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Fontaine Saint-Brice à Mios

  En 1342, le prieuré de Belin, dont le prieur est curé primitif de Saint-Exupère de Belin (alias Saint-Maurice de Béliet), de Saint-Pierre de Salles, & de Saint-Martin de Mios, outre les quartières en grains, verse au receveur diocésain dix sous bordelais pour dîmes dans Mios ; en 1360, cette imposition est de seize sous, mais porte sur les deux paroisses de Mios et de Salles, et il en est ainsi durant tout le reste du siècle.

En 1485, le prieuré de Belin possède, entre autres biens, des terres à Mios qui sont tenues par Arnaud de Garnung, damoiseau de Biganos, et le moulin de la Moulette, situé à Béliet, qui a été pris à ferme, le 28 avril 1466, par un habitant de la même paroisse nommé Taris : les prieurs jouissent de ce moulin sans interruption jusqu’en 1790.

De temps immémorial les prieurs de Belin ont, dans la paroisse de Mios dont ils sont curés primitifs, le droit de prémice après la cueillette du millet ; c’est-à-dire que, chaque année, à cette époque, ils prélèvent sur chaque habitant un quarteau de grain, moitié seigle, moitié millet. En 1532, le syndic de Mios refuse de livrer cet impôt à Jacques de Pontac (peu de temps après qu’il ait été pourvu du prieuré de Belin), et celui-ci, pour obtenir justice, doit intenter un procès devant la « Cour de Sénéchaussée de Guienne ».

Arnaud de Pontac, qui est reçu conseiller clerc au Parlement de Bordeaux le 17 août 1622, conserve les deux prieurés jusqu’en 1629. À cette époque il les résigne en faveur de son parent, Léon de Lalanne ; mais celui-ci n’en prend possession que deux ans plus tard, au moment même où Arnaud de Pontac succède à son père Geoffroy dans la charge de président à mortier au Parlement.

Léon de Lalanne ne fut jamais prêtre ; mais il avait reçu la tonsure cléricale en 1611, et l’ordre du sous-diaconat le 14 avril 1629. Nommé abbé commendataire de Saint-Ferme en 1622, il devient doyen de Saint-Seurin le 11 février 1628. Le 29 août suivant, il est pourvu, en Cour de Rome, des prieurés de Mons et Belin. Le 3 février 1632, Léon de Lalanne, accumulant sur sa tête les dignités ecclésiastiques, réussit à se faire nommer doyen du chapitre de Saint-André.

Puis on voit ériger en vicairies perpétuelles cinq paroisses dépendant des Pontac. Ce sont d’abord, en janvier 1645, Béliet, dont le premier curé se nomme Jean Viguier, prêtre du diocèse d’Angers ; et Mios, où l’on envoya Antoine Laborie, du diocèse de Rodez ; en mai 1660, c’est le tour de Mons dont l’administration est confiée à Jean Reynier. Viennent ensuite, à peu près à la même époque, Saugnac-et-Muret où l’on place, très probablement en 1660, un prêtre nommé Birot, et enfin Lugos qui paraît avoir été érigée en 1663 ou 1664, avec Ferrère pour premier vicaire perpétuel. Léon de Lalanne ne dut pas se féliciter de toutes ces érections. Il a, en effet, presque aussitôt, à défendre ses droits contre les vicaires perpétuels de Béliet, Salles et Mios qui, trouvant leur portion congrue insuffisante, veulent s’emparer d’une partie des dîmes appartenant au prieuré. L’archevêque de Bordeaux intervient dans la discussion et fait conclure entre les parties, le 10 mai 1659, un accord qui reconnait toutes les dîmes au prieur. Par un concordat passé le jour même avec Henry de Béthune, Léon de Lalanne se réserve « la présentation des cures dépendantes de son prieuré ». Léon de Lalanne résigne peu à peu tous ses bénéfices en faveur de son neveu Léon II de Lalanne.

