Bougès

Cazauvieilh reconstitue au Bougès, jadis premier cru de Salles, une ancienne vigne d’Enrageat rouge et blanc, cultivée en joualles doubles que la gelée et l’oïdium ont contraint d’abandonner.

La plantation est faite sur défoncement à la charrue d’un sable noir, un peu humide dans le bas, reposant à 0 m 50 au moins sur l’alios.

Les cépages employés sont le Cabernet, le Malbeck et le Castets, greffés sur place à la deuxième feuille sur Riparia, avec remplacement des manquants par des greffés soudés et racinés.

Les plants, à leur troisième feuille, sont espacés de 1 m 33 en tous sens ; leur végétation est très belle sur tous ceux qu’on n’a pas dû remplacer.

L’essai, tenté sur 75 ares, mérite d’être suivi avec attention. L’adoption des cépages américains porte-greffes n’a pas ici pour objet de mettre le vignoble à l’abri du phylloxéra, puisque le sol est réfractaire à l’insecte, mais bien d’en accroître la production ; or il sera intéressant de voir si cet avantage, que l’absence de gelées ne donnerait pas lieu de rechercher, car sans elles les rendements sont élevés, ne sera pas contrebalancé par deux qualités des greffés qui deviennent ici des défauts, la précocité du débourrage, l’accroissement de récolte.

Le premier de ces phénomènes exposera la vigne plus souvent aux gelées tardives ; le second retardera la maturation qui ne pèche déjà pas par excès avec les plants les plus hâtifs, tels que l’Aramon. Je ne parle que pour mémoire de l’épuisement, parce que si la vigne donne, l’emploi judicieux des engrais chimiques y obviera. On ne peut, après une seule année de greffage, faire le bilan des bons et des mauvais côtés de l’opération, il importe seulement d’en signaler l’éventualité en laissant au temps le soin de confirmer ou d’infirmer les conjectures du présent.

Sallebert, à Badet

La vigne de M. Sallebert est en joualles doubles d’Enrageat blanc, âgé de 12 ans.

Les pieds, au nombre de 1 500, sont espacés de 0 m 66 sur les lignes, celles-ci étant distantes de l m 30 ; ils sont tenus à 0 m 30 de hauteur.

Lorsque la gelée, trop fréquente puisqu’elle sévit de 2 années l’une, ne les atteint pas, leur rendement s’élève à 3 barriques de vin pour 14 ares, soit 48 hectolitres à l’hectare, mais elle est à peine de 2 en moyenne, ce qui, rapporté à l’hectare en plein, représente 28 hectolitres environ.

Villetorte l’Ange, à Perrin

En outre d’une très belle treille fort productive de Blanc-doux, M. Villetorte possède 420 pieds d’Enrageat, âgés de 10 ans, qu’il conduit depuis 4 ans en cordons pour les préserver davantage de la gelée.

Sans accidents météorologiques il en obtient jusqu’à 40 hectolitres à l’hectare, mais sa moyenne n’est pas de 20.

Bertruc, à Pelloc

Bertruc vient d’établir avec le plus grand soin un petit vignoble de 18 ares qui est à sa troisième feuille.

Le terrain a été défoncé à 0 m 50 et 0 m 60 de profondeur, la tranchée a été foncée de bruyère et on a employé du terreau pour la plantation.

Celle-ci a été faite à la médocaine, en plants du Médoc et des planchettes seront disposées pour les mettre à l’abri des gelées.

Sur cette propriété se trouvaient antérieurement des Pignons en hautains que l’oïdium a fait abandonner.

Dumoran Martin, à Perrot

Jeune vigne de 5 ans, en cordons, à 0 m 50 au-dessus du sol pour la préserver de la gelée. Ceps distants de l m 33 en tous sens, constitués par des boutures d’Enrageat, Bigney, Sauvignon, Pignon, Folle rouge, Cabernet, Merlot, plantées sur défoncement à la charrue, à 0 m 40.

Jusqu’ici, le Bigney présente une supériorité sur les autres cépages, sa végétation s’accomplit comme celle d’un Cabernet et il est plus productif.

Bassibey, au Bourg

Cité seulement en raison de la possession d’une très vieille vigne sur arbre qui donne régulièrement et en quantité très satisfaisante ; la maturité laisse un peu à désirer.

Dufaure, au Moulin-à-Vent

Chez M. Dufaure, l’Enrageat et le Sauvignon couvrent une superficie pleine de 17 ares. Les ceps âgés de 9 ans sont disposés en joualles, conduits bas et taillés court.

La gelée, très fréquente, réduit à 7 hectolitres le rendement moyen annuel rapporté à l’hectare tandis qu’il s’élève à 40 et 45 lorsque cet accident ne se produit pas.

Mano, à Castera

Le Castera est un mamelon isolé, constitué par un amas de coquilles marines contemporaines de celles du château de Salles situé à quelques cents mètres de là.

