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1759 – Canal de Bordeaux à Bayonne

 

On désigne sous le nom général de « Landes » le territoire borné à l’ouest par l’Océan, à l’est par la Garonne et la Gelize, au sud par l’Adour. Cette étendue présente une superficie d’environ 800 000 hectares dont la presque totalité est encore inculte et, pour ainsi dire, dépourvue d’habitants, à l’époque de la Restauration. À peine y voit-on de loin en loin de maigres bouquets de pins et quelques misérables chaumières, au milieu de solitudes rendues inaccessibles en hiver par l’inondation des terrains environnants.

L’idée de relier Bordeaux à Bayonne, la Gironde à l’Adour, est très ancienne et la transformation des Landes, à l’aide de canaux, est étudiée à différentes époques.

Sans parler des travaux embryonnaires exécutés pendant le règne d’Henri IV, M. Tamizey de Larroque fait savoir, dans la Revue de Gascogne de janvier 1891, que le premier projet d’un canal des deux mers serait celui d’un Gascon dont le nom est resté ignoré, & qui, en 1635, propose au Roy de joindre Bayonne à Narbonne par un canal. Dans ce projet se trouve l’esquisse d’un canal reliant Bordeaux à Capbreton.

Vauban met ce sujet à l’ordre du jour. En 1681, le grand ingénieur visite le littoral de l’Océan et, frappé par la position du bassin d’Arcachon, séduit par les proportions de cette rade qui lui parait susceptible d’abriter des flottes considérables, il veut en faire un port de guerre. Afin de faciliter l’entrée et la sortie des bâtiments en cas de blocus, il propose au Roi de creuser entre Arcachon et Bayonne, un canal à travers les étangs landais où pourraient pénétrer les plus gros vaisseaux.

Ce projet est vite abandonné, mais l’idée est néanmoins lancée et sera fréquemment reprise avec des variantes ou des modifications de détail.

1759 – Canal de Bordeaux à Capbreton – Arcachon, Leyre, Argilouse, Autre canal

[1]

Un projet, en 1759, donne le Plan de la rade de Capbreton, projets divers de ports ; Carte de la côte depuis Bayonne jusqu’à Capbreton ; écluses, à sas variables, à Gouffre de Capbreton (1759). Extrémité de l’estuaire de la Charente. Port de Cette. Port-Vendres. Canal maritime de Port Vendres à Capbreton.

[2]

Arcachon, Leyre

En 1764, Tardif, directeur des Ponts et Chaussées propose dans un mémoire sur les rivières de la Généralité d’établir un canal autour de Bordeaux pour assainir les marécages, canaux dans le Médoc, et revient à l’idée de Vauban d’un port commercial et maritime à Arcachon.

Au point de vue de la colonisation des Landes (projet Nézer), la construction d’un canal n’est étudiée sérieusement qu’en 1769 par l’abbé Desbiey, et  suite à l’inspection de l’intendant Boutin accompagné de M. Desmarets, membre de l’Académie royale de Paris. Desbiey, partant de Saubusse, également au-dessous de cette dernière ville, suit l’ancienne voie Romaine jusqu’à Uza, et de-là rejoint Parentis par Salles. Il remonte le ruisseau formé de la surabondance des eaux d’un étang de la haute-lande de St-Paul, pour venir gagner Castets, et réunissant les eaux, tant du ruisseau de ce nom que de ceux du Vignac, de Mezos, Pontenx et Parentis, opère facilement sa jonction avec la rivière de la Leyre, et, par elle, avec le bassin d’Arcachon. La direction de ce canal se trouve déterminée à travers le centre des grandes landes.

En 1772, avec Chevalier, avocat au Parlement de Bordeaux, qui s’inspire de celui de M. de Kearnay (vers 1768 ; de Bordeaux à Arcachon par le Lacanau) et préconise, comme lui, la fixation préalable des dunes ; Chevalier publie un mémoire sur le défrichement des landes qu’il accompagne d’un projet de canal employant le ruisseau Lacanau, qui se jette dans la Leyre, au-dessus du passage de Lamothe ; il le remonte jusqu’à sa source, située vers l’ancienne poste du Putz de la Gubatte (où l’auteur se propose, sans doute, de se servir des lagunes environnantes), et, de-là, vient joindre les sources de l’Eau bourde, qui descend dans la Garonne par deux branches, l’une au-dessous du fort Ste-Croix, à Bordeaux, l’autre, un peu plus haut, au moulin de Franc, commune de Bègles. Le chemin se trouve bien moins long dans ce projet, puisqu’il est réduit à 51 kilomètres, et que son terme est au port même de Bordeaux, son exécution est singulièrement favorable tant pour la Teste que pour Bordeaux, mais les eaux des deux ruisseaux proposés sont-elles suffisantes, et est-il possible de remplacer par quelqu’autre courant, les pertes de l’évaporation, celles des deux écluses d’entrée et de sortie, des filtrations, ce qu’on ne peut déterminer sans un travail sur les lieux ?

1772 – L’ingénieur Clavaux et les aménagements

Dans le cadre de projets militaires, le comte d’Hérouville, directeur général des camps des armées, est désigné pour aller reconnaître l’état des places implantées sur les côtes de l’Océan dont il projette de cartographier la frange littorale au 1/14 400.

En 1771, lors de sa tournée d’inspection au Bassin d’Arcachon, il se fait accompagner par le chevalier de Kearney, capitaine de frégate ; en 1769, celui-ci a déjà effectué pour la Marine une mission de reconnaissance. Il a dressé le plan du Bassin et a découvert une nouvelle passe pour y entrer.

Le Bassin continue de soutenir l’intérêt des militaires. Au projet de port de guerre élaboré en 1766, succède, en juillet 1772 à l’instigation de d’Hérouville, celui de Sicre de Cinq Mars intitulé « Mémoire sur la baye d’Arcasson et l’embouchure de la rivière de Bordeaux » ; il propose de construire des jetées et de fermer la passe du Nord.

Cette fois, le projet est destiné à défendre l’entrée par « un fort à la Pointe Notre Dame sur la côte de Bernet, pour défendre la passe du Nord et l’arrivée de celle du Sud et d’une Redoute a la cote du Pillats, pour défendre celle du Sud ». Cinq Mars accompagne son rapport d’un beau plan conservé à l’IGN (chemise 261B) construit sur les tracés de Kearney et à la même échelle.

Dans le courant de l’année 1772, de nombreux projets sont mis sur pied par diverses instances. Les ministres de la marine, Bourgeois de Boynes, et de la guerre, Monteynard, fraichement nommés après le départ de Choiseul (instauration du Triumvirat Maupeou, Terray, d’Aiguillon) en fournissent les cadres. Ils sont les interlocuteurs directs de l’intendant Boutin. Dans les rapports, et en particulier celui de Sicre de Cinq Mars, le sort du bassin d’Arcachon est étroitement lié à celui de la Gironde et à Bordeaux. Les préoccupations des négociants bordelais, y compris ceux qui sont impliqués dans les adjudications de Civrac, rejoignent celles de l’armée du fait des modifications de l’entrée de la Gironde. L’idée de créer un port de guerre à Arcachon, le projet de le relier à Bordeaux par un canal séduit donc tout le monde, en offrant une providentielle solution de remplacement.

Voici donc le contexte dans lequel intervient Clavaux déjà familier du terrain:  en 1766, selon Dulignon-Desgranges, il agit pour la compagnie Nezer ; Berthaut signale qu’il exécute alors un projet de port de guerre à Arcachon. En 1771, Clavaux s’est occupé de la construction d’un canal de dessèchement de Saint-Estèphe à Arcachon puis à l’Adour en se servant des eaux du littoral, qui fait partie du plan de Nezer. Le secrétaire de l’Intendant, Duchesne, l’autorise à faire les nivellements, mais ce projet n’a pas de suite. Clavaux aurait tracé ses plans à l’inspection de la seule carte ! Les ministres et l’intendant semblent tenir à ce projet et, ne pouvant compter sur les colons désillusionnés de la colonie Nezer, proposent de concéder ces terres aux Juifs et aux Protestants, ce qui provoque des remous. Duchesne propose donc de les concéder aux bataillons de la milice de la province, en essayant d’autre part de se concilier les habitants des paroisses intéressées.

Clavaux est donc à nouveau sollicité, en 1772, pour divers projets dont le principal est la création des nouveaux marais salants; il produit une carte, conservée au Musée d’Aquitaine à Bordeaux, donc la même année que les travaux de Sicre de Cinq Mars, directeur des fortifications : en avril 1772, Sicre de Cinq Mars  visite le bassin avec Kearney pour évaluer la dégradation et le projet de défense de l’entrée, et pour la possibilité du canal (selon Dulignon-Desgranges, il visite les lieux avec St Cricq) 

http://www.lecfc.fr/new/articles/148-article-8.pdf [3]

[4]

[5]de Bordeaux à Arcachon

avec Clavaux

[6]

débouchant dans le domaine de Certes

Qui est donc cet ingénieur ? Clavaux sert dans la légion Corse, puis dans la légion Dauphiné. Selon le colonel Berthaut, Clavaux est capitaine des dragons et s’occupe de lever les côtes de France sur différents points, avec le titre d’ingénieur du Roi.

De 1762 à 1765, il fait des levés en Normandie entre Isigny et Pontorson.

En 1766, il élabore un projet de port de guerre à Arcachon. Il travaille à des plans détaillés pour le cadastre des environs de Paris avant d’être chargé en 1772 du plan d’aménagement du bassin d’Arcachon.

C’est un personnage difficile à saisir. La littérature du XIXe siècle en brosse un portrait peu flatteur cadrant avec le contexte polémique. Est-il aussi peu scrupuleux et calculateur que nous le dépeint Dulignon-Desgranges ? Bénéficie-t-il de protections qui font exagérer ses compétences ? Les obscurités qui entourent les entreprises physiocratiques laissent entrevoir un lacis d’intrigues, de rivalités, de jalousies mal contrôlées et aussi certaines malhonnêtetés évidentes.

C’est entre Paris et la Normandie que se décide les travaux d’Arcachon, et ici comme là, nous retrouvons sinon les mêmes personnes, tout au moins les mêmes cercles d’affinités. Clavaux est protégé par Civrac. En 1766 lorsqu’il travaille au projet de former un port à la Teste, il dispose d’une “mauvaise copie” des travaux de Voglia (ou Voglié), inspecteur des Ponts et Chaussées qui « avait détruit son ouvrage » ; en 1779, l’avocat Marie de Saint Georges lit devant une assemblée de négociants un « Mémoire sur les dunes d’Arcachon… et sur le projet déjà ancien d’uy former un Port dans la baye de la Teste, avec deux canaux de communication entre Bordeaux et Bayonne » qui a été imprimé. (AD Gironde, C 1951). La note 1 indique que Kearney se serait trop fié à cette copie imparfaite de Voglia. De 1768 à 1779, les passes d’Arcachon ont considérablement changé et les contemporains ne peuvent qu’accuser ceux qui ont effectué les levers.

En 1772 (ou 1774), Thivent, bourgeois de Bordeaux, et Henri, négociant, proposent un projet analogue à celui de Desbiey: creuser un canal de 10 milles de long depuis Castres et Beautiran, vers la Garonne en passant à Saint-Selve, Saint-Morillon, Cabanac, Villagrains, Béliet pour se terminer dans la Leyre. Le comte de Montausier et le marquis d’Arcambal procurent à Thivent l’ingénieur Clavaux, puis le projet est abandonné.

Le point culminant est élevé de plus de 60 mètres au-dessus des basses eaux de la Garonne à Bordeaux. Il faut autant de temps pour franchir les quarante écluses sur les deus versants que pour parcourir la ligne tout entière du canal. Sa dépense serait fort considérable, et ce qui est décisif, le succès fort douteux, car on manque d’eau au point de partage. Les eaux qu’on est obligé d’aller prendre fort loin dans la Leyre ou le Ciron, sont peu abondantes, vu la distance et la hauteur à laquelle est établie la prise d’eau. D’ailleurs, le résultat de cette navigation serait presque nul sur la généralité des Landes, et particulièrement sur le pays de parcours.