En 1739 « Donnadieu avait résigné les prieurés en faveur de Jean-Joseph Souc de Plancher, docteur en théologie abbé de Saint-Astier et conseiller-clerc au Parlement de Bordeaux originaire lui aussi de Souillac, et demeurant à Bordeaux vis à vis le couvent de la Merci parroisse St Projet. »

Souc de Plancher doit soutenir de nombreux procès pendant son priorat. Un des plus importants est celui que lui intentent les vicaires perpétuels de Belin, Béliet, Salles, Mios, Moustey, Saugnac et Pissos. Outre la grosse dîme en effet qui appartient sans conteste au prieur, on perçoit dans chaque paroisse d’autres contributions appelées « les dîmes menues et les dîmes vertes ». Les dîmes menues sont les dîmes de carnelage[1] [1], des abeilles et autres semblables ; les dîmes vertes comprennent la dîme des pois, fèves, lentilles, millets et autres menus grains. Or dans les paroisses dépendant des prieurés de Mons et de Belin, le prieur se réserve entièrement les dîmes menues ; pour les dîmes vertes il garde celles dont sont frappés les fonds anciennement défrichés et qu’on appelle dîmes anciennes, il ne reste donc aux vicaires perpétuels que les dîmes vertes imposées sur les fonds mis nouvellement en culture, dîmes connues sous le nom de « novales ». C’est contre cet état de choses que protestent les subordonnés de Souc, réclamant pour eux-mêmes la totalité des dîmes menues et vertes. L’affaire est portée au Parlement. M. de Lalande seigneur de Belin, qui est conseiller, prend le parti des vicaires perpétuels ; il les amène même à augmenter leurs exigences et à réclamer « la dixme en entier sous prétexte que le prétendu prieuré n’estoit qu’une hospitalité et non un bénéfice ecclésiastique ». C’est la thèse que les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem avaient déjà, en 1675, opposée sans succès à Léon II de Lalanne. Les temps ont changés et, le 23 juillet 1754, sous l’influence du seigneur de Belin, qui a de nombreux amis parmi les conseillers ses collègues, le Parlement donne gain de cause aux vicaires perpétuels. Mais le prieur se pourvoit aussitôt contre cet arrêt. Il ne faut pas s’étonner de l’attitude que M. de Lalande prend dans toute cette affaire. Le seigneur de Belin n’aime pas le prieur, contre lequel il a dû longuement plaider.

Voici en quoi consistait cette autre affaire : en 1747, M. Souc de Plancher prétend qu’il a droit de fief, les fonds du prieuré de Belin étant nobles. En conséquence, il commence par prendre le titre de « seigneur prieur de Belin », puis il veut forcer M. de Lalande à lui faire reconnaissance de certaine terre sous prétexte que, en 1482, elle a été affermée à cens par un de ses prédécesseurs. Naturellement, le seigneur de Belin s’y refuse. Il répond que les fonds du prieuré sont en roture ; qu’il est, lui, le seul seigneur de Belin et, comme sanction, il défend au prieur de chasser ou de faire chasser. Ici encore, M. Souc de Plancher succombe. Un arrêt du Parlement, en date du 25 février 1750, lui défend de se qualifier « seigneur prieur de Belin et seigneur de fiefs dans l’étendue de la jurisdiction de Belin ». M. Souc est, en outre, condamné à 12 livres d’amende et aux dépens.

Un troisième procès met le prieur aux prises avec les habitants de Salles, qui essaient de se soustraire à la dîme des agneaux.

Au prieuré de Mons, Souc s’est constitué une bibliothèque composée d’une centaine de volumes.

