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Chemin de Saint-Jacques – Variante par Moustey

   

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Ici, le chemin présente une variante par Moustey qui constitue cependant un détour sur les bords de la Leyre. Le nom de Moustey est une déformation du mot monasterium, à priori à cause de la présence d’un monastère hôpital pour les pèlerins, encore existant au XVIIIe siècle. À Moustey, il y avait deux seigneurs ; l’un avait son château à Pelay, au sud du bourg (près de Richet, au bord de la Leyre), et l’autre à Couyes, du côté du nord. À présent les châteaux sont démolis, et les vieux disent qu’il y a des souterrains, des chemins couverts, à Couyes : l’un entre Couyes et te château de Citran, sur te territoire de Pissos, et un autre jusqu’au château de Belin, à quatre lieues d’ici. Les gens de Pelay vivaient en fort mauvaise intelligence avec ceux de Couyes, surtout les femmes des deux familles. Le dimanche, à la messe, les dames se rencontraient : l’une voulait passer avant l’autre, ou s’asseoir plus près de l’autel ; c’était alors dispute ! À la fin, la demoiselle de Pelay fait bâtir une petite église, un peu au sud de la grande, ce qui oblige le curé à dire deux messes. Il n’y a pas bien longtemps qu’elles se trouvent encloses dans le même cimetière, avant qu’on établisse le nouveau cimetière. Les étrangers trouvent cela curieux et les habitants du pays disent en vers patois : « Qu’ei tan courrut, tan birat, Et n’ei treubat dus Eglises en un ségrat. » J’ai tant couru, tant tourné, et jamais je n’ai trouvé deux églises dans un cimetière.
La grande église (XIIe siècle) en forme de croix latine avec deux collatéraux est dédiée à Saint Martin ; sur les flancs de l’église, une porte murée dite « Porte des Cagots » était réservée à ces malheureux marginaux que l’on fuyait comme s’ils avaient la peste : en quelques endroits de cette Gascogne il y a une sorte de gens que l’on appelle Cagots ou Gaets (gahets ; du verbe gascon gahar : attraper) ou gaffos voire gaffets, estimés Ladres et de race de Gots ; ils étaient également appelés crestiaas, pour certains, il s’agit de Sarrasins restés en Aquitaine et convertis. Les traces toponymiques sont nombreuses avec un puts deus gahets ou puits des cagots, à l’intersection des chemins de Belhade, Moustey et Biganon ; la houne deus gahets avec une fontaine, communauté à l’entrée de Peyrin sur la route Capsus-Rétis.
Quelle que soit leur origine qui n’est certainement pas univoque, les cagots sont des exclus. Il ne faut pas oublier l’immense cohorte des vagabonds de toute sorte “les errans” jetés sur la route par la faim, par le pèlerinage ou tout simplement par esprit d’aventure. Les chemins de Saint Jacques convergent tous vers la Gascogne où les cagoteries foisonnent. Ces “marginalisés”, victimes d’ostracisme, confinés dans des quartiers en périphérie des villes et des villages, sont interdits de tâches touchant à l’alimentation, spécialisés dans les métiers du bois. Leur ségrégation est importante puisqu’ils doivent se signaler par un signe distinctif cousu sur leur vêtement : un pied palmé d’oie ou de canard de drap rouge (guit) qui peut faire référence à une origine ethnique lointaine. Ils ne peuvent marcher pieds nus et ont l’interdiction de s’unir avec un non cagot. Ils ne peuvent toucher à l’eau bénite (sauf quand ils disposent d’un bénitier qui leur est réservé) que par l’intermédiaire d’un bâton : « Quant bas en ta la gleiso, et t’hiquen sou darré ; Arres aü bénitié non boü hiqua lou dit Dap un ladre coum tu deü tu puble maudit. » (Quand tu vas à l’église, on te relègue derrière; / personne ne veut mettre son doigt dans le bénitier /après un ladre de ton peuple maudit). En cas de procès, il faut sept témoins cagots pour un témoin non cagot. On leur “prête” des caractères physiques particuliers : petits, blonds aux yeux bleus, sans lobe de l’oreille : « Guigne-tu l’aureilhrette, si y an lou pendrillou » (Vois leur petite oreille, elle n‘a pas de pendant). Leur discrimination injuste cesse au XVII-XVIIIe siècle. Un arrêt du Parlement de Bordeaux de 1738 les “innocente” enfin. Pour le médiéviste Francisque Michel, depuis très longtemps leur souvenir est effacé à Moustey ; on dit cependant qu’ils y avaient le droit d’entrer dans les maisons et d’y prendre le pain entamé si, sur la table, il se trouvait ayant le côté coupé tourné vers la porte. Il y a cent ans on y craignait encore, à ce point de vue, le gahet de Pissos.
 