Vers 1772, on a l’idée d’établir des canaux partant de Lanton près du Bassin d’Arcachon, ou du passage de Lamothe sur la Leyre, remontant la vallée du ruisseau appelé Lacanau, et aboutissant directement à Bordeaux. Conception irréfléchie, car il faut franchir, dans ce court trajet, un seuil de plus de 55 mètres d’élévation au-dessus des lieux externes, et le point culminant est entièrement privé des eaux indispensables à une navigation artificielle. Est-il nécessaire d’ajouter que ce canal, à la fois impraticable et dispendieux, ne rend aucun service aux Landes proprement dites ?

Ce sont encore les entreprises de Beauchamp et Villemore, et les autres concessions faites dans les communes du Barp, Mios, Salles et le Teich, qui donnent de l’importance à un projet tendant à unir la Garonne près de Castres, avec le Bassin d’Arcachon, par le Guamort, le ruisseau de Béliet et la Leyre.

Lorsqu’en 1773, le célébre avocat Elie de Beaumont se rend à Bayonne pour défendre encore une famille innocente, il traverse les grandes landes. M. de Beaumont, intendant des finances de Monseigneur le comte d’Artois, est tellement frappé de l’état de cette contrée, qu’il croit devoir appeler l’attention des hommes instruits sur un sujet aussi digne d’étude, et qu’il offre à l’académie de Bordeaux un prix pour être décerné à l’auteur du mémoire couronné sur les améliorations dont les landes de Gascogne sont susceptibles.

Cette proposition, soit dit en passant, est présentée à la société par le fils de l’immortel Montesquieu, donne lieu à l’excellent mémoire de M. Guillaume Desbiey, .

Le 25 août 1774, un Mémoire est lu dans la séance publique de l’Académie des sciences de Bordeaux, par M. l’abbé Desbiey, sur la possibilité d’exécuter un canal qui joindrait le ruisseau de Béliet et le Guamort, ou le ruisseau de Pessac (le Peugue). Le prix est remporté par Guillaume Desbiey, receveur des fermes à la Teste, mais, en réalité le mémoire est de son frère l’abbé académicien qui ne peut concourir ; mais nous apprenons que le sieur Thivent, négociant de Bordeaux, a devancé l’académicien et conçu le même projet.

Il expose ensuite un projet dans lequel il unit la ville de Dax avec le bassin d’Arcachon en traversant les communes de Castets, Vignac, Mezos, Pontens, Parentis, Pissos et Béliet.

À  la suite, on trouve le projet de canal d’Arcachon à l’Adour par la Leyre, Parentis, Saubusse-sur-l’Adour, dessiné par Clavaux.

[7]

Carte générale de la Guienne avec les Canaux de Navigation projetés

[8]

de Bordeaux à Arcachon par le Lacanau

et d’Arcachon à l’Adour par les étangs, Léon, Herm, Dax

[9]

Carte de Clavaux 1772

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531427237.r=clavaux?rk=21459;2 [10]

Carte de Clavaux 1774

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53142726k/f1.item.r=clavaux [11]

Les Landes en 1826 ou, Esquisse d’un plan général d’amélioration des Landes de Bordeaux à joindre au projet de canal, J.B.B., (J.B. Billaudel), À Bordeaux, de l’Imprimerie d’André Brossier, Marchand de Papiers, Rue Royale, N° 13, Mai 1826

https://books.google.fr/books?hl=fr&id=3hEDAAAAYAAJ&q=thivent#v=snippet&q=thivent&f=false [12]

Nous appelons Landes de Bordeaux, le Delta limité par l’Océan, depuis la pointe de Grave jusqu’à Bayonne, et compris entre la rive droite de la Douze, depuis Cazaubon jusqu’à Mont-de-Marsan ; de la Midouze , depuis Mont-de-Marsan jusqu’au Hourquet ; et de l’Adour, depuis le Hourquet jusqu’à son embouchure dans la mer ; et la rive gauche de la Gelize, depuis Eauze jusqu’à Lavardac ; de la Baïse, depuis Lavardac jusqu’à St-Léger ; de la Garonne, depuis St-Léger jusqu’au Bec-d’Ambès ; et de la Gironde, depuis le Bec-d’Ambès jusqu’à son embouchure dans la mer. En jetant les yeux sur la carte, on voit que ce pays est arrosé par plusieurs rivières, telles que l’Estampon, l’Avance, le Ciron, la Leyre, et par un grand nombre de ruisseaux qui versent dans trois directions aux trois côtés du Delta.

1774 – Canal Montausier

Quatre années ne se sont pas encore écoulées depuis la dissolution de la Société Nézer, depuis la faillite et la mort du fondateur de cette société, lorsqu’en 1774 M. le comte de Montausier, à la tête d’une Compagnie,  reprend avec Arcambal le projet Thivent : il est disposé à ouvrir un canal de navigation à partir du ruisseau de Castres jusqu’aux lacs qui sont à trois lieues au dessus de Villagrains. Clavaux est chargé d’achever les plans et nivellements,

Ce plan, auquel jusqu’alors personne n’a songé, est goûté par un homme dont la vaste instruction est particulièrement appliquée aux travaux d’amélioration dont les Landes lui paraissent susceptibles. Ce savant est le vénérable abbé Desbiey qui, pour appuyer le projet de M. de Montausier dit : « La portion la plus considérable de la gênéralité, au midi et au couchant de la rive gauche de la Garonne, reste languissante, inculte et déserte. La privation de rivières, de canaux navigables et de chemins ferrés, est la seule cause de cette inertie et de cette solitude affreuse.

La rareté des bois de toute espèce à Bordeaux et l’abondance de ces bois dans les Landes avec la facilité de les multiplier encore ; la difficulté des transports par mer, même en en temps de paix, des brais, goudrons et autres matières résineuses nécessaires à la construction dans les ports de Bordeaux, La Rochelle, Nantes et Brest, soit des différents objets de commerce qui circulent continuellement de France en Espagne et d’Espagne en France par l’entrepôt de Bayonne ; les frais énormes de ces transports par les charrettes à bœufs ; les atteintes mortelles que ces charrois portent à l’agriculture, en la privant des bras et des engrais nécessaires, même pour même pour le peu de terrain qui s’y trouve défriché ; les mines de fer qu’on pourrait y exploiter, ont fait concevoir le projet de réunir les eaux des étangs qui bordent les côtes de Gascogne aux eaux des petites rivières qui sillonnent les Landes, d’y creuser des canaux qui communiquent à la Garonne et à l’Adour par d’autres petites rivières qui s’y déchargent, de les rendre navigables. »

Ce projet ainsi approuvé par l’abbé Desbiey, parvient à la connaissance du gouvernement qui autorise M. de Montausier à employer des Ingénieurs aux frais de l’État des nivellements.

M. Desbiey ne donne nulle indication des moyens d’alimenter d’eau le canal de Dax à Uza et Béliet; son tracé est défectueux ou impraticable, car il fait remonter le canal sur la sommité qui sépare Parentis et Pissos à 80 mètres de hauteur.

Les Landes en 1826 ou, Esquisse d’un plan général d’amélioration des Landes de Bordeaux à joindre au projet de canal, J.B.B., 1826.

https://books.google.fr/books?hl=fr&id=3hEDAAAAYAAJ&q=thivent#v=snippet&q=thivent&f=false [12]

De son côté M, Brémontier, dont l’instruction, loin d’être dédaigneuse sait s’inspirer des idées des autres lorsqu’elles rentrent dans sa spécialité, ne peut considérer, comme indigne son attention, un plan sur lequel, en sa qualité de sous-ingénieur, il peut être appelé à formuler son opinion.

Cette opinion d’abord contraire à celle de l’abbé Desbiey, est bientôt exprimée ; elle trouve sa place dans le mémoire inédit du 20 mars 1778 ; en voici les termes : “Plusieurs particuliers peu éclairés, sans doute, sur leurs intérêts, proposent de faire ouvrir et d’entretenir à leurs frais : 1° un canal de navigation depuis l’Adour jusqu’au bassin d’Arcachon ; on doit côtoyer les dunes et on compte éviter une partie de la dépense, en traversant tous les étangs qui se trouvent au pied de ces dunes ;

Le second canal partirait de Frinsac ( ?) pour aboutir au premier, du côté de Mimisan ;

Le troisième établirait une communication entre La Teste et la ville de Bordeaux.

Le quatrième entourerait les murs de cette ville.

Trois autres canaux doivent partir d’un point de partage établi dans les environs de Villagrains.”

Le Gat mort

[13]

Le Gat mort et ses affluents

Le nom « Guat mort » est basé sur l’hydronyme wad (latin vadum ‘gué’. francique wad ‘cours d’eau’) qui donne guat ou guà en gascon. Ce nom a été corrompu par étymologie populaire en « Gât mort » qui signifie « chat mort » en gascon. Mais la rivière doit évidemment son nom à un gué sans courant et non à un « chat mort ».

De 37 km de longueur, le Gât Mort est un affluent de la rive gauche de la Garonne, qui prend sa source dans la Forêt des Landes sur la commune d’Hostens en Gironde et se jette dans la Garonne à Beautiran entre Langon et Bordeaux.

Il est formé par la réunion d’une douzaine de petits cours d’eaux en amont du pas des Vaches à Villagrains ; ceux-ci drainent le secteur Hostens, Louchats, Guillos et Saint-Magne.

l doit sa couleur ocre à la présence de rouille dans l’eau provenant de la couche d’alios dans le sous-sol ; l’alios étant un grès ferrugineux.

https://www.sitytrail.com/fr/poi/20007860-cabanacxetxvillagrains–le-gatxmort/ [14]

Par suites de ses appréciations, et après des calculs assez détaillés, M. Brémontier reconnaît que ces différents canaux donneraient lieu à une dépense de 2 485 000 fr et que cette dépense ne serait nullement en rapport avec les avantages à attendre de ces moyens de communications.

Cependant, il revient au projet de M. Montausier et il ajoute : « Le canal de communication de Bayonne au bassin d’Arcachon, paraît au premier coup d’œil, éprouver moins de difficultés. Il serait nourri par les eaux plus que suffisantes des vastes bassins qu’il doit traverser. On estime que quatre écluses de côté suffiront pour son exécution. Le pays qu’il doit exploiter est généralement d’un rapport plus avantageux que celui du reste des Landes. Il servirait utilement aux transports des résines et de quelques bois assez considérables : Ce projet serait bien vu et mériterait une attention plus particulière, si l’on ne regardait les sables comme un obstacle invincible, ou du moins de la plus grande difficulté ; tous les ruisseaux qui doivent y aboutir en sont chargés et n’ont point de lit fixe, particulièrement dans les parties où l’on propose la construction de ce canal, et sa solidité exigerait des travaux incroyables pour détourner et les faire côtoyer jusqu’aux étangs dans lesquels ils vont se décharger. »

Actes de l’Academie Royale des Sciences, Belles Lettres et Arts de Bordeaux, Volume 11, H. Gazay, 1849

https://books.google.fr/books?id=OsJZAAAAcAAJ&pg=PA24&lpg=PA24&dq=%22Il+serait+nourri+par+les+eaux+plus+que+suffisantes+des+vastes+bassins+%22&source=bl&ots=Bv0F4HuP9W&sig=ACfU3U2mT7jYFC7_KbOtk4H2_IsP5lxX_g&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwi-hZqK0-nxAhUF8BoKHed1CiYQ6AEwAHoECAIQAw#v=onepage&q=%22Il%20serait%20nourri%20par%20les%20eaux%20plus%20que%20suffisantes%20des%20vastes%20bassins%20%22&f=false [15]

En 1775, Peconnet présente un projet de canal partant de Bègles pour se terminer au Bassin d’Arcachon ; il y aurait des écluses avec moulins, ce qui rendrait meilleur marché le pain à Bordeaux. Le projet reste sans suite.

En février 1775, Montausier et Arcambal offrent de faire à leurs frais un canal de Mont-de-Marsan au Ciron, et Montausier, en mars 1775, de faire un canal de Bayonne à Arcachon. En échange ils demandent la concession de terrains bordant la mer « entre Arcachon et Bayonne » appartenant au roi : cela leur est refusé, la demande étant trop vague.

