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Chronique n° 110 – Le Bassin pour tous !

Le front de mer arcachonnais change complètement de perspective avec les municipalités de Veyrier-Montagnères. D’abord, grâce à la construction de la jetée Thiers, en 1903, ensuite avec un autre gros ouvrage : le boulevard-promenade, étalé entre cette jetée et le débarcadère d’Eyrac. Les premiers projets mis en concurrence remontent au 25 novembre 1905. L’un d’eux est déposé par MM. Fargeaudoux et de Miramont, architectes et tous deux conseillers municipaux. L’autre revient à l’administration des Ponts et Chaussées. Les devis, enfin chiffrés en 1910, se montent à 230 000 francs et la dépense est couverte par un emprunt, tandis que le sable du remblaiement du site provient du dragage, à la charge de l’État, de la Canelette. C’est un petit chenal qui longe au plus près la côte sud-est d’Eyrac où se trouvent des pêcheries.

Finalement, c’est le 30 décembre 1911 que le Conseil municipal confie à M. Vignaux, entrepreneur à Arcachon, l’exécution des travaux de construction du boulevard-promenade, la soumission déposée par cet entrepreneur réalisant sur les autres, une économie pour la ville, de 20 000 F. Et c’est donc le 10 juillet 1914, en pleine euphorie rythmée par la fanfare, juchée sur le kiosque de la place Thiers, mais aussi au milieu des bruits de bottes lointains mais néanmoins alarmants, que le boulevard-promenade est livré à la circulation et, comble du luxe, des lampadaires électriques y scintillent. Le tout, après deux ans et demi de travaux qui ont fait protester chez des riverains.

L’autre grande réalisation que favorise James Veyrier-Montagnères, commence le 7 Juillet 1902. Ce jour-là, un arrêté préfectoral prescrit l’ouverture d’une enquête d’utilité publique sur l’avant-projet présenté par M. Odelin pour l’établissement d’un tramway dans la ville d’Arcachon, entre la Pointe de l’Aiguillon et le Moulleau, soit sur sept kilomètres. Il est réclamé depuis 1875 et cinq projets se sont succédé depuis 1880. Enfin, d’études diverses en variantes de trajets, de retraits de sociétés en conventions multiples avec le Département, le tout ponctué d’enquêtes d’utilités publiques nombreuses, de critiques de piétons et de récriminations de cochers, c’est le 6 août 1911, que le tramway Aiguillon-Moulleau inaugure son service.

Il a coûté près de 700 000 F à sa compagnie bordelaise par actions, pour les voies uniques à huit croisements et à dix-neuf aiguillages, pour l’achat de trois automotrices de vingt-cinq places et pour autant de remorques, dont l’une fermée pour l’hiver. Ce même 6 août 1911, c’est vraiment la grande fête du modernisme triomphant puisque la Compagnie du Midi commence le doublement de la voie ferrée depuis Lamothe et puisque c’est aussi l’inauguration de l’éclairage électrique, assuré par une nouvelle usine, située rue Georges Méran. Là même où se trouvait le siège local d’EDF ! Trois groupes électrogènes fournissent au tramway un courant de 600 volts et, à la ville, du classique 110 volts. En été, le tramway passe dix fois par jour et, pour le trajet complet, il faut débourser 1,80 franc. Quant au brinquebalement du voyage, il dure environ quarante-cinq minutes, en passant par l’église Saint-Ferdinand, le boulevard de la Plage, l’actuelle avenue De Gaulle, la gare, l’avenue Gambetta, le cours Lamarque, la difficile pente de l’église Notre-Dame où l’engin patine quand il est complet, le rond-point et la source des Abatilles.

La guerre de 1914 ralentit une exploitation jusque-là sans histoires et l’arrête même en 1916. La commune la relance alors avec une subvention annuelle de 7 000 F mais seulement versée jusqu’en 1918. Si bien que, le 16 décembre 1920, la compagnie d’électricité coupe le courant au tramway ! Alors que la Société arcachonnaise est mise sous séquestre, les Tramways et Omnibus bordelais accourent à la rescousse. La commune paie le déficit de l’opération. Finalement, la société Ortal, déjà bien installée en Gironde et dans les Landes, reprend l’affaire en 1924. Mais, dès 1928, le tramway devient gênant pour la circulation et le stationnement des automobiles. Le déficit annuel, aggravé depuis 1926, par la concurrence d’une ligne d’autocars, se monte à 130 000 F. Les jours du tramway sont donc comptés et, le 1è septembre 1932, son aventure s’arrête. Le tramway arcachonnais a pour lointain héritier le bus électrique Eho. C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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