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Chronique n° 031 – Le roi de France et les pelles des Bougès

   

Pêche, forêt et commerce apportent de bons revenus au pays de Buch. Si bien que le pouvoir central a toujours regardé cette région avec une certaine concupiscence. Et cela, dès 1598 quand Henri IV, qui appelle la captalesse de Buch “sa cousine”, pense valoriser les landes de Buch. Ce sera une obsession de nombreux souverains, Napoléon III y compris qui y réussira à peu près complètement, sauf lorsqu’il a voulu faire travailler des dromadaires dans son domaine de Solférino. Revenons-en au Béarnais. Il songe à faire immigrer ici quatre cent mille Maures que le roi d’Espagne, Ferdinand II, veut expulser après qu’ils eurent mis en valeur la plaine de Valence. L’affaire échoue, Henri IV ne voulant pas compromettre de bonnes relations avec l’Espagne. D’autant plus qu’il a fort à faire avec les protestants et les catholiques en bisbille et qu’il ne s’agit pas d’y ajouter des démêlés avec un demi-million d’infidèles.

En 1659, Louis XIV enlève au Captal ses droits de balisage et d’ancrage dans le Bassin, considérant que ces taxes freinent la vie économique. Le débat sur l’opportunité des impôts ne date pas d’aujourd’hui ! C’est toujours dans le même esprit qu’en 1742, le pouvoir royal libère les pêches sur le Bassin et enlève au captal ses droits ancestraux, tout en se réservant le huitième denier sur la vente du poisson à Bordeaux. Car l’État reste toujours avide de solides revenus. La preuve : en 1627, Richelieu, le cardinal, qui veut mettre au pas les seigneurs, au besoin en leur coupant la tête, Richelieu donc, décide d’enlever au captal son droit d’échouage sur les épaves que le rude golfe de Gascogne a la générosité d’envoyer régulièrement sur nos côtes. Et l’impérieux cardinal d’exiger du captal 400 000 livres sur deux navires portugais échoués à Lège. Finalement, devant les cris poussés par le Captal, il se contentera de 200 000 livres “qui tombent en de bonnes mains”, flagorne un courtisan.

Revenons en 1758, quand, le 29 avril, une lettre royale accorde de vingt à quarante ans de dégrèvements fiscaux à qui défrichera des terres incultes des landes. Et en 1765, le roi incite même les défricheurs au travail en leur fournissant des tentes pour le repos et surtout, le plus indispensable ici : des pelles. En 1776, sur rapport d’un lieutenant de vaisseau nommé de Carnay, Louis XVI permet à Ruat, captal, de concéder des dunes par une rente payable à trente ans, à condition d’y planter des pins.

Ce même Louis XVI, qui semble regarder souvent du côté du Bassin, envisage en 1779 de créer devant Arcachon un port de refuge pour l’escadre royale. Ce ne sera d’ailleurs pas le seul projet dans ce sens. Comme les stratèges de Sa Majesté ont bien compris que, si les navires royaux entreraient, à la rigueur, dans le Bassin, ils pourraient beaucoup plus difficilement sortir de cette souricière, Louis XVI fait étudier la possibilité de créer un canal vers Bordeaux et vers l’Adour. Mais l’idée d’Arcachon port de guerre ne renaîtra qu’un siècle plus tard. Elle restera un rêve, autant que le canal Atlantique. Même la MIACA, dans les années 1970, y renoncera.

Par contre, ce qui est bien réel, en 1787, c’est l’appui que les pouvoirs publics apportent à Jean-Baptiste Peyjehan et à Nicolas Brémontier pour développer la stabilisation et l’ensemencement des dunes. Une belle preuve que, malgré les difficultés financières, le pouvoir royal conserve le goût de l’action utile. De plus, jamais, au grand jamais, il n’a attenté à l’entité géographique du Pays de Buch. Napoléon III et ses séides, eux, ne se gêneront pas pour briser ce vieux socle construit par le temps. Il est vrai que certains Bougès, eux-mêmes, les y aideront. Mais c’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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