En 1894, il est proposé de Capbreton vers Labouheyre & Bordeaux, de creuser le canal aussi loin que possible au-dessous du niveau de la mer, de manière à y conduire l’eau salée & à y faire déverser toutes les eaux phréatiques, très abondantes & inutilisées, souvent nuisibles à l’hygiène & à l’agriculture, que l’on rencontrerait dans le creusement

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52505143f/f2.item.r=canal%20landes [16]

Revue des Pyrénées et de la France méridionale : organe de l’Association pyrénéenne et de l’Union des sociétés savantes du Midi, 1894

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57320694/f276.item.r=capbreton%20canal%20bordeaux [17]

1781 – Fleuves, Dupain-Triel – Bassin d’Arcachon, la Tete de Buch, Etang de laChaux et de Sanguinet, canal de Bordeaux, Bellin, Beliet, Leyre, Argilouse, Autre canal

[18] Carte générale des fleuves, des rivières… de la France, avec les canaux actuellement construits

M. Jean-Louis Dupain-Triel (1722-18..).

[19]

Bassin d’Arcachon, la Tete de Buch, Etang de laChaux et de Sanguinet, canal de Bordeaux, Bellin, Beliet, Leyre, Argilouse, Autre canal

[20]Il désigne la Petite Leyre sous ne nom de Sore puis Argelouse, nom cher à François Mauriac : Argelouse est réellement une extrémité de la terre ; un de ces lieux au delà desquels il est impossible d’avancer, ce qu’on appelle ici un quartier quelques métairies sans église, ni mairie, ni cimetière, disséminées autour d’un champ de seigle, à dix kilomètres du bourg de Saint-Clair, auquel les relie une seule route défoncée. Ce chemin plein d’ornières et de trous se mue, au delà d’Argelouse, en sentiers sablonneux ; et jusqu’à l’Océan il n’y a plus rien que quatre-vingts kilomètres de marécages, de lagunes, de pins grêles, de landes où à la fin de l’hiver les brebis ont la couleur de la cendre.

Les meilleures familles de Saint-Clair sont issues de ce quartier perdu. Vers le milieu du dernier siècle, alors que la résine et le bois commencèrent d’ajouter aux maigres ressources qu’ils tiraient de leurs troupeaux, les grands-pères de ceux qui vivent aujourd’hui s’établirent à Saint-Clair, et leurs logis d’Argelouse devinrent des métairies. Les poutres sculptées de l’auvent, parfois une cheminée en marbre, témoignent de leur ancienne dignité. Elles se tassent un peu plus chaque année et la grande aile fatiguée d’un de leurs toits touche presque la terre.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530834689/f1.item.r=dupain-triel [21]

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k17610t/f273.item.r=argelouse%20leyre/f273n2.texteBrut [22]

Jean-Louis Dupain-Triel naît à Paris le 26 novembre 1722. Dans sa jeunesse il croit pouvoir allier le goût des lettres à celui des sciences, et publie quelques pièces de vers ; mais il renonce bientôt au culte des muses pour se livrer exclusivement aux mathématiques. À l’exemple de son frère Dupain-Montesson, il entre dans le corps des ingénieurs-géographes, où il ne tarde pas à se distinguer : il concourt à l’exécution de l’Atlas minéralogique entrepris par Guettard. Ce grand travail, qui n’est terminé qu’en 1780, l’occupe pendant quinze ans. Jean-Louis Dupain-Triel, dans les dix années qui suivent, met au jour plusieurs cartes et divers ouvrages de géographie, dont le mérite est apprécié par les hommes qui se trouvent alors a la tête de la science.

En 1792, le bureau de consultation, sur le rapport de l’illustre Lavoisier, le désigne comme ayant droit par ses utiles travaux à une récompense nationale de première classe, dont le maximum est de six mille francs ; mais Lavoisier demande qu’à raison de l’âge de Dupain-Triel – il est alors septuagénaire -, cette somme soit portée à dix mille francs, et la proposition est adoptée ; on verra par la date de son dernier ouvrage qu’il vit encore en 1804, mais on n’a pu découvrir l’époque de sa mort.

Biographie universelle, ancienne et moderne, ou Histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes, Volume 63, Michaud, 1837

https://books.google.fr/books?id=cQ5AAAAAcAAJ&pg=PA183&lpg=PA183&dq=Dupain-Triel+biographie&source=bl&ots=fZPdNtA6as&sig=ACfU3U0OlSIIDK3BknJhRvtooEysHgXpIA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiVwMPOnLzxAhWsxYUKHehpDfUQ6AEwEnoECBEQAw#v=onepage&q=Dupain-Triel%20biographie&f=false [23]

1787 & 1818 – Navigation, Fer de La Nouerre – Bassin d’Arcachon, la Tete de Buch, Etang de la Choua et de Sanguinet, Biliet R., Belin, Leyre R.

[24]
[25]

Carte élémentaire de la navigation de la France

sur laquelle on a tracé un sistème général de navigation… dédié au Roi par M. Nicolas de Fer de La Nouerre (1740?-1790?)… et présenté à l’Académie royale des Sciences, 1787 /

[26]

Revue et augmentée par Lorrain… en 1818

[27]

Bassin d’Arcachon, la Tete de Buch, Etang de la Choua et de Sanguinet,Biliet R., Belin, Leyre R.

Nicolas de Fer de La Nouerre sert dans l’artillerie et prend sa retraite vers 1770. Il devient alors inspecteur des Ponts et Chaussées et membre de l’académie de Science : il tenta d’établir un système général de circulation “par terre et par eau” dans toute la France (complémentarité des routes et des canaux) ; auteur d’un Mémoire sur la théorie des écluses (1780), il avait prédit la chute du pont de la Mulatière à Lyon.

Mais il n’y a pas que l’eau qui l’intéresse : en 1794, il devient propriétaire du vignoble Romanée-conti, qui sera réquisitionné comme bien national.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53083478q.r=%22navigation%20int%C3%A9rieure%22?rk=278971;2 [28]

https://data.bnf.fr/fr/15320112/nicolas_de_fer_de_la_nouerre/ [29]

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Defer_de_la_Nouere [30]

1800 – Navigation intérieure, Dupain-Triel – Bassin d’Arcachon, la Tete de Buch, Etang de la Chaux et de Sanguinet, Leyre, Beliet, Bellin, Argilouse, Canal de Bordeaux, Autre Canal

[31]

Carte générale de la Navigation intérieure tant naturelle qu’artificielle de la France

par l’Ingénieur géographe Jean-Louis Dupain-Triel (1722-18..). Éditeur :  l’Auteur, l’An VIII (Paris)

[Tableau géographique de la navigation intérieure… de l’Empire français, offrant le cours soit de ses fleuves… soit de ses canaux tant exécutés que projettés… par M. Jean-Louis Dupain-Triel (1722-18..) ; Revue et augmentée… jusques en l’an 1811 par V. Dubrena, 1811, Chef du bureau du dépôt des cartes, plans et archives de la direction des Ponts et Chaussées.]

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530834778.r=%22navigation%20int%C3%A9rieure%22?rk=922751;2 [32]

[33]

Bassin d’Arcachon, la Tete de Buch, Etang de la Chaux et de Sanguinet, Leyre, Beliet, Bellin, Argilouse, Canal de Bordeaux, Autre Canal

Sur cette carte, figure aussi un canal entre « Poullac » et le Bassin d’Arcachon via les étangs de Carcans et de Lacanau

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531002259.r=dupain-triel?rk=107296;4 [34]

Canal des grandes landes

La construction de ce canal projeté, concédée à une compagnie par une ordonnance du roi de 1821, avait déjà été étudiée en 1781 par ordre de Dupré de St-Maur, intendant de la Guyenne : ce philanthrope éclairé voulait changer la face d’une contrée stérile noyée par des marais infects, et donner la vie a cette vaste plaine de landes qui se trouve entre Bordeaux et Bayonne. Pour parvenir à son but, en établissant un canal de navigation à travers ce désert, il reconnut qu’il ne pouvait réussir qu’en assujettissant préalablement les dunes mouvantes, situées le long de la côte, et que les vents refoulent sans cesse vers l’intérieur du pays ; il fit faire en conséquence des semis de diverses espèces qui réussirent assez bien.

En 1778, Charlevoix de Villers, ingénieur de la Marine arrive à la Teste comme ministre délégué de la marine et des finances. Il va se heurter par son indépendance et sa relation directe avec l’autorité, à toutes les instances locales, à commencer par l’intendant Boutin, et aussi les ingénieurs, et en particulier Clavaux.

Mais avec lui commence la grande épopée de la plantation des landes, car il a l’idée de techniques de semis et d’amélioration du drainage que reprendra à son compte Brémontier à qui revient ordinairement tout le bénéfice de la création du paysage landais actuel.

Concernant l’établissement d’un canal allant de Bordeaux à Bayonne : « Comment oser, d’ailleurs, entreprendre des ouvrages, qui doivent être durables, au pied de ces montagnes mobiles et ambulantes, continuellement déplacées par les vents ? Il faudrait commencer par en prévenir les inondations et en arrêter les progrès non seulement en les fixant, mais encore en retenant ou dans le sein de la mer, ou au moins sur ses bords, le sable que cet élément rejette et rejettera continuellement ; autrement, les vastes et profonds bassins sur lesquels on propose d’établir la navigation seront peut-être remplis avant un siècle.

Des villages ensevelis, plusieurs qui sont sur le point de l’être, des forêts de pins, dont on ne voit plus de vestiges, des lacs comblés aujourd’hui, la base de ces montagnes dont la cime est à plus de cent pieds au-dessus de leur superficie, font voir  assez tous les dangers de cette entreprise.

On pourrait, sans doute, arrêter les dunes ; on trouverait indubitablement des moyens qu’on se propose d’indiquer par un mémoire particulier sur la nature de ces sables. »

C’est ainsi, qu’en 1778, s’exprime M. Brémontier, alors sous ingénieur des ponts et chaussées, et depuis, en 1784, devenu ingénieur en chef de la Guienne.

Le mémoire par lui annoncé sur les moyens à employer pour la fixation et la fertilisation des dunes, porte la date du 25 avril 1780, époque à laquelle il le remet à l’administration.

Mais déjà dans la séance publique de l’Académie des sciences de Bordeaux, tenue le 25 août 1774, M. l’abbé Desbiey a lu un mémoire intitulé : « Recherches sur l’origine des sables de nos côtes, sur leurs funestes incursions vers l’intérieur des terres, et sur les moyens de les fixer ou du moins d’en arrêter les progrès. »

Deux ans après, ce mémoire remporte le prix proposé par l’académie de Bordeaux, à laquelle il a été envoyé sous le nom de Guillaume Desbiey, frère de l’abbé, ce dernier n’ayant le droit de concourir.

Cet écrit a du retentissement. Mais, comme tout ce qui se rattache à une découverte réelle ou contestable, la curiosité qu’il excite n’est pas exempte de jalousie.

Quelques personnes même, habituées à suivre les secrets calculs de l’amour-propre, osent présumer que l’envie d’après les faits consignés dans les archives de l’académie et reproduits dans un grand nombre d’ouvrages, n’est pas étrangère à la disparition du mémoire de l’abbé Desbiey. Ces faits sont ainsi rapportés :

« Une copie de ce travail, lu le 25 août 1774 à l’assemblée publique de l’académie, est remise au dépôt des mémoire entre les mains de M. de la Montagne, secrétaire perpétuel.

M. le marquis de Montausier, qui en a entendu la lecture, obtient l’agrément d’en prendre copie ; on lui confie le manuscrit, qui n’a jamais été remis, de l’aveu de M. de la Montagne.

À son retour M. L. Desbiey, cédant aux instances de M. Dupré de Saint-Maur, prête la seule copie qui lui reste de ce mémoire, pour le faire transcrire, dit M. Dupré de Saint-Maur, par M. Brémontier ; mais ni la copie ni l’original n’ont jamais été rendus. »

Cette perte, conséquence apparente d’un oubli, fait naître et laisse d’abord dans le doute la question de savoir à qui de Brémontier ou de l’abbé Desbiey, doit être attribuée la découverte revendiquée par le premier.

C’est là le sujet d’une controverse, entretenue par une de ces erreurs dont la vérité ne triomphe qu’à l’aide du temps et de l’évidence. Pendant plus de 90 ans, on n’a cessé de considérer Brémontier comme ayant eu le premier la pensée d’arrêter la marche envahissante des sables dans l’intérieur des terres par l’ensemencement et la plantation des dunes.

