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Chronique n° 054 – À deux voix près …

   

Dans les années qui précèdent directement 1857, l’indépendance communale d’Arcachon s’approche à grands pas et se prépare presque en sourdine. La création, le 15 avril 1854, d’une paroisse arcachonnaise englobant même le cap Ferret, confiée par le cardinal Donnet à l’entreprenant abbé Mouls, ou bien encore l’abandon des droits d’usage sur la forêt de la Petite montagne, constituent les actes les plus visibles d’une évolution politiquement voulue dans les hautes sphères de l’État. Car tout se trame en coulisses, par d’habiles manœuvres. En voici le processus.

Le 30 juillet 1852, Lamarque de Plaisance est nommé maire de La Teste, par un pouvoir qui, avec le prince-président, prépare le Second empire. Il faut se souvenir que, le 25 juillet 1843, inaugurant sa première villa arcachonnaise, ce même Lamarque de Plaisance a levé son verre “à la ville nouvelle”. Le 12 août suivant, Lamarque déclare à son conseil testerin : “J’ai été un des premiers à poser les fondements de la ville nouvelle que votre commune renferme dans son sein”. Lamarque, c’est un ami de l’abbé Mouls mais aussi du préfet Haussmann qui touche de près le futur Napoléon III. De là à penser qu’il est un sous-marin du pouvoir central pour torpiller l’unité testerine, il n’y a qu’un pas que Charles Daney et Jacques Ragot n’hésitent pas à franchir. Ceux qui ne sont pas de cet avis se basent, pour le dire, sur le fait que, le 7 février 1857, le ministre de l’Intérieur doit relancer le zèle de Lamarque pour faire aboutir le dossier de l’indépendance. Mais n’est-ce pas de la poudre aux yeux ou la manifestation d’un collaborateur trop zélé ?

En tous cas, Lamarque use toujours de son influence pour développer Arcachon. Par exemple, pour améliorer les chemins arcachonnais ou pour hâter l’indépendance de la paroisse. Celui qui devient son grand rival, Adalbert Deganne, et sans soute pour le prendre de court, demande carrément au préfet, en avril 1855, l’érection d’Arcachon en commune. Lamarque ne va pas encore aussi loin mais, multipliant contacts et initiatives, le 20 septembre 1854, il reçoit pour la deuxième fois, le ministre Pierre Magne auquel il vante le site d’Arcachon afin d’y établir un port de refuge dont pourraient bénéficier les finances de la ville.

A la fin de l’année, un grand pas se franchit avec la pétition adressée au préfet, par cent treize propriétaires d’Arcachon. Ils demandent l’indépendance de la “section”. Suite à cette démarche, le 29 mars 1855, le préfet ouvre à La Teste, une enquête publique sur le sujet. Le 20 avril, elle recueille, très exactement, un seul et unique avis favorable. Un seul. Mais à Arcachon, cinquante-trois avis sont exprimés, tous voulant l’indépendance. Aussitôt, devant ce succès, une commission est créée dans la “section” pour délibérer sur les conditions de sa séparation.

Le 8 mai, se produit un événement étonnant. Malgré des réticences, le conseil testerin décide, à une courte majorité, de ne pas s’opposer à la séparation, sous certaines conditions portant, notamment sur des frontières de la nouvelle commune n’englobant pas le cap Ferret. Tout va alors très vite. Le 22 juillet, le directeur des contributions directes donne un avis favorable à la séparation. Le 26 août, le Conseil général lui emboîte le pas et, le 2 mai 1857, l’Empereur signe, des deux mains, le décret d’indépendance communale d’Arcachon. Le 22 mai, Lamarque fait ses adieux au conseil municipal testerin qui, rappelons-le, n’a accepté l’indépendance que par treize petites voix contre onze. Tout aussitôt, le 23 mai, voilà Lamarque nommé maire d’Arcachon. Mission accomplie. Deux mois après, le chemin de fer des frères Pereire atteint la ville. La concomitance des deux évènements n’est certainement pas le fruit d’un bienheureux hasard … Il n’aura fallu que cinq ans pour parvenir à la création de la nouvelle commune, avec la bénédiction de l’Eglise et l’appui du pouvoir central. Si des Cazalins autonomistes apprécient aujourd’hui la brièveté de la démarche, ils doivent rêver. Ce qui ne veut pas dire que l’affaire n’a pas soulevé des protestations et des oppositions. C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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