Après la mort de M. Souc de Plancher, M Amédée de Grégoire de Saint-Sauveur éteint le prieuré de Mons et en réunit les biens à l’évêché de Bazas. M. François Thiac, curé de Saugnac-et-Muret, en prend possession au nom de l’évêque le 28 juin 1762. Quant au prieuré de Belin, il dure encore quelque temps. Le 17 juin 1762, M. Ignace Boudin, docteur en théologie, licencié en l’un et l’autre droit, chanoine sacriste de la Primatiale et vicaire général de Bordeaux, y est nommé à la place du prieur décédé. Mais cette nomination n’aboutit pas. Le même jour, en effet, l’archevêque de Bordeaux a donné d’autres provisions du même prieuré à Jean Despujols, qui finit par demeurer seul maître et prend possession le 9 juillet suivant. Le lendemain, Despujols accompagné du notaire se rendent à Salles. À huit heures du matin, il se présente devant l’église pour en prendre possession : la porte est fermée. Après l’avoir constaté, on se transporte au presbytère ; mais le vicaire perpétuel est absent et le vicaire amovible, M. Butet, sommé d’ouvrir l’église, répond que son curé lui a défendu de le faire. Alors la prise de possession s’opère de l’extérieur, comme à Béliet. De Salles, M. Despujols se dirige vers Mios. Là encore, la porte de l’église, devant laquelle il se présente à une heure de l’après-midi, est fermée. M. Michel Faugas, vicaire perpétuel, attend au presbytère ; mais quand le prieur vient le trouver, il lui refuse formellement les clefs ; d’où une nouvelle prise de possession dans les mêmes conditions que les deux précédentes. La cause de cette résistance est toujours la grosse question des dîmes qui, depuis M. Souc de Plancher, met aux prises prieurs et vicaires perpétuels. L’évêque de Bazas l’a solutionnée en ce qui concerne les églises annexes de Mons. Voici, en effet, ce qu’il écrit à M. Despujols, en date du 19 juillet : « Je connois un peu le procès que les curés de votre prieuré avoient intenté à votre prédécesseur. Ils y avoient même engagé les curés de la dépendance de Mons. Je leur prouvai qu’ils disputoient la chape à l’évêque ; que les revenus dudit prieuré avoient anciennement appartenu à la mense épiscopale ; que les évêques s’en étoient dépouillés pour établir à Mons une communauté de prêtres séculiers pour desservir les six paroisses ; que cette communauté s’étant éteinte, le prieur avoit mis sur sa tête tous les revenus du prieuré et que par conséquent, en tout état de choses, c’étoit l’évêque qui devoit rentrer dans les dixmes et non MM les curés : sous ce point de vue, j’aurois pu prendre la voye d’intervenir dans le procès ; mais il m’auroit fallu prouver que le prieuré de Belin (Mons) n’étoit pas un vrai titre de bénéfice, chose qui parut chimérique. La faveur que MM les curés trouvent dans les Parlements peut seule excuser leurs prétentions. » Les vicaires perpétuels de Béliet, Salles et Mios doivent compter sur cette faveur, car, on l’a vu, ils ne désarment point. Sans aucun doute aussi, ils sont encouragés à la résistance par leur succès de 1754.

Cette obstination contribue-t-elle à désintéresser M. Despujols de son bénéfice ? Le certain est que, le 3 juillet 1765, il fait, entre les mains de l’archevêque, démission pure et simple soit de son prieuré, soit des trois églises qui lui sont annexées, à la condition expresse, néanmoins, que le tout soit uni au séminaire Saint-Raphaël de Bordeaux. Louis XV ayant autorisé cette union, en date du 12 mai 1766, le promoteur diocésain présente, le 18 août suivant, une requête tendant au même but et, le 24 septembre, l’archevêque, statuant sur les conclusions à lui soumises, éteint le prieuré de Belin. Les biens du prieuré sont en même temps unis au séminaire Saint-Raphaël qui en fait prendre possession, le 16 mars 1767, par Louis de Geslin, écuyer, vicaire de Salles, agissant comme fondé de pouvoir du supérieur. M. Despujols abandonne la direction du séminaire Saint-Raphaël le 14 mars 1767, et passe dans la retraite les dernières années de sa vie.

Pour le choix de ces voyages très sentimentaux que sont nos escapades htba, nous suivons presque toujours les indications fournies par « le Guide touristique d’Arcachon et du pays de Buch », d’André Rebsomen édité en 1938, car il allie la clarté des descriptions et la précision de la documentation historique à un grand pouvoir d’évocation poétique : avant la guerre, le monde ancien était toujours présent autour du Bassin, avec son caractère sauvage et rude, qui laissera derrière lui – avant de s’effacer pour toujours sous nos yeux – une profonde nostalgie. Cet ouvrage est accompagné d’une carte, réalisée par Rebsomen lui-même, où figurent encore des fontaines, et des moulins aujourd’hui disparus. On comprend que l’auteur a toujours parcouru avec plaisir les itinéraires qu’il propose, à pied ou à bicyclette, afin de mieux en goûter le charme et le faire partager aux autres. On est aussitôt tenté de se lancer à sa suite sur des sentiers inconnus, … mais il est bien difficile d’en retrouver quelques traces, au milieu du béton des lotissements contemporains. Les sources et les fontaines vénérées pendant des siècles ont disparu sous la broussaille ou se sont taries, faute d’être entretenues et aimées…

André Rebsomen décrit deux fontaines principales, la fontaine Saint Brice, proche du confluent de la Surgenne et de l’Eyre, et la fontaine Saint-Jean dans une prairie à l’est de l’église Saint-Martin (une des cloches de l’église est classée monument historique) ; dans le mur sud de cette église, une veyrine en trilobé, « petit fenestrou miraculeux », par laquelle on fait passer des personnes, la plupart du temps des enfants pour soulager leurs souffrances suivant une antique coutume superstitieuse incontournable en Gironde ; cela donne lieu à des offrandes qui sont à l’origine d’abus réprimés par l’archevêché.