On lui attribue la découverte de ce moyen parce que, comme inspecteur général des ponts et chaussées et chargé en chef par le gouvernement de la direction des semis des dunes, il a obtenu des fonds pour se livrer à de nombreux essais et même pour ensemencer une superficie de plus de 2000 hectares. Dans le résumé de ces calculs et de ces études sur ce sujet, se trouve un vaste plan, suivi en partie jusqu’à ces temps derniers par le gouvernement, et d’après lequel, dans l’espace de quarante ans, moyennant 266 000 fr par an, on pourrait ensemencer 300 kilomètres carrés de dunes ou sables qui s’étendent depuis l’embouchure de la Gironde jusqu’à celle de l’Adour.

C’est donc Brémontier qui, par sa position, par l’influence de son talent et par ses travaux, a le plus contribué à faire comprendre au gouvernement la nécessité d’opposer une barrière à l’envahissement des sables de la mer.

Mais est-ce lui qui, le premier, a signalé comme une puissante digue, comme un infaillible moyen de résistance, l’ensemencement et la plantation des dunes ? Non, sans nul doute.

Il n’a fait qu’appliquer sur une grande échelle à l’aide des sommes mises à sa disposition par le gouvernement, une idée conçue par M. de Ruat. C’est, en effet, ce captal de Buch qui, au commencement du XVIIIe siècle, ayant fait jeter de la graine de pin maritime sur les dunes placées dans l’étendue de sa seigneurie, acquiert la certitude et prouve avec toute la force de l’évidence, par la réussite de ces semis, que les sables amoncelés sur les côtes sont susceptibles de culture et peuvent être immobilisées.

Telle est la vérité, qui prend la place d’une erreur longtemps accréditée en faveur de Brémontier ; et comme elle est à l’abri de toute attaque, on ne l’appuiera sur aucune autre citation.

On se borne à faire observer ici que lorsque Brémontier, après ses propres essais basés sur les expériences déjà faites par M. Alain de Ruat, en 1734, et continuées par de son fils, n’eut plus à craindre la marche envahissante des dunes, il reporta son attention sur la canalisation des Landes, ainsi qu’on en trouve la preuve dans un petit volume de notes écrites de sa main.

L’une de ces notes est conçue en ces termes : « Difficultés du canal des Landes : 1 – L’inégalité du terrain ; 2 – Le sable que l’on rencontrera ; 3 – Le défaut d’eau en été et sa trop grande abondance en hiver ; 4 – Les torrents qui rapporteront des sables et dégraderont les talus. »

Après avoir indiqué ces difficultés, Brémontier signale les moyens de les vaincre ou de les éviter. Et si le projet de M. Montausier sur l’ensemble de la canalisation des Landes n’a reçu aucun commencement d’exécution, il a au moins pour conséquence de livrer à l’étude celui de tous les canaux qui, d’après Brémontier, présente le moins d’obstacles à les vaincre et offre les avantages les plus certains en ayant pour but de relier Bayonne au bassin d’Arcachon.

Mais les grandes entreprises demeurent longtemps à l’état de projet. Il semble qu’avant d’être livrées à la main de l’homme, l’idée qui les a conçues a besoin de fermenter sous le poids des siècles ou au moins de plusieurs générations.

Le 20 mai 1786, Brémontier, revenu à Bordeaux, déclare dans son rapport sur le canal Pauillac-Dax : « on ne doute pas de l’utilité de ces canaux, mais l’on doit s’occuper en même temps de la fixation des dunes, on regarde même cette précaution comme indispensable absolument ».

https://shaapb.fr/wp-content/uploads/files/SHAA_089.pdf [35]

Les aménagements physiocratiques à Arcachon ont tous été un désastre financier. Ils ont pourtant démontré que les landes peuvent vraiment être améliorées et mises en valeur. Les affaires des marais salants ont montré que la lutte entre l’autorité royale et les concessionnaires a contribué à l’échec de l’entreprise. Conjuguée au manque de moyens, cette lutte a conduit à l’abdication de l’aménagement privé en faveur du pouvoir royal. C’est donc une victoire du centralisme étatique. La Révolution le reprend à son compte et exploite cette victoire. Du point de vue de l’ingénieur, les entreprises des landes sont un extraordinaire terrain d’expérimentation, où il est possible de jouer à la maîtrise du territoire, mais dans la pratique, l’ingénieur touche une réalité qui l’oblige à moduler ses réponses. Le concret souvent lui joue des tours.

L’incapacité de cette époque à expliquer les mouvements de la nature permet de comprendre les oppositions et les disparités des projets, ou les reculades devant des problèmes comme celui de la stabilité de l’entrée du Bassin d’Arcachon. L’ingénieur n’a-t-il pas pour mission d’appréhender la situation dans toute sa complexité ? Son chef-d’œuvre est un projet, où il doit composer avec l’universelle contrariété des formes, des matériaux, des éléments, et anticiper les effets des travaux à faire pour obtenir un résultat conforme au but recherché (26).

Au bassin d’Arcachon, la mission de l’ingénieur relève de l’impossible car, s’il connaît les moyens de drainer les terres, il est désarmé devant l’avancée des sables, il ne peut ni prévoir, ni anticiper pourquoi et comment ils se meuvent, pas plus qu’il ne comprend les variations des passes. On peut alors se demander si l’échec des expériences du Bassin d’Arcachon n’est pas aussi celui de l’intelligence technique. Fasciné par la maîtrise du territoire, le regard de l’ingénieur est troublé par la fiction du projet. Que doit-on penser de Clavaux qui, pour transcrire, sans doute métaphoriquement, le fait que les marais salants sont « ensemencés » en poissons durant l’hiver, les « emplit de sillons », figure réservée à la représentation des terres labourables ? La métaphore est osée, mais affirme la double affectation des parcelles. Et, nous aujourd’hui comment pouvons-nous déchiffrer le message sans le fausser ?

http://www.lecfc.fr/new/articles/148-article-8.pdf [3]

1779 – Côte d’Arcachon, Charlevoix-Villers – Bassin d’Arcachon, Cap ferret, ile matoc, chaplle, isle d, la Teste, Caseaux, Etang de Cazeaux, Gujan, le Teich, Lamothe, Mios, Sales, Lugos, Beliet, Belin, Monts, le Barp, lubec, Biganos, Audenge, Certes, canal, lanton, Andernos, le Porge, Route que doit tenir le Canal de Bayonne à Bordeaux

Carte de la côte d’Arcachon et des landes depuis la pointe de Grave et de Bordeaux jusqu’à Bayonne. Echelle de douze mille toises [=0m. 107 ; 1 : 230 000 env] Louis-Roger de Charlevoix-Villers, (17..-17..). [Signé : ]. le B[ar]on de Villers

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531002990.r=Charlevoix?rk=407727;2 [36]

[37]

D’après le projet de Dupré de St-Maur, ce canal des Grandes Landes a sa prise d’eau dans la Gironde, à Pauillac, et se dirige sur les étangs de Carcans et de La Canau, et sur le bassin d’Arcachon ; de là, il se porte, soit au S., en joignant les étangs de Cazau, de Biscarosse, d’Aureilhan, de St.-Julien et de Léon, en passant par Vieux-Boucau et en suivant l’ancien lit de l’Adour jusqu’au-dessous de Bayonne, prés de l’embouchure bouchure de ce fleuve ; soit au S. E., en remontant la Leyre jusque vers Luxey, et en longeant ensuite l’Estrigon jusqu’à son confluent avec la Midouze, un peu au-dessous de Mont-de-Marsan.

[38]

Bassin d’Arcachon, Cap ferret, ile matoc, chaplle, isle d, la Teste, Caseaux, Etang de Cazeaux, Gujan, le Teich, Lamothe, Mios, Sales, Lugos, Belietr, Belin, Monts, le Barp, lubec, Biganos, Audenge, Certes, canal, lanton, Andernos, le Porge, Route que doit tenir le Canal de Bayonne à Bordeaux

Suivant un nouveau projet, le canal des Grandes Landes a son point de partage vers le confluent des deux Leyres : une partie, formée des eaux dérivées de la Leyre de Luxey, se dirige vers le N., et descend dans la Garonne, à Bordeaux, après un développement de 26 lieues ; l’autre, alimentée par la Leyre de Pissos, va d’abord au N. O., puis au S., et se réunit à l’Adour, près de Saubusse, un peu au-dessous de Dax, après un trajet de 32 lieues. Ce canal a surtout pour but le transport des bois et de la résine qu’on peut retirer du pays qu’il doit traverser, et le défrichement des terrains susceptibles de quelque culture.

Dictionnaire géographie universel, Volume 8, J. de Waet, 1830

https://books.google.fr/books?id=a48PAAAAQAAJ&pg=PA458&lpg=PA458&dq=lannes+laine+landes&source=bl&ots=hO4mTUJU97&sig=ACfU3U1H7VOBeYg8NsCipOfLe5e7kTYdCA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwj8t_HW3P7nAhWRxoUKHU2LB3g4ChDoATAJegQIBRAB#v=snippet&q=canal&f=false [39]

1781 – Canal de Cazaux

En 1777, un certain Ferbaux présente le projet d’un canal Bordeaux-Bayonne que l’intendant Saint Maur refuse.

Dans le cadre de l’élaboration d’un projet visant à stabiliser les dunes littorales, un ingénieur de la marine, M. Charlevoix de Villiers, est envoyé à La Teste en 1778 pour réaliser une étude préalable, qui concerne également le creusement d’un canal reliant le bassin d’Arcachon à l’Adour. M. Charlevoix de Villiers conclut qu’il est inutile de creuser un canal avant que les dunes ne soient fixées. Le service des Ponts et Chaussées entreprend la fixation des dunes.

[40]

Plan d’une partie du canal de Guienne qui se joint au bassin d’Arcachon par l’étang de Cazeaux

à 7 Mille du bassin dans lequel sont compris le port et la ville de la Teste de Buch, partie du grand chemin de Bordeaux à la Teste et le village de Cazeaux, avec environ 300 toises de largeur des terreins situés sur les deux rives du canal qui doit servir d’égoût aux étangs et landes du sud du bassin jusqu’à la distance de 25 Mille ; protégé par les soins et sous les ordres de M. de Sartines, ministre et secrétaire d’État au départ[temen]t de la Marine et de Mr Necker, d[irect]eur g[énér]al des finances. Par M. le baron de Charlevoix Villers chev[ali]er de l’ordre royal et militaire de St Louis, mestre de camp d’infant[er]ie, ingén[ieu]r ord[inai]re du roy au Dép[artemen]t de la Marine, en chef [sic], chargé de la direction de toutes les opérations ; Sannois élève fecit,1781.

Orienté le nord à droite. Titre dans une grisaille, surmonté de la Renommée : « Au règne de Louis XVI, la Conquête des Landes. »

1 plan : ms. en coul. ; plusieurs morceaux assemblés ; h. 59 x l. 276 cm sur une feuille de h. 63,5 x l. 280 cm. Échelle en toises [1:7 000 env.].

Appartient au Portefeuille 56 du Service hydrographique de la marine consacré aux cartes de France et d’Espagne depuis l’embouchure de la Gironde jusqu’à Saint-Sébastien.

[41]

Ce Plan de la partie du canal de Guyenne qui se joint au bassin d’Arcachon par l’étang de Cazeaux

à 7 milles du bassin […] par le baron de Charlevoix Villers (fin XVIIIsiècle) reflète bien la vision globale qui est celle des aménageurs de cette période : boisement, construction de canaux et de routes, opérations urbanistiques (ici avec le projet de ville nouvelle de La Teste) conjuguent leurs contributions à la fluidification de l’espace et à la maîtrise d’un milieu à conquérir.

[42]

Neveu du père jésuite Pierre François-Xavier de Charlevoix 1682-1761, le baron Louis Roger Charlevoix de Villers, ingénieur ordinaire du Roi, colonel d’infanterie part en 1746 pour Saint-Domingue où il fait deux séjours et en revient ruiné pour s’être trop occupé des affaires de la colonie et pas assez de ses biens privés.

[43]

 

[44]

Ingénieur du génie maritime, il sert aussi aux cartes et plans de la Marine. En 1778, il est envoyé à La Teste-de-Buch pour étudier la faisabilité de creuser un canal reliant le Bassin d’Arcachon à l’Adour et à la Gironde pour des raisons militaires.

