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Chronique n° 040 – Petit guide d’hôtels arcachonnais avant le train

   

François Legallais, le premier hôtelier arcachonnais a, dès 1823, accompagné le développement de la mode des bains de mer. Très vite, il a des collègues, sinon des concurrents. Un témoin de 1825, cité par Robert Aufan, indique que l’aubergiste Duprat loue aux baigneurs, les quatre pièces de sa cabane du Mouëng, à l’est de chez Legallais. C’est pittoresque, sous une fraîche voûte de figuiers et au milieu des barques de pêcheurs, de leurs cabanes et de leurs filets. Mais c’est nettement moins chic que chez Legallais. D’autant plus, ajoute notre curiste, “que la pudeur des baigneurs a souvent à souffrir de la présence de ces bons matelots”. Qui n’en sont pas moins hommes et qui doivent prendre un net plaisir à observer de près des dentelles qu’ils n’ont guère le loisir de contempler en famille… Les affaires de Duprat marchent bien puisqu’en 1831, sa cabane a évolué vers une maison élevée d’un étage sur environ 32 ares de terrain, où existent des chênes antiques.

Mais l’installation ne devient un véritable hôtel-restaurant qu’avec le gendre de Duprat, nommé Lesca. Il propose, servies par vingt-et-une portes, une salle à manger; des chambres et, autour, des cabanes à bains froids et chauds. Toutefois, en 1845, un Guide le décrit comme un établissement “où vont les personnes qui tiennent à vivre avec économie et où la société n’est pas toujours très choisie”. En 1857, l’hôtel Duprat-Lesca est encore catalogué comme “ouvert aux petites fortunes”. Dès 1836, d’autres établissements ouvrent. Celui de Noël Rose Tindel porte fièrement l’enseigne “Des nouveaux bains d’Arcachon”. Le comte André de Bonneval le décrit “comme vaste, élégant et d’une heureuse distribution” et il juge l’hôtel Legallais moins chic.

Car maintenant, il faut s’adresser, comme l’ajoute le comte, “à ce grand nombre de personnes du beau monde de Paris et de la province qui viennent passer ici la belle saison”. Chez Tindel, on leur offre une jolie décoration rococo, des promenades, des bals et de la gastronomie raffinée. Et, l’essentiel du charme, on le trouve dans la beauté des paysages du Bassin. Tous les témoins le disent et le répètent. A la suite d’affaires de famille douloureuses, l’hôtel Tindel passe alors aux Gaillards. Le Guide d’Arcachon en fait “un établissement à toiture-terrasse fringant, élégant et de bon goût”. Un orchestre, bordelais, vient, les dimanches d’été, y accompagner plusieurs bals jugés très beaux. D’ailleurs, l’infant d’Espagne Don François de Paule et sa famille ne passent-ils chez Gaillard trois mois de l’été 1841 ? C’est dire la vogue de l’endroit ! Revers de la médaille, soupire un client : “pour y être passablement, il faut dépenser au moins cinq à six francs par jour”. Cela reste toutefois moins cher que chez Legallais en 1830 où l’on déboursait dix francs.

Ah ! La belle stabilité du franc or napoléonien, malgré la crise économique qui sévit alors depuis deux ans et dont les soubresauts iront grandissants jusqu’en 1850. Mais en 1841, on n’oublie pas le cri de guerre du ministre Guizot “Enrichissez-vous !”. Les classes privilégiées, celles qui fréquentent Arcachon, entendent même parfaitement le message. C’est encore un de ces paradoxes arcachonnais puisque l’expansion de la ville se poursuit vivement, malgré le contexte économique perturbé ailleurs. Mais c’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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