 
Histoire de la lèpre en France. Lépreux et cagots du Sud-Ouest, notes historiques, médicales, philologiques, suivies de documents, par le Dr Henri-Marcel Fay.
 
http://lesamisdebiganon.blogspot.com/p/big-et-son-hist.html [3]
 
Quant à la petite église, dite des Pèlerins, consacrée à la Sainte-Vierge, elle n’a qu’un bas-côté, 20 mètres de longueur sur 14 mètres de largeur ; jadis, elle comportait un hôpital annexé et une léproserie pour les pèlerins de Saint Jacques. La plus célèbre de ses peintures montre Adam et Eve accompagnés du serpent (pour les voir, demander les clés à la mairie (05 58 07 71 26). On y vient, avec grand concours encore, le 19 mai, invoquer Saint Yves-des-Bretons qui y a un autel ; non loin de là coulait la fontaine Saint-Yves, mais un jour des villageois y jetèrent leurs ordures : offensée, l’eau disparût et se mit à couler plus loin sur le quartier de Marianne ; une autre histoire raconte que le curé du village aurait lui-même déménagé la fontaine.
On peut supposer que Moustey se situait jadis sur le tracé d’une ancienne voie romaine venant de Bazas et Sore pour rejoindre la grande voie à Lipostey (ou Liposthey) ; la borne « 1000 km », érigée devant l’église Notre Dame, indique la distance qu’il reste à parcourir jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle : inaugurée en juillet 2001, l’idée de cette borne est à l’initiative de Jean-Pierre Dennery, un pèlerin mousteyais ayant fait plusieurs fois “le chemin”. Gravée de la traditionnelle coquille, le sculpteur Vladimir Nikolski a utilisé une pierre de taille des fonds baptismaux de Belhade, le village voisin. Autre symbole, un pèlerin de 2 mètres veille, impassible, est bienveillant pour ses amis. Les Landes sont une grande étendue où l’on trouve de temps à autre un village, un lieu dit, une église bien souvent … romane.
Le quartier de Richet à Pissos est un hameau bien perdu dans la nature : il faut bien faire trois kilomètres pour le trouver… Le toponyme apparaît pour la première fois en 1279 et indique une ancienne « frênaie ». La création de ce hameau remonte probablement à la fin de l’époque romaine et serait liée au culte d’une fontaine de dévotion. La paroisse est fondée vers le début du XIe siècle puis érigée en commune en 1789 et a fusionné avec Pissos en 1971. Là, ce n’est plus un hameau ni un lieu dit… mais tout simplement l’église romane Saint-Jean Baptiste, construite probablement à la fin du XIe siècle –début du XIIe siècle. Le chevet roman a des modillons originaux, le clocher en bardeaux de châtaignier est inhabituel pour la région, le portail en tiers point, à deux archivoltes formées d’un tore, encadre une porte en bois à deux vantaux à panneaux sculptés : sont représentés Saint-Jean-Baptiste à droite avec l’agneau et Saint-Michel à gauche armé d’une lance et terrassant le démon, les deux protecteurs de l’église. Quelques trous de tir pour armes à feu subsistent dans le clocher, témoignant de son utilisation défensive. L’édifice comporte une nef unique charpentée séparée du chœur voûté en cul de four par un arc triomphal en tiers point décalé sur la droite ; des fresques : l’Adoration des Mages – de la fin du XVe siècle –, ici le pèlerin que l’on reconnaît grâce à son bâton est accueilli par une villageoise, sur le mur opposé les vices, un cortège d’animaux tirés par le diable, ils iront droit en enfer ! Une petite chapelle a été rajoutée au XIVe siècle sur le côté sud ; avec quelques maisons par ci, par là, autour… Cette église est une étape sur une voie secondaire de la via Turonensis.