Pierre Clavaux, ingénieur géomètre des bâtiments civils à La Teste de Buch, est mis à la disposition du baron de Charlevoix-Villers ; son indépendance d’esprit et d’actions lui pose quelques problèmes professionnels. La vie privée de Pierre Clavaux au château de Certes (dont il est le seul occupant) et aux environs est assez confuse et nous ne l’évoquerons pas. Chacun a droit au respect de sa vie privée et certains faits qui lui sont reprochés donnent lieu à procès. Disons simplement qu’il est célibataire mais n’en demeure pas moins « un homme ». Ce qui est certain c’est qu’il a fait baptiser un fils, à La Teste-de-Buch le 21 novembre 1768, Jean, né « de mère inconnue ». Un « fils-père », ce n’est pas courant !

Charlevoix-Villers mène son enquête rondement. Il parcourt le pays à cheval et, de 1778 à 1781.

Le principal obstacle à ses projets lui parait résider dans la mobilité du paysage : le port envisagé ne pourrait voir le jour que si les sables sont fixés. Charlevoix-Villers finit par estimer que la stabilisation des dunes est possible si on les sème : pour ce faire, il propose, en partant du rivage, de retenir le sable par des « cléonages » (clayonnages, claies) et des fascines et de mélanger aux graines de pins des graines d’ajoncs et de genêts.

Au début, l’Intendant Dupré de Saint-Maur se dit favorable aux projets de l’Ingénieur. Dans une lettre à Necker en date du 26 février 1780, il déclare cependant qu’il ne voit pas l’utilité de faire un nouveau règlement afin d’encourager les défrichements de landes, comme le veut Charlevoix-Villers, en raison de l’existence de lettres patentes du 29 avril 1768 relatives à cet objet. En revanche, il approuve l’idée de concession des dunes et fait remarquer que celles-ci dépendent des seigneurs et des communautés, puisqu’elles sont en dehors de la ligne baignée par les marées. Charlevoix-Villers prévoit d’accorder quelques privilèges en vue de favoriser l’ensemencement, tout en fixant un terme après lequel les dunes entreraient dans le Domaine royal. Necker décide de laisser la législation des défrichements en l’état, et réserve la question de propriété des dunes.

Mais des difficultés ne tardent pas à surgir entre l’Intendant et l’Ingénieur. M. Dupré de Saint-Maur en vient à attribuer les opérations de Charlevoix-Villers, relatives au tracé d’un canal à La Teste, au désir de servir les intérêts de personnes à qui M. de Ruat a, quelques mois plus tôt, concédés les Prés Salés de La Teste. Les Prés Salés sont alors des terrains de nature marécageuse situés en bordure du Bassin et recouverts au moins par les grandes marées. Sous l’ancien Régime et au XIXe siècle, les habitants y prélèvent de l’engrais et y amènent paître leur bétail. La concession de ces terrains en vue de leur endiguement et leur mise en valeur est à l’origine d’un contentieux complexe qui oppose encore actuellement les détenteurs des Prés au Domaine.

L’incompatibilité d’humeur ne fait que s’aggraver et Charlevoix-Villers, d’abord prié de se renfermer dans les limites de sa commission, doit quitter La Teste en 1781 pour ne jamais y revenir ; il est évincé au profit de Brémontier.

Le rôle de M. de Villiers reste théorique. Après trois ans d’études, il a réalisé cinq mémoires (la Bibliothèque municipale de Bordeaux conserve ses cinq rapports [MS 828, XL III] ; on y trouve la description détaillée des divers projets du baron : port de guerre, canal, amélioration des passes et « établissement » des landes.)

Concernant le canal de Caseaux à la Teste et Bordeaux selon M. le baron de Villers, il trouve un approvisionnement d’eau dans celle que le terrain fournit, ou dans les eaux naturelles de la superficie. Partant, il fonde le succès de son entreprise sur la ressource des eaux sauvages qui sont la ruine des canaux, et qu’on doit toujours en éloigner avec le plus grand soin.

Les Landes en 1826: ou, Esquisse d’un plan général d’amélioration des Landes de Bordeaux à joindre au projet de canal, J.B.B., 1826.

https://books.google.fr/books?hl=fr&id=3hEDAAAAYAAJ&q=thivent#v=snippet&q=thivent&f=false [12]

Mémoires du baron Charlevoix de Villiers. Observations, notes, devis, relatifs à l’établissement d’un port dans le bassin d’Arcachon, l’ensemencement des îles de La Teste, la fixation des dunes de sables, s.d.

Le premier mémoire, de 1778, est un abrégé de l’historique des landes et l’exposé des travaux préliminaires. Il a pour titre : « Prospectus du résultat des différentes observations faites relativement au port d’Arcachon. »

— De la fixation des dunes de sables et de la passe du bassin d’Arcachon, des établissements relatifs au port, au commerce, à la culture des landes et à l’administration.

Le second, rédigé la même année, est le « Résumé d’observations sur la commission de S. M. décernée à M. le baron de Villers pour l’examen du projet de former un port au bassin de la Teste-de-Buch, sur la côte d’Arcachon, propre à recevoir les escadres du Roi, d’ouvrir un canal de ce bassin à Bordeaux, à l’usage Ide la marine royale et du commerce de cette ville. » Il est plus étendu, plus complet que le premier.

En 1778, M. Guillaume de Lorthe (ou Lhorte, ou de L’Horte), négociant à Bordeaux, dans le mémoire qu’il remet au Ministre, annonce la certitude de parvenir à former un port dans le havre d’Arcachon en état de recevoir la flotte, créer un port à La Teste, et creuser un canal en droiture à travers les sables à Bordeaux pour rendre les navires en sûreté dans ce dernier port. Il offre de le faire à ses dépens à des conditions qu’il propose et même à fournir caution.

Ce projet déjà imaginé depuis longtemps a essuyé des contradictions. Des personnes éclairées ont donné des rapports très désavantageux ; on annonce l’ouvrage comme impossible, ou du moins comme devant rencontrer les plus grandes difficultés ; seul M. de Kearney a fait un rapport favorable. Rejeté sur les observations de l’ingénieur de Voglic comme étant impraticable, il est admis à l’étude par Necker, sur la déclaration que fait son auteur de prendre à ses propres frais les dépenses d’un plan de nivellement, sondage des terrains et devis estimatif qui serait exécuté par le baron de Villers, ingénieur militaire, sous les yeux de commissaires du Roi nommés à cet effet.

Le projet “Lorthe” est autorisé par Louis XVI mais abandonné faute d’argent.

Le troisième, écrit en 1779, est intitulé : « Prospectus du projet général d’un port au bassin d’Arcachon, d’un canal de ce bassin à Bordeaux, d’un autre de la rivière de Ladour vers Baïonne et de l’établissement de toutes les Landes. »

Le quatrième, écrit aussi en 1779, est tout spécial. Il a pour objet : « Le port d’Arcachon et particulièrement son entrée. »

Le cinquième et dernier date de 1781. Il renferme le « Résumé du devis des travaux du port d’Arcachon, et d’une portion du canal de Guienne, des égouts et chemins. »

Ces mémoires, soigneusement étudiés jusque dans les détails, témoignent d’une connaissance approfondie des lieux. Le troisième, le plus intéressant pour nous, bien que les autres aient plusieurs parties communes avec lui, expose la méthode de fixation des dunes. Cette fixation est le premier travail qui s’impose et elle est réalisable : « Pour venir à bout de creuser des canaux, dit Villiers, (…) il faut avant tout retenir les sables des dunes qui seules peuvent entraver la marche des travaux ; pour cela faire, il faut les fixer par l’ensemencement du pin, et, pour que cet ensemencement soit possible, il suffit de retenir la graine d’une façon quelconque. » Et ailleurs (2Mémoire) : « Mais il est un besoin plus urgent et d’un avantage infini, c’est de fixer les dunes… »

Voici comment Villiers propose d’y arriver : « La première [difficulté majeure à la formation d’un port] est la source du mal qu’il faut arrêter dans son principe, le seul moyen (et il est sûr) c’est de fixer les dunes de sable par une complantation générale qui garantisse également de la submersion totale le Bassin, les Passes, les Islets, tous les villages et terres cultivées le long de ces dunes depuis la pointe de Grave jusqu’à Baïonne. (…) Depuis vingt ans l’invasion des sables augmente prodigieusement. (…) Depuis la pointe de Grave jusqu’à Baïonne, il existe sur les dunes plusieurs forêts que les sables couvrent tous les jours, ce qui prouve la nécessité urgente de les arrêter en même temps que la possibilité en est démontrée, puisqu’il en subsiste près de 40 mille journaux encore parfaitement boisés, ces dunes de sables couvertes de bois sont devenues fermes et liées par les racines de différentes espèces d’arbres ou arbustes qui y ont été semés et qui les ont parfaitement consolidées. » Cet exemple doit donc prouver suffisamment la possibilité et la facilité de l’ensemencement proposé.

« Pour l’exécuter il n’est question que de commencer l’ouvrage du côté de la mer, à l’endroit même où les hautes marées ne montent pas, c’est là la source fatale de ces sables, et continuer successivement en venant du côté des terrains habités. On peut avec succès pour arrêter les sables dans les portions complantées, les espacer par de légers cléonages ou fascinages qui empêcheroient ces sables de passer ces cléonages et de s’accumuler ou de trop couvrir les ensemencements, y jeter de la graine de pins à distance égale, du gland de loin en loin et beaucoup de graines de différents arbustes et herbes rampantes dont l’élévation et le fourré serviroient à opposer un rempart à la course du sable qui, sur ces bords, est on ne peut plus fin et par conséquent léger ; les graines d’agions appelés dans le païs vulgairement jogues, celles du genêt, celle du gourbet, espèce de jong qui se plaît infiniment dans le sable et surtout celles du gruau paroissent les plus propres à remplir cet objet. Cette dernière a un avantage sur toutes les autres, c’est que fleurissant deux fois l’année, et donnant conséquemment sa graine autant de fois, elle se reproduit d’elle-même et ne s’élevant pas au-dessus d’un pied, s’étend et forme un abri assez étendu pour que le vent ne puisse pas prendre le sable sur son sol ; rien de plus aisé que de s’en procurer puisque c’est avec le secours de cette graine qu’on est parvenu à Dunkerque à donner des bornes aux sables de cette côte. »

Villiers traite de l’hostilité des populations locales vis-à-vis de tout projet d’ensemencement, ce qui leur empêcherait de faire pâturer le bétail : « Il faut… [aux habitants] leur interdire le pacage dans les dunes et terres ensemencées tout le temps nécessaire pour en assurer le succès qui sera fixé au moins à 15 ans… leur deffendre surtout et à tous résiniers de lâcher des cochons dans les forêts (les sangliers qui peuplent beaucoup faisant déjà assez de dégâts) ainsi que des chèvres, ce qui est trop contraire à la reproduction des jeunes pins et des chênes. » (3e mémoire, 2e division, article 1er).

Il conclut en proposant de faire quelques essais pendant deux ans, au cas où l’Administration douterait de l’excellence des moyens indiqués et « d’ordonner préalablement à tout, et sans aucun délai, cet ensemencement général des dunes. » Il ajoute que l’État pourra retirer plus tard 4 à 5 millions de revenu des forêts ainsi constituées.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531427271.r=canal%20gironde?rk=21459;2 [45]

https://books.google.fr/books?id=a48PAAAAQAAJ&pg=PA458&lpg=PA458&dq=lannes+laine+landes&source=bl&ots=hO4mTUJU97&sig=ACfU3U1H7VOBeYg8NsCipOfLe5e7kTYdCA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwj8t_HW3P7nAhWRxoUKHU2LB3g4ChDoATAJegQIBRAB#v=onepage&q=%20landes&f=false [46]

http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/ark:/61561/ka455wspsue [47]

https://francearchives.fr/fr/facomponent/ca59ea9e49408d1a3b9cfbfc797b1dfd98354fd1 [48]

https://data.bnf.fr/fr/15303578/louis-roger_de_charlevoix-villers/ [49]

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fixation_des_dunes_en_Aquitaine#Le_baron_Charlevoix_de_Villiers [50]

https://bassindarcachon.com/histoire_locale.aspx?id=115 [51]

https://shaapb.fr/wp-content/uploads/files/SHAA_034_opt.pdf [52]

https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89tude_sur_la_c%C3%B4te_et_les_dunes_du_M%C3%A9doc/I [53]

1700 à 1799 – Canaux faits et à faire en France, Gauthey – Canal reliant Bordeaux au Bassin

[54]

Carte des montagnes, des rivières et des canaux faits et à faire en France

par Emiland-Marie Gauthey, le réalisateur du Canal du Centre, né à Chalon-sur-Saône le 3 décembre 1732. Après le collège des Jésuites à Chalon, il part à Paris étudier l’architecture à l’atelier de Dumont, prix de Rome 1737, spécialiste des voûtes, puis il entre à l’école des Ponts et Chaussées en 1757. À sa sortie, il est nommé sous-ingénieur des États de Bourgogne, en résidence à Chalon.