La fontaine Saint-Jean – dédiée non à Saint Jean-Baptiste, mais à Saint Jean l’Evangéliste et apôtre -, datant de 1841, guérit les maladies cutanées. Elle se trouve au nord du chevet de l’église paroissiale et apparaît en très bon état. Un petit muret de moellons encercle en partie les superstructures de la source, construites en garluches cimentées et surmontées d’une croix blanche en fonte ouvragée. Cette source est, comme celle de La Teste, très réputée pour soigner les maux des yeux. Si réputée que, jusqu’au début des années 1980, une procession nocturne part de l’église de Mios pour la fontaine et, à minuit exactement, chacun se lave le visage dans son eau.

En 1999, la fontaine Saint-Jean, toute petite avec un petit cadre de pierre et une simple croix de fer, est déjà fort abandonnée et envahie par les mauvaises herbes ; le jour de la Saint Jean, les pèlerins viennent nombreux à Mios, ils décorent la croix avec des rubans et des couronnes de fleurs et de joncs et allument de grands feux dans la prairie. Certains d’entre eux passent la nuit à la belle étoile, pour récolter à l’aube, autour de la fontaine, avec des linges immaculés, une rosée particulièrement bénéfique pour toutes sortes d’affections.

En 2007, lors d’une sortie à Mios, nous avons une très mauvaise surprise : pompeusement baptisée « Résidence de la fontaine Saint-Jean », il y a bien une résidence, mais il n’y a plus de fontaine ! Elle a, semble-t-il, été sacrifiée au passage des égouts de l’ensemble immobilier. Nous serions curieux de savoir :

1) si la croix a été conservée ou si elle a été jetée à la décharge ;

2) Si une seule voix s’est élevée à Mios ou aux environs, pour défendre ce dernier témoignage du passé millénaire du village, humble monument ou tant de fidèles, au cours des siècles, sont venus se soigner et prier avec ferveur, pour leur guérison.

Aujourd’hui recouverte d’une dalle en béton, l’eau de Veolia remplace l’eau de source.

La croix de mission placée devant l’église Saint-Martin est toujours à sa place, mais des pièces restent manquantes (la tenaille et le coq de St Pierre).

[2]

Un détail amusant, mais base d’une vive querelle ancestrale entre Le Teich et Mios, à peine éteinte : on raconte qu’au moment de la démolition de l’église de Lamothe par les Révolutionnaires, Mios a acheté un tableau de saint Jean Baptiste y figurant. Mais, tout aussitôt, les gens de Lamothe prétendirent, mordicus, qu’il leur avait été volé, oui, volé, par les Miossais ! Ils le regrettaient d’autant plus puisqu’il était censé éloigner tous les orages du village et même beaucoup d’autres calamités.

La chapelle Saint-Brice aujourd’hui disparue, eut sa charpente revendue à un particulier ; sa cloche est dans le préau de l’école de Lillet, et les pierres ont été réutilisées, en 1894, pour les travaux de l’église Saint-Martin, nous explique Michel Hugue ; un retable est installé aujourd’hui dans la chapelle sud de l’église Saint-Martin.

[3]La Fontaine Saint-Brice possède des vertus divinatoires : les futures mariées laissent tomber deux épingles qui, si elles se croisent, prédisent le bonheur futur. Les gens se servent de son eau pour soigner la colique, les maux de dents.

https://www.bassindarcachon.com/crii_du_kayok.aspx?id=9 [4]

[1] [5] – La dîme de carnelage ou charnage est la dîme des animaux, soit du gros & menu bétail, ou de la volaille : on l’appelle aussi dîme sacramentelle, parce qu’elle appartient ordinairement à celui qui administre les Sacrements. Il n’y a cependant pas de loi qui affecte spécialement aux curés ces sortes de dîmes, & ils ne les ont pas partout ; cela dépend des titres & de la possession, tant pour la perception en général, que pour la quotité.

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