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1779 – Carte réduite montrant la marche de l’escadre de d’Estaing – Cap Feret

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Carte réduite montrant la marche de l’escadre de Charles Henri d’Estaing.

Charles-Henri-Théodat d’Estaing du Saillans, dit le comte d’Estaing, n’est marin que dans la seconde partie de sa vie. Après avoir servi sous Maurice de Saxe, il passe dans les Indes, comme brigadier, avec d’Aché et Lally ; il y combat vaillamment, mais il est pris par les Anglais à Madras.

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Cap Feret

Il a pour les ennemis de la France une haine profonde, qui doit lui inspirer une de ses dernières paroles. « Quand vous aurez fait tomber ma tête, dit-il un jour à ses juges du tribunal révolutionnaire, envoyez-la aux Anglais : ils vous la paieront cher ! »

Parmi les reproches que la jalousie du corps de la Marine adresse à d’Estaing, il y a celui de donner sa confiance à des « intrus, » dont l’origine lui rappelle sa propre carrière ; mais il faut reconnaître que cette confiance est loin d’être toujours mal placée : il donne le commandement du Guerrier à un officier qui a d’abord été avocat, puis secrétaire d’ambassade, puis capitaine de dragons au Canada, aide de camp de Montcalm et brigadier ; ce capitaine de vaisseau à la carrière peu classique est le premier marin français qui a fait le tour du monde : il s’appelle Bougainville. D’Estaing amène de Brest un géomètre et un inventeur d’instruments nautiques, à qui il confie les fonctions délicates de major et intendant de l’armée navale ; cet homme de science fait preuve, au cours d’une campagne de vingt mois, des qualités complexes et multiples qui font le chef d’état-major accompli : il s’appelle le chevalier de Borda.

Appelé, le 8 février 1778, au commandement de l’escadre qu’on arme à Toulon, il prend à Paris, de concert avec le ministre M. de Sartine, toutes les dispositions nécessaires. Le 27 mars, il arrive à Toulon. Le 13 avril, il prend la mer avec toute son escadre. « La promptitude, dit-il en véritable homme de guerre, est la première des armes ; étonner, c’est presque avoir vaincu. » Plus tard, on lui fait grief de la rapidité même de son départ. Il est certain que tout n’est pas entièrement prêt ; l’arsenal de Toulon, qu’il qualifie lui-même de « cruellement avare, » n’a pu lui fournir tout ce qu’il demande et qui lui est nécessaire. Mais il veut partir sans délai, parce qu’il le faut : il part !

Ce n’est pas dans la direction de Brest que cingle l’escadre d’Estaing. Elle part pour traverser tout l’Atlantique, pour aborder aux États-Unis. À cette date, la France n’a point encore rompu officiellement avec l’Angleterre ; du moins, elle a contracté alliance avec le nouvel État qui vient de naître à Philadelphie. C’est à la jeune république du Nouveau Monde que d’Estaing a le grand honneur de conduire les vaisseaux de la plus vieille monarchie de l’Europe.

Considérée au point de vue de l’histoire proprement maritime, la décision qui vient d’être prise par le gouvernement de Louis XVI marque une date capitale de notre stratégie navale. Jusqu’alors, même avec des hommes de mer de la trempe d’un Du Quesne ou d’un Tourville, la marine française a toujours été un peu esclave des côtes ; elle n’a guère eu d’autres champs de manœuvres que la Méditerranée, le golfe de Gascogne, la Manche. Quant aux flottes qui ont quitté la France à destination du Canada, des Antilles ou des Indes, elles ont eu au moins autant le caractère de convois de commerce que le caractère d’escadres de guerre ; loin de venir pour attaquer, elles sont venues pour escorter ou pour défendre. À présent, c’est l’offensive la plus audacieuse, la grande guerre maritime, avec une entière liberté de mouvements, que d’Estaing a mission d’exécuter. Pour bien en comprendre l’importance capitale, il ne faut pas oublier que cette traversée de l’Atlantique, de Toulon à New-York, constitue le début même de la guerre d’Amérique. L’escadre d’Orvilliers n’est point encore sortie de la rade de Brest ; le jour où elle en sort, c’est pour croiser dans la Manche, suivant le jeu classique, pour temporiser et attendre le combat. Ici, au contraire, les instructions d’Estaing lui enjoignent d’aller chercher directement l’ennemi jusqu’au-delà de l’Atlantique. En soumettant au conseil de Louis XVI et en faisant accepter l’idée de cette campagne à très grande distance, Sartine vient de donner à la guerre maritime une orientation toute nouvelle…

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53177445g?rk=2939928;4 [3]

https://fr.wikisource.org/wiki/La_Vieille_France_et_la_jeune_Am%C3%A9rique_-_Campagne_du_vice-amiral_d%E2%80%99Estaing [4]

Lire :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Henri_d%27Estaing [5]

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_la_Grenade [6]

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