[55]

Canal tracé en ligne droite entre Bordeaux et le Bassin d’Arcachon

Émiland Gauthey est aussi à l’origine de nombreux ouvrages en Saône-et-Loire (l’ingénieur en chef, Thomas Dumorey, chalonnais également, signe plusieurs projets de Gauthey).

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8439389g.r=gauthey?rk=21459;2

https://gw.geneanet.org/leclercj?lang=fr&pz=constance+heloise&nz=le+clerc&p=emiland+marie&n=gauthey [56]

1782 – Rivieres et Canaux, Pourcher – Tracé du canal de Bordeaux au Bassin

[57]
[58]

Carte des chaînes de montagnes de la France, de ses principales Rivieres et des principaux Canaux de Navigation

faits, ou à faire, dans ce Royaume ; présentée au Roi par les Elus Généraux des Etats de Bourgogne le 8 septembre 1782.

Echelle de Cent Mille Toises [=0m. 075 ; 1 : 2 600 000 ] ;

[59]

Dressée sous la Direction de M. Émiland-Marie Gauthey, (1732-1806). Directeur Général des Canaux de la Bourgogne, par François Pourcher (17..-1786), son Neveu, Inspecteur du Canal du Charolois, L. Monnier, (17..-18..).

[60] [61]

 

 

François Pourcher, comme Jean-Louis Dupain-Triel, dessine un curieux Bassin !

Afin de nous retrouver dans les méandres de la généalogie, il est utile de préciser les liens familiaux qui unissent François Pourcher à Émiland-Marie Gauthey, (1732-1806), tous deux descendants d’Émiland Lafouge :

Émiland Lafouge né le 5 avril 1673 – Chagny, Saône-et-Loire, décédé le 27 mars 1739 – Toulon-Sur-Arroux, Saône-et-Loire, Avocat au Parlement et receveur au grenier à sel de Toulon-sur-Arroux

1 – Première union avec ? ? dont :

Jean Baptiste Lafouge marié avec Reine Philiberte Hernoux ca 1688-1750 dont :

Jeanne Marie Lafouge 1726- mariée le 21 août 1752, Mellecey, Saône-et-Loire, avec Philibert Pourcher †/1784 (Parents : Jean Pourcher &  Marguerite Gauthey) dont :

2 – Émiland Lafouge se remarie le 24 novembre 1699, La Rochepot, Côte-D’Or, avec Louise Virly ca 1674-1706 dont :

Louise Lafouge 1700-1782 mariée le 3 février 1728, La Rochepot, Côte-D’Or, avec Pierre Gauthey ca 1700-1749 (Parents : Philibert Gauthey ca 1670-1733 &  Catherine Gabeure)  dont :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8492455h.r=Royaume?rk=42918;4 [62]

https://gw.geneanet.org/leclercj?lang=fr&pz=constance+heloise&nz=le+clerc&p=francois&n=pourcher [63]

En 1782, on reparle encore du canal avec le projet Chevalier-Duplessis, directeur des travaux de Salins de Cette : il reprend le projet de Lhorte, mais il est, là encore, refusé par Saint Maur car les priorités ont changé : ce sont les dunes qui retiennent l’attention.

À tel point que l’intendant de l’époque se gausse en “l’invitant à mieux étudier les mathématiques avant de se lancer dans des creusements de canaux”.

https://shaapb.fr/wp-content/uploads/files/SHAA_089.pdf [35]

1793 & 1802 – Canaux projettés, Brullée –– Cap Feret, Bassin d’Arrachon

[64]

Navigation générale de la France, carte géographique des Rivières et des Canaux projettés

à l’effet d’établir une navigation correspondante dans toute l’étendue de la République jusqu’aux Mers et Etats qui l’environnent. Présentée au Général Bonaparte Premier Consul de France, par Jean-Pierre Brullée, (1733-1814). Cartographe, Ingénieur ; Gravé par Perrier ; Écrit par Miller

[65]

Déposé à la Bibliothèque N. le 19 Frimaire An II. Cette carte se vend…à Paris chez l’auteur Rue du Paon, Hotel de Tours, Division du Théâtre Français. Gravé Par Perrier, écrit par Miller.

[66]

Cap Feret, Bassin d’Arrachon

Pour alimenter Paris en eau et répondre aux besoins de la navigation, l’ingénieur Jean-Pierre Brullée reprend l’étude de Riquet et met sur pied le tracé définitif de l’ensemble des trois canaux : Ourcq, Saint-Denis et Saint-Martin. Nous lui devons cette carte qui vise à faciliter la navigation dans toute la France. Il y expose son invention et le moyen de remplacer les écluses : “Par le nouveau méchanisme de l’invention de l’auteur, on peut établir des Canaux avec peu de dépenses, dans les lieux où il y avait impossibilité jusqu’à ce jour, sans porter aucun préjudice aux usines placées sur les rivières”.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531005619 [67]

http://216.117.166.233/map_zoomFR.htm?zoomifyImagePath=http://216.117.166.233/os/zoom2/63107/ [68]

 

         Jean-Pierre Brullée est Ingénieur des Ponts et Chaussées. Constructeur de ponts et de canaux. Chargé de l’entreprise générale de la charpente des prisons et hôpitaux de Paris

À propos de Brullée, voir

https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1980_num_27_3_1103 [69]

1790 – De Pauillac à l’Adour, par les étangs du littoral, Brémontier & Jarri

Saint-Maur, après le départ de de Villers, demande et obtient, en 1784, que Brémontier revienne dans sa généralité en qualité d’ingénieur en chef. Il lui remet aussitôt les mémoires de Villers et lui procure même celui de Desbiey, en le chargeant de reprendre, en son nom, les travaux de ses devanciers.

Homme actif d’ailleurs, ayant du savoir et du talent, Brémontier se met aussitôt en relations avec les populations qu’il s’efforce d’éblouir par ses promesses d’avenir et les rend favorables à ses projets.

Jusqu’en 1786, il passe son temps à étudier les dunes et à préparer les voies et moyens de ses travaux. En 1786, il rédige un premier mémoire, qui sera publié en thermidor an V, et dans lequel il traite de l’ouverture d’un canal principal de Pauillac à l’Adour en passant par les étangs, avec canaux secondaires.

Dans ce rapport, il dit qu’il y a à prendre une précaution préalable, c’est de fixer les dunes, de lever des plans, faire des nivellements, des sondages, etc., travaux qui, suivant lui, n’ont jamais été faits. « On n’a émis, dit-il, que des assertions hàsardées et des notions vagues sur ces points essentiels. » Il oublie l’opinion qu’il a émise en 1776 sur le projet de canalisation du comte de Montauzier ; il oublie pareillement ou feint d’ignorer les travaux de Villers. Il a cependant sous les yeux les mémoires du grand ingénieur et vit presque dans l’intimité avec tous ceux qui l’ont connu.

Brémontier a un grand mérite, c’est d’avoir foi dans l’oeuvre entreprise et de ne pas se décourager en présence de difficultés qui sont très réelles.

En 1790, un projet sérieusement étudié est soumis à l’appréciation de Brémontier, ingénieur en chef à Bordeaux. L’ingénieur Jarri, auteur de ce projet, propose d’établir entre la Gironde et l’Adour une voie navigable qui, « partant de Pauillac, suivrait la jalle de Saint-Estèphe, le ruisseau de Lesparre, les étangs de Carcans, de Hourtins, de la Canau, du Porge, le bassin d’Arcachon, puis les étangs de Cazeaux, de Parentis, de Mimizan, pour rejoindre ensuite l’Adour un peu au dessous de Dax par le village d’Herm et le ruisseau de Perrière. La dépense totale est évaluée à 7 millions de livres. »

Brémontier, qui ne croit pas plus à la possibilité de fixer les dunes mouvantes qu’à celle de creuser des canaux dans les Landes, combat tous ces projets ; il résume son opinion sur ce projet dans les paroles suivantes : « L’ouverture du canal ne serait essentiellement utile que dans le cas où les dunes seraient absolument fixées, et les bois de pin en bon rapport. »

Ce projet n’est que la suite d’un aperçu trop superficiel et d’un manque d’études suffisantes des localités ; effectivement les étangs du littoral sont tous placés à des hauteurs différentes corrélativement à la mer et aux deux fleuves qu’on veut unir par leur intermédiaire. L’un deux, celui de Cazeau, quoique très rapproché du bassin d’Arcachon, a ses eaux à plus de 20 mètres au-dessus de la la basse mer dans ce bassin ; on est donc obligé de multiplier les biefs de partage afin de satisfaire à la disposition des pentes et contre-pentes entre ces étangs, et, quoique sur des plaines unies en apparence à cause de leur immense étendue, on est conduit à construire à peu près autant d’écluses que suivant une direction placée dans des terrains plus élevés.

Mais voici la raison la plus décisive de renoncer, au moins pour longtemps encore, à ce projet. C’est d’abord qu’assujettis à traverser ces grands étangs, qui sont de petites mers, les bateaux d’intérieur ne peuvent sans danger de submersion s’exposer aux rafales que les vents régnants y portent, et aux houles violentes qui en sont la suite ; et puis c’est qu’établi au pied et entre des dunes qui ne seront fixées qu’à une époque qu’on ne peut assigner, le canal sera de temps à autre encombré par les sables que les vents impétueux de l’ouest, qui soufflent sur toute cette côte pendant la plus grande partie de l’année, y apportent.

Cet effet se manifeste trop souvent sur les chenaux par lesquels les étangs dégorgent à la mer ; les eaux des Landes s’accumulant et s’entreposant pour ainsi dire dans ces grands réservoirs en augmentent promptement la hauteur, et par suite la surface, quand l’écoulement est interrompu par la cause que nous venons de dire. On peut en juger par les restes d’une forêt de chênes très beaux que la submersion a fait périr il y a quelques années près de la commune de Saint-Paul-en-Born, à peu de distance de l’étang d’Aureilhan ; à la suite d’une tempête, une dune mobile a envahi le chenal et intercepté l’écoulement ; la forêt fut instantanément transformée en un lac où tous les arbres périrent. On peut juger de ce qui arriverait à un canal de navigation établi dans une situation semblable.

Ainsi tout canal littoral aussi à proximité du pied des dunes ne peut être exécuté sûrement que lorsque ces dunes auront été bien fixées, et, de plus, il faut qu’il soit ouvert sur des dimensions propres à recevoir des embarcations capables de tenir la mer, obligées qu’elles seraient de naviguer sur les étangs, sur le bassin d’Arcachon et sur les parties de la Gironde et de l’Adour où tout bateau ordinaire d’intérieur à cause de ses formes serait exposé inévitablement à sombrer au premier souffle de vent un peu violent.

 

Bulletin de la Société de géographie commerciale de Bordeaux, 18 mai 1896

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5573393r/f19.item.r=canal%20pauillac%20adour [70]

Bulletin de la Société de géographie commerciale de Bordeaux, 1879

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5567343t/f308.item.r=herm%20pauillac%20jarri%20canal%20adour/f308n2.texteBrut [71]

Des travaux à faire pour l’assainissement et la culture des landes de Gascogne et des canaux de jonction de l’Adour à la Garonne / Claude Deschamps, (1765-1843). Date d’édition : 1832

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9689761c/f21.image.r=saint-magne?rk=7403470;0 [72]

1792 – Canal du bassin d’Arcachon à Bordeaux par Lesparre, Lobgeois père

En 1792, Lobgeois père (probablement Alphonse) présente un projet situé dans l’arrondissement alors désigné sous le nom de district de Lesparre : il ouvre un canal de navigation dont le résultat est l’établissement d’une communication directe, par eau, depuis le bassin d’Arcachon jusqu’à Bordeaux.