Le hameau de Vieux-Richet est célèbre dans toute la région pour ses fameuses verreries. Pendant près de 40 ans les maîtres verriers utilisaient la ressource locale, le sable et le charbon de bois, pour la préparation de la pâte de verre ; on appelait ses habitants les « caraflayres » (fabricants de carafes) ; Moustey possédait aussi une verrerie à peu de distance du chemin de fer.
Sur les deux églises de Moustey voir Chants populaires de la Grande Lande, tome I. p. 507-508, et Recueil des Proverbes de la Grande-Lande. n° 1995, p. 313.
voir circuit pédestre 3h
De Moustey à Vieux Richet (trois heures)
Et, sortis du confinement, pourquoi n’organiserions-nous pas une sortie à pied, 11 km, 3 h Facile : Les deux églises de Moustey* / direction Belhade, passez sur le pont de la Leyre, remarquez la forêt galerie avec sa végétation particulière / Après le pont de la Leyre, prendre la petite route à droite, vous traversez des quartiers de Lavigne et de Berdoy (vient de « vern », aulne ou vergne dont le bois est utilisé pour faire des sabots) avec de belles maisons traditionnelles à colombages ou en pierre de garluche / Par des chemins forestiers, vous arrivez au quartier du Brous (désigne des endroits broussailleux) ; dans ce quartier, l’ancien lavoir, une belle bâtisse en pierre de pays, une ancienne école réaménagée en gîte, laissent penser que beaucoup de familles vivaient là. / Après avoir traversé le pont du Passet sur le ruisseau du Brous, vous arrivez au quartier de Richet. Prendre aussitôt à gauche, en dehors du balisage, puis à droite le chemin Saint Jean qui mène à l’église romane du Vieux Richet et son clocher à campanile classé à l’inventaire des Monuments Historiques ; empruntez le petit chemin qui longe l’église en sortant sur la droite vers la fontaine Saint-Jean-Baptiste et Saint-Michel qui soignait les maux de tête : la source est tarie / Suivre le chemin balisé jusqu’au village de Moustey.
Entre Leyre et Land art (moins d’une heure)
* Rejoignez l’allée des verreries, puis l’impasse du lavoir, qui vous mène à un beau chemin forestier. Prenez-le à gauche et longez-le jusqu’à trouver sur votre droite un escalier qui descend. Vous voilà au cœur de la ripisylve typique de la rivière. Une association locale a créé ici un espace très réussi de Land Art, démarche artistique qui valorise la création à partir de matériaux naturels trouvés sur place. En bord de rivière, on peut y admirer notamment trois « Loreleyres » (inspirées des sirènes du Rhin, de l’artiste de Quitterie Duvignac) à la chevelure de mousse et au corps tissés de branches souples. Prenez ensuite un autre escalier pour monter vers la forêt de pins. Un chemin la traverse jusqu’au cimetière, puis bifurquez vers la gauche pour retrouver les deux églises.
Hourc d’Eyre
La confluence (le hourc – fourche – d’Eyre en gascon) de la Petite et de la Grande Leyre, un paysage secret, qui titille l’imaginaire. Ce lieu de rencontre est à découvrir. À Moustey, entre le pont de la grande Leyre et celui de la petite Leyre, se trouve le sentier de découverte du hourc d’Eyre. Idéal pour une petite balade !

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