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Chronique n° 003 – Une forêt bienfaitrice

   

Après la dune, où Arcachon s’accroche, l’autre fée bienfaitrice de la ville, c’est sa forêt. Une forêt, pas ordinaire ici, car elle est naturelle. À la différence de celle plantée au XVIIIe siècle pour fixer des dunes dites modernes. Des dunes, qui, dans leur avancée inexorable vers l’est, avalaient goulûment de bonnes prairies et de belles vignes testerines. Des dunes tellement ravageuses que certains pessimistes déclaraient même, qu’au train où elles s’approchaient des lieux civilisés, elles finiraient bien par engloutir Bordeaux tout entier ! Panique ! Il fallut alors les  terrasser avec d’habiles plantations de pins, d’ailleurs généralement fort mal admises à l’époque, notamment par les bergers qui perdaient des pâturages

Mais la forêt arcachonnaise n’a rien de commun avec celle qui terrassa le monstre de sable, dévoreur de bonnes terres. La paisible forêt arcachonnaise pousse depuis la nuit des temps, depuis l’âge néolithique, très certainement. Elle fait partie de ces deux  massifs distincts appelés “les montagnes”. L’une, s’appelle la Grande montagne, l’autre, forcément, la Petite montagne. Celle-là, d’une superficie de 300 hectares environ, correspond à peu près à l’étendue du centre  de  l’Arcachon actuel. L’autre, la “Mountagne”, mesure 4 000 hectares et constitue, encore aujourd’hui, la fameuse forêt usagère testerine.

Depuis le XVIIe siècle, une vaste étendue de sable blanc, celui qui a formé les dunes rongeuses du territoire testerin, la sépare de sa petite sœur arcachonnaise. Aujourd’hui, cette zone artificiellement boisée, s’étend approximativement du Moulleau, au nord, jusqu’à Pilat plage, au sud. Cependant, Montagnette et Montagne ont un curieux point commun : elles sont toutes deux dans la forêt usagère.    Une bien étrange forêt car, depuis officiellement 1468, le seigneur de l’époque, le captal, qui désirait conserver de la main d’œuvre sur ses terres, a accordé aux habitants de ses trois paroisses qui forment le Captalat, le droit d’y ramasser ou d’y couper du bois pour leurs besoins, ainsi que le droit de pacage et celui de résiner les pins.

Un  bon filon, cette résine, puisque ses sous-produits, obtenus par distillation, donnent divers produits dont des goudrons fort utiles pour rendre étanches les coques des bateaux en bois. Si bien qu’on venait chercher cette poix de très loin. Si bien aussi que, dès 1500, les plus riches des usagers ont monnayé auprès du captal, qui ne demandait pas mieux, le versement d’une taxe, dite de gemmayre. Elle leur accordait  le droit exclusif de résiner les pins. Certains usagers devinrent donc des “tenants-pins” et firent tout pour s’imposer comme propriétaires de leurs parcelles. Aujourd’hui encore, des lieux  ou des quartiers d’Arcachon portent la preuve de cette division : le nom de Peymaou apparaît en 1518, celui d’Eyrac en 1555 et celui de l’Aiguillon en 1557.

On mesure ainsi que le passé d’Arcachon ne se résume aux cent cinquante dernières années que l’on fête aujourd’hui. Donc, cette ancestrale  forêt arcachonnaise, c’est encore une autre histoire

À  suivre…

Jean Dubroca

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