« L’étang de Hourtins communiquant avec celui de Lacanau, et ce dernier avec les ruisseaux du Porge, dont les eaux se rendent au bassin d’Arcachon, le canal partant de ce premier point, traverse la lande, passe à Lesparre, et l’eau de là, par les marais de ce nom, puis ceux du port d’Hollande, joint l’écluse de Goulée, par laquelle les eaux du pays s’écoulent dans la Gironde. »

En 1599, Henri IV accorde un privilège à Humphrey Bradley, ingénieur brabançon, pour l’assèchement des lacs et marais de France. Une étude des traités techniques néerlandais et français, mais aussi des pratiques héritées, montre que la France souffrait plus d’une lacune en matière d’organisation, politique et économique, qu’en matière technique. De fait, les assèchements réalisés par Humphrey Bradley puis ses successeurs reposent sur la mise en place de véritables entreprises ayant pour but d’exploiter le privilège de 1599. Deux périodes se distinguent. Entre 1599 et 1639, les investisseurs sont des capitalistes flamands, d’une part, et des membres de l’aristocratie, d’autre part. À partir des années 1640, les assèchements sont financés par des marchands banquiers néerlandais et allemands très liés à Richelieu puis à Mazarin. De fait, au cours de la période, la monarchie n’a cessé de soutenir les dessiccateurs. Par ailleurs, les assèchements ont nécessité la mise au point de pratique de gestion palliant l’absentéisme des principaux investisseurs. En mêlant aspects agricoles, fonciers et financiers, ces opérations ont été très rentables. Partout, les assèchements ont participé à l’affirmation de l’individualisme agraire. Sur les neuf sites étudiés, seuls deux sont actuellement retournés sous les eaux (Capestang et Sacy-le-Grand) et un seul a été urbanisé (Bordeaux), tous les autres (Lesparre-Médoc, le marais Vernier, les marais de Rochefort, l’ancien lac de Sarliève, le Petit Poitou, les marais d’Arles) sont restés asséchés malgré d’inévitables aléas. Dans la mesure où ces assèchements ont touché des espaces de grandes dimensions et où leurs conséquences sur les milieux naturels sont encore frappantes aujourd’hui, ils constituent de véritables mutations environnementales et une étape marquante dans l’histoire de l’aménagement des littoraux français.

Le cordon dunaire oblige les eaux à s’écouler parallèlement à la côte. La ligne de partage des eaux se situe entre le Palus de Molua et le marais de Roussignan. Jusqu’aux marais de Lespau et de Roussignan, les eaux s’écoulent vers la Gironde. Les eaux des Palus de Molua s’écoulent vers l’étang d’Hourtin.

Des marais de Roussignan vers l’estuaire, la chaîne fluviomarine se décompose en deux tronçons. Le premier s’étend sur substrats argileux et sur sols tourbeux, du sud des marais de la Perge jusqu’après les marais du Gua. Les systèmes humides, de part et d’autre du Gua et du Deyre, subissent l’influence du marnage de la Gironde. Ce secteur ne dépasse pas l’altitude de 2 à 3 m, et présente une topographie très plane.

Les chenaux, et une multitude de petits canaux et fossés, drainent les palus et les mattes avant de se déverser dans l’estuaire. Ils sont équipés à leurs extrémités d’ouvrages de régulation, permettant l’écoulement naturel des eaux à marée basse, et la régulation de la remontée d’eau salée.

Le second tronçon s’étend au sud du Cap de Prat (marais du Labiney, Mourey, Lespau et Roussignan). L’alimentation en eau est liée à l’affleurement de la nappe ainsi qu’aux apports des nappes sous dunaires. Cette zone est caractérisée par une série de cuvettes d’altitude plus élevée (de 3 à 15 m).

Entre ces deux tronçons, les marais de Roussignan servent de zone d’interfluve, avec une altitude de 16 m.

Au sud, au niveau des palus de Molua, les systèmes humides appartiennent à la chaîne des étangs médocains, et sont directement liés au régime hydrostatique du lac d’Hourtin.

Conçu d’abord par la Compagnie Nézer et reproduit par Lobgeois, il suit le littoral en liant entre eux les étangs placés au revers des dunes. Ces étangs sont situés à des niveaux différents et séparés par des chenaux, qui obligent à descendre et remonter successivement la ligne de navigation en formant plusieurs points de partage, à moins qu’on ne rentre dans l’intérieur des terres pour contourner les vallons. Ses inconvénients consistent dans la difficulté de traverser ou contourner les étangs, dans le voisinage menaçant des dunes, dans la multiplicité des écluses, si l’on admet plusieurs points de partage ; dans les obstacles à la navigation des bateaux au bas de la Gironde ; dans la distance à laquelle l’embouchure se trouve de Bordeaux ; enfin, et surtout dans l’influence presque nulle qu’exerce cette navigation sur l’état des Landes aujourd’hui incultes.

L’assèchement des marais en France au XVIIe siècle, Raphaël Morera, 2011 Martial Monteil, 2012.

https://www.caue-nord.com/de/portail/41/mediatheque/21400/l-assechement-des-marais-en-france-au-xviie-siecle.html [73]

Marais de l’arrière littoral du Nord-Médoc

https://inpn.mnhn.fr/docs/ZNIEFF/znieffpdf/720001973.pdf [74]

Les Landes en 1826, ou, Esquisse d’un plan général d’amélioration des Landes de Bordeaux à joindre au projet de canal, J.B.B., 1826.

https://books.google.fr/books?hl=fr&id=3hEDAAAAYAAJ&q=thivent#v=snippet&q=thivent&f=false [12]

1802 – Canal entre Mont-de-Marsan et le bassin d’Arcachon, Projet Lobgeois

Les deux Lobgeois, dont Pascal. L. A. Officier du Génie à Bordeaux, conçoivent deux vastes projets, en l’an II et en l’an X, bien étudiés : canal des Étangs de Lesparre à l’Adour et grand canal entre l’Adour et la Loire.

Le canal entre Mont-de-Marsan et le Bassin d’Arcachon est alimenté, en premier lieu, par la Leyre, qui se rend dans ce bassin au-dessous du passage de Lamothe (route de Bordeaux à la Teste) et qui remonte la lande, l’espace de 40 kilomètres, jusques vers la commune de Lutglon, après avoir arrosé celles de Mios, Salles, Beliet, Belin, Biganon, Moustey, Richet, Pissos, Commensac, et Sabres ; en second lieu depuis Lutglon en tirant vers le S. E., par d’autres sources très abondantes, qui, se portant au sud, traversent Garein, Geloux, St-Martin, et Campet, parcourent une étendue d’environ 20 kilomètres, et vont grossir la Douze, à 8 kilomètres au-dessous du Mont-de-Marsan.

Profitant du volume des eaux qui proviennent des étangs de Sanguinet, Biscarrosse, Parentis, et Aureilhan, on peut établir, à Memisan, un port marchand très-propice, tant pour l’exportation des denrées ou productions du pays, que pour l’importation de celles qui manquent à ses besoins, et en même tems pour la sûreté du commerce maritime, en paix comme en guerre, puisque ce port offre un asyle assuré sur cette côte, où il n’en existe d’autre que celui de la Teste, dont l’entrée, peu connue, n’est pas même exempte de difficultés.

1802 – Canal du bassin d’Arcachon à Bordeaux, Lobgeois

Le poisson, les huîtres, et autres coquillages, arrivent journellement, de la Teste à Bordeaux, par chevaux ou charrettes ; la charge de chaque cheval revient à 15 fr, la charrette autant, prix excessif, qui influe singulièrement sur celui de la denrée. Des bateaux légers, construits exprès, pourraient faire ces transports à moins de frais et plus promptement, mais cela dépend de la route du canal depuis la Teste à Bordeaux.

Mémoire sur la possibilité d’établir un grand canal de navigation entre la rivière de l’Adour et celle de la Loire, à travers les départemens des Landes, de la Gironde, de la Charente-Inférieure, des Deux-Sèvres, de Maine-et-Loire, etc. Par P. L. A. Lobgeois,…

Éditeur  :  Dubois et Coudert (Bordeaux)

Date d’édition :  1801-1802

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6211395s [75]

1803 – Canal « Brémontier » d’Hourtin à la mer

Brémontier propose pour les grands massifs de dunes, comme ceux d’Hourtin et du Flamand, de réserver des allées larges de 20 ou 50 m, perpendiculaires à la côte, non boisées, mais garnies seulement d’herbes ou d’arbustes, ces allées servant de balises pour la navigation, grâce à leur couleur et à leur aspect bien différenciés de ceux des bois environnants. Elles auraient aussi joué le rôle de « préservatifs d’incendie » ; elles auraient été ce que sont nos garde-feu actuels. Il ne parait pas que cette excellente idée ait été réalisée autrement que plus tard, par l’ouverture des premiers garde-feu, en 1839, dans les dunes de l’État (forêt de La Teste).

Un autre projet du célèbre ingénieur reçoit un commencement d’exécution.

[76]

Il consiste à rétablir les anciens boucauts qui déversaient à la mer les eaux des étangs. Brémontier pense, une fois les dunes ensemencées, laisser, au lieu de Malignac, entre les massifs d’arbres et d’arbustes dont on aurait couvert les monticules, une allée nue de 120 toises (240 m) de largeur, dirigée de l’étang à la mer, que les vents creuseront jusqu’à la mettre au niveau des étangs : les sables de cette gorge factice, abandonnés à la fureur des vents, seront balayés par eux (on facilite l’action du vent en ameublissant le sable par des piochages) ; un vallon s’ouvrira dans la direction donnée, et lorsqu’en s’approfondissant chaque jour il sera au niveau de l’étang, les eaux, se faisant aisément jour à travers un sol aussi mobile, se porteront d’elles-mêmes à la mer en raison de leur masse et de leur pente.

L’idée est originale, sinon très pratique.

Il doit y avoir deux de ces chenaux, un pour le lac d’Hourtin, un pour le lac de Lacanau. Celui d’Hourtin reçoit un commencement d’exécution.

En 1803, de jeunes Basques sont appelés pour commencer ces travaux ; un bateau destiné au transport des matériaux est construit à Cartignac et mis à l’eau.

Une allée est tracée pour l’étang d’Hourtin, mais elle se perd dans la suite et on ne la rétablit point. Elle va de l’est à l’ouest, et prend à la lède de Malignac, au droit de Sainte-Hélène, « au sud d’une petite anse où se voient des restes d’une ancienne forêt de pins », d’après le rapport de Saint-Genis, ingénieur de Libourne, du 4 fructidor an XI (22 août 1803), donc entre la pointe des Gartious et la pointe de Bombannes.

Le tracé de Brémontier n’est donc pas sur l’emplacement de l’ancien boucaut d’Hourtin, qu’il laisse bien au nord à Balbise.