Les vignes ont longtemps occupé ce mamelon ; il en reste encore de très vieilles qui ne rapportent plus. On a en rajeuni une partie par le couchage, voici 20 ans, mais leur production est fort irrégulière.

Depuis 5 ans, M. Mano replante avec soin les pentes ouest et sud de cette petite éminence ; il utilise, à cet effet, les cépages fins du Médoc, qu’il conduit et taille comme dans leur pays d’origine.

Un défoncement à 0 m 50 complété par une bonne fumure, précède la plantation qui est faite en lignes à 1 mètre sur 1 m 30.

Le jeune âge de la vigne ne permet pas encore de juger de sa fécondité, mais en raison du peu de gelées dans ce quartier, il y a tout lieu de croire qu’elle sera aussi satisfaisante que la végétation.

Boireau, au Bourg

Une vigne basse de 4 à 10 ans et de 20 ares, dont l’Enrageat est le principal cépage, forme, avec une treille de 80 pieds de Chasselas âgés de 20 ans, le lot de M. Boireau.

La vigne basse a été plantée avec soin par 500 pieds à la fois, elle est en joualles espacées de 3 mètres.

Son rendement, grâce à l’Enrageat qui présente le grand avantage d’être plus résistant à la gelée que les autres cépages, atteint 30 hectolitres dans les bonnes années, mais en moyenne il ne s’élève pas au-delà de 12.

De l’étude de quatre-vingt-neuf propriétés où la vigne est cultivée dans les cantons de Castelnau, Audenge, La Teste, Belin, Saint-Symphorien, Villandraut et Captieux, M. F. Vassillière déduit une série de faits, de considérations et de moyennes que nous ne pouvons reproduire ici, mais que nous résumerons rapidement.

1° Les gelées printanières sévissent en moyenne quatre fois en dix ans, et si l’on élimine l’influence favorable du bassin d’Arcachon, on arrive à plus de cinq fois en dix ans. Il s’ensuit que le rendement moyen est de 11 hectolitres 19 par hectare et par an.

2° Les cépages les plus résistants aux intempéries et qui s’accommodent le mieux au climat des landes, sont par ordre de mérite : la folle blanche, le cabernet sauvignon (qui réussit surtout dans les alluvions du bassin d’Arcachon), la folle rouge, le pignon, le cahors, l’aramon, le fer, le chasselas.

3° Les communes de Mios, Salles, Belin et Béliet, forment un groupe bien distinct qui constitue l’ancien vignoble des landes de la Gironde, que l’oïdium, les gelées, plus fréquentes, paraît-il, depuis le boisement des communaux, ont réduit peu à peu aux cent et quelques hectares qu’il occupe aujourd’hui.

De petits ruisseaux tributaires de l’Eyre, ce cours d’eau particulièrement, entretiennent dans ce quartier une circulation d’air constante qui se fait sentir assez loin de leurs rives ; ils permettraient en outre, si on voulait les utiliser, l’assainissement des plateaux où sont maintenant concentrés les vignobles, ce qui déterminerait une atténuation de la fréquence et de l’intensité des gelées.

La vigne croît, à Salles surtout, sous toutes les formes d’expansion possibles, rampant ici sur le sol, montant ailleurs au plus haut des arbres, conduite autre part en demi-hautains, en hautains, en treilles. Partout, sa végétation est naturellement belle, sa production abondante lorsque ni la gelée pour les vignes basses et moyennes, ni l’oïdium pour les vignes hautes, ni l’insuffisance de maturité, ne viennent diminuer les récoltes au point de les rendre fréquemment onéreuses.

Le vin, qu’on y récolte en petites quantités, est consommé sur place et vendus à des prix rémunérateurs ; il acquerrait à coup sûr une plus grande valeur intrinsèque si les procédés de vinification et de conservation ne laissaient à désirer.

Les vins rouges sont généralement peu corsés et peu colorés mais agréables quand ils sont faits avec soin. Les vins blancs manquent un peu de corps, mais ils y ont de l’agrément.

Les Landes girondines ; Une note sur l’alios, Frédéric Vassillière, (1840-19..), 1892

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9615336r/f73.item.r=Salles%20Mios%20leyre# [1]

https://www.bassindarcachon.com/histoire_locale.aspx?id=173 [2]

Bordeaux et ses vins classés par ordre de mérite Charles Cocks (1812?-1854), Édouard Féret, (1844-1909). Date d’édition : 1898-1901

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6521296v/f389.item.r=peybideau%20salles [3]

Voir La Saga Cazauvieilh de Salles, Jean-Louis Charlot

https://books.google.fr/books?id=cdHQBQAAQBAJ&pg=PA4&lpg=PA4&dq=bilos+mayne&source=bl&ots=YQxjtIIBnr&sig=ACfU3U3cSPEQSY0dbqfCLgwmxXwnCCKk9w&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiMyKKeydXtAhWSoBQKHTqzAKA4KBDoATAJegQIChAC#v=onepage&q=bilos%20mayne&f=false [4]

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