Dès le commencement des travaux, on établit sur divers points des dunes des cabanes ou baraques en planches, couvertes en brandes ou en chaume de gourbet, pour abriter les ouvriers et les surveillants et gardes. Il y en a au Flamand, à Malignac et sur la côte d’Hourtin. Les archives de la Conservation des Forêts de Bordeaux renferment, à propos de cette dernière, un document intéressant datant de 1806. C’est un croquis en couleurs, fort grossier du reste, des dunes et de l’étang d’Hourtin, joint à une lettre qu’adresse le chef ou conducteur d’atelier d’Hourtin, Coutures, à la Commission des dunes ; la légende explicative, annexée à la lettre permet d’imaginer l’état des lieux :

  1. L’étang de Hourtin, que 1 on estime de 3 lieux de long et de cinq quarts de lieu de large ; on tâche de figurer par des points tout le Long de la coste du Levant, la multitude du pieux de pêcherie, la plus grande partie sous l’eau, dont toute cette coste est hérissée.
  2. Pallus vrayement méotites effrayantes dans leur apperçu recherché ; on a désigné la multitude de ravinnes qui les forment par le chiffre 2, la plus grande partie de ces pallus ne sont qu’une espèce de terre flotante couverte de rozeaux ; on y trouve des lacs et des chenaux sans fonds solides.
  3. Restes de forets antiques, de pins à raisinés, appelles Monts, que les sables couvrent tous les jours. Celuy du nord est le mont de hourtin, Et celuy du midy est le mont de Carcans.
  4. Dunnes de sables peintes en jaune, qui avancent avec impétuausité vers le levant.
  5. Espaces de plainnes appellées leddes, qui ce multiplient et s’étendent à l’infini en allant vers le nord.
  6. Mont de Cawbens, acheté pour le compte de l’attelier des semis.
  7. Petite portion de reste du mont appel1é de Malignac.
  8. Port de l’attelier appellé loucroot daux guits, où l’on voit le grappin du grand battau, et le battau trainant le morceau de son cable cassé, échoué la hanche sur le sable vers le sud, ou il a esté encombré et la position du couralin amarré sur le sable, ou il a disparu.
  9. Cabanne des semis, située à 150 toises du rivage de la mer, Et à cinq quarts de lieu de l’étang.
  10. Portion de mont appellé des Aubes, ayant un fossé pour son service qui traverse directement la palu : au pied duquel mont ce trouve une source d’eau ferrugineuse qui mériterait d’être observée.
  11. L’étang de la Cannau situé à environ 2 lieux de celuy de hourtin.
  12. Cordon appellé Gawle, représentant la séparation surprenante que la nature a établi, entre les eaux et les sables, qui ce disputent l’invasion du terrain.
  13. Multitudes de ravines, ou courant d’Eau, apparent qui en sont séparés les uns des autres que par des terres flotantes.
  14. Route de cinq quarts de lieux, du port du chenal au port, de la Cabanne.
  15. Routte du port à la Cabanne, de cinq quarts de lieu au travers des dunes.
  16. Routte du port de Cartignac au port des semis.
  17. Routte du port de Carcans au port des semis.
  18. Routte du port de Ste-Hélène au port des semis.
  19. Routte de la Cabanne au pays par le tour, ou le pelous (le pelous est une plenne espacieuse à la suitte de la pallu), ayant 4 lieux de Hourtin ou de Naujac, savoir, 2 lieux de cotte, 1lieue 1/4 de traverse des dunes, et 3/4 de lieux du sable à Hourtins ou à Naujac.
  20. Routte de la Cabanne au sauvetage des bâtiments impériaux la Charante et la Joye, à 2 lieux au sud.

Au nord et près de Malignac se trouve le port de l’atelier des semis, au lieu dit Croot d’aux Guits (ou Crohot des Canards, forêt domaniale d’Hourtin) ou aborde le bateau qui transporte les matériaux destinés aux travaux des dunes. De ce port, un chemin sinueux de 5 quarts de lieue va à la cabane des semis, située à 150 toises (300 m) du rivage de la mer (dans la zone littorale d’Hourtin, à peu près sur le prolongement du garde-feu de la Gemme ou de l’ancien garde-feu du Crohot des Canards).

Quand on ne traverse pas l’étang, pour aller d’Hourtin ou de Naujac à la cabane, explique Coutures, on prend le tour par la lande du Pelous, puis les dunes. Parmi celles-ci, sont représentées sur le croquis des lèdes garnies d’une maigre végétation herbacée. La côte maritime est figurée très sinueuse, ce qui devait être peu exact. Sur le rivage, au sud de la cabane des semis, sont échoués deux navires impériaux la Charente et la Joye.

Mais les événements politiques viennent tout enrayer, et trois ans de travaux se trouvent perdus. De ce projet séduisant, il ne reste que l’établissement, dans le pays, de quelques familles basques devenues entrepreneurs de semis, et le poste du Flamant maintenant habité au milieu des dunes, dans un lieu qui n’offrait auparavant qu’un effrayant désert.

Rien ne fut fait pour l’étang de Lacanau (Arch. Eaux et Forêts).

Dutrait, rappelant ce projet, dit que « les travaux entrepris en 1803, interrompus par les événements politiques en 1806, n’ont laissé d’autre trace que la création du poste dit le Flamant, à 1.200 mètres au nord de la coupure en question ». Il y a là une erreur complète. Le poste du Flamand, créé pour les ensemencements des dunes environnantes, à 1 400 mètres au nord de l’emplacement de la tranchée projetée, n’a rien de commun avec celle-ci.

Dictionnaire géographique et administratif de la France et de ses colonies, Paul Joanne, 1892

Contributeur : Adolphe Joanne (1813-1881).

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k733913/f578.item.r=hourtin%20canal%20valeyrac.zoom [77]

« Étude sur la côte et les dunes du Médoc », Pierre Buffault, 1897

https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89tude_sur_la_c%C3%B4te_et_les_dunes_du_M%C3%A9doc/I/4 [78]1820 – France, navigation intérieure

[79]

Carte de la navigation intérieure de la France

dressée par ordre de M. le directeur général des ponts et chaussées et des mines.

[80]

y sont dessinés les canaux secondaires (en jaune) du :

Le chef du dépôt des cartes et plans, l’ancien élève ingénieur-géographe Dubréna, employé de la direction générale, est probablement l’auteur de cette publication. Becquey a recours à ses compétences pour l’élaboration d’un fonds de carte, à l’échelle 1 : 1872000, et la traduction graphique du système navigable décrit par le tableau statistique. Dubréna dessine, ce faisant, le domaine public des eaux présent et futur, rassemblant au total 25178 kilomètres de voies d’eau, sur une carte gravée sur cuivre par Orgiazzi, attaché au dépôt de la guerre, n° 102rue de la Harpe.

Dès 1819, Becquey commande à Dubrena une mise à jour de la carte hydrographique, mais ce travail de longue haleine est loin d’être terminé l’année suivante. Cette Carte hydrographique de la France divisée en 21 grands bassins, avec l’indication de la partie flottable et navigable de chaque rivière, ainsi que le tracé des voies de navigation, tant exécutées qu’en construction, à l’échelle 1/500000e, est publiée en 1828 et ses douze feuilles mises en vente

Ravinet poursuit de son côté des travaux visant à décrire de manière exhaustive et méthodique le domaine public des eaux et à en fixer les limites précises. Puisant notamment ses informations dans les projets conservés par l’administration, il publie en 1824, chez Bachelier, un « Dictionnaire hydrographique de la France » contenant la description des rivières et canaux flottables et navigables dépendants du domaine public avec une carte et un tableau synoptique indiquant le système général de la navigation intérieure ; suivi de la collection complète des tarifs des droits de navigations, en deux volumes. Cet ensemble de « faits et résultats positifs » reçoit en 1823 le prix Montyon de statistique de l’Académie des sciences.

 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530253711.r=%22navigation%20int%C3%A9rieure%22?rk=107296;4 [81]

1821 – Canal du duc de Bordeaux – Balguerie-Stuttenberg

En 1818, le duc Armand-Emmanuel de Richelieu, premier ministre de Louis XVIII vient visiter Bordeaux. C. Deschamps et Pierre Balguerie-Stuttenberg (fils de Jean-Pierre Balguerie, Propriétaire à Saint Domingue, Armateur ; marié avec Sophie Stuttenberg) l’invitent à visiter les Landes accompagné du vicomte Lainé, ministre de l’intérieur. La construction d’un canal de la Garonne à l’Adour est décidée : c’est le projet de Canal des Grandes Landes ou du duc de Bordeaux qui s’oppose au projet de canal des Petites Landes.

En 1808, l’ingénieur Panay propose un projet de canal dit des [Petites] Landes : du confluent de la Baïse à l’Adour par Roquefort et Mont-de-Marsan; mais avec la chute de l’Empire, la question reste dans l’oubli pendant 10 ans. Elle est reprise avec Becquey (de la Garonne à l’Adour par la Midouze : 26 millions): du nom du directeur général des ponts et chaussés et des mines sous la Restauration, le plan [Louis] Becquey, daté de 1820, vise à doter la France d’un système (ou réseau) de voies navigables (fleuves et canaux) modernisé et articulé (voie navigable / route). 

De toutes les entreprises auxquelles Balguerie-Stuttenberg prend une part active par son intelligence et ses capitaux, il en est une, demeurée cependant à l’état de projet, qui est, durant plusieurs années, son travail de prédilection. Transformer les Landes, les assainir, leur donner la vie dont elles sont privées, modifier leur aspect par un vaste canal reliant la Garonne à l’Adour, tel est le beau plan, peut-être plus généreux que pratique, rêvé par le grand armateur.

Malgré les difficultés, les critiques, les calomnies, il s’attache avec ardeur à cette œuvre pour laquelle se passionnent, à son exemple, plusieurs des esprits les plus remarquables du temps et qui, à ses yeux, offre un triple intérêt, politique, économique, philanthropique.

Balguerie-Stuttenberg, étant donné l’intérêt que le gouvernement semble y attacher, pense que l’heure est propice à sa réalisation. Il en espère de multiples avantages au point de vue politique et économique : l’assainissement d’une contrée jusqu’alors peu habitée, l’amélioration du sort des travailleurs, le développement parallèle du commerce et de l’industrie dans les Landes.

Comme pour les ponts de Bordeaux et de Libourne, l’esprit d’association lui parait devoir donner en cette circonstance une nouvelle preuve de sa puissance. Pénétré de cette idée, Balguerie s’applique, désormais, à réunir les éléments d’une compagnie qui se chargerait des opérations. Dès le début, il a la bonne fortune de trouver un appui efficace dans le duc de Richelieu qui a séjourné à Bordeaux, au mois de février 1818, et visité les Landes.

Balguerie ne se propose pas seulement de faciliter la construction du canal indiqué par Becquey, il a aussi pour but l’ensemencement des dunes, le dessèchement des marais et l’ouverture de communications entre les Landes et la mer.

Ce vaste programme, toutefois, ne doit, dans sa pensée, être effectué qu’après des calculs approfondis, permettant d’évaluer les dépenses et les recettes.

Le ministère fait bon accueil aux propositions de Balguerie. L’ordonnance du 21 mars 1821, l’autorise à former une Société, qui prend le nom de Compagnie des Dunes, et à entamer les études ayant pour objet le dessèchement des marais et l’ouverture de trois canaux : l’un réunit la Leyre à l’Adour par le Bez, petit affluent de la Midouze, l’autre joint la Garonne au bassin d’Arcachon, et enfin le troisième établit une grande communication de Bordeaux à Bayonne. La Compagnie des Dunes associe les ingénieurs des Ponts et Chaussées et la finance bordelaise sous la houlette de P. Balguerie-Stuttenberg. Par une décision en date du 16 mai 1821, Claude Deschamps est adjoint à la Compagnie pour toute la partie technique ; tandis que, secondé par Billaudel, il prépare les plans, Balguerie organise l’exécution par les moyens qu’il juge les plus simples et les plus efficaces. Le préfet Tournon se montre aussi être un précieux auxiliaire pour Balguerie, non seulement par l’aide morale qu’il lui donne en mainte occasion, mais encore en lui transmettant tous les documents qui peuvent lui servir à poser les bases du traité de concession.

C’est une véritable révolution économique que l’on escompte de Balguerie-Stuttenberg. Son entreprise est comparée aux immenses travaux par lesquels les Hollandais ont repoussé la mer de leurs côtes, en lui ravissant une portion du territoire des Pays-Bas.

Si le canal des Landes a de très chauds partisans, il compte également de nombreux détracteurs. Ceux-ci, entre autres critiques, croient pouvoir affirmer que la nature du sable ne permet pas d’y frayer une voie navigable avec de suffisantes garanties de solidité.

[82]

Après avoir dirigé en 1818-19 la construction du pont de pierre de Bordeaux, Claude Deschamps devient le plus ardent prosélyte du canal dit des « Grandes Landes », dit « Canal du Duc de Bordeaux », qui doit réunir la Garonne à l’Adour en partant de Bordeaux et en desservant Castelnau-de-Médoc, Le Temple, Audenge, Mios, Salles, Sanguinet, Parentis, Sainte-Eulalie, Castets, Magesc et encore Soustons.

Ce projet reçoit l’approbation du Conseil Général, dans sa séance du 10 juin 1825, mais ne plait pas à tout le monde.

Il est concurrencé par un autre projet de canal dit des « Petites Landes » qui doit toujours relier la Garonne à l’Adour mais en empruntant les lits de la Baïse, de la Gelise, cette dernière communiquant alors avec la Douze par un canal à construire, et en remontant ensuite la Douze, la Midouze pour déboucher enfin dans l’Adour.

À la même époque, un mémoire anonyme simplement intitulé « Vœu d’un simple habitant des Landes[1] [83] » attaque ces projets. Cet habitant, qui se dit simple, dont la postérité, à tort, n’a pas retenu l’identité, préconise pour l’essentiel de renoncer à l’exécution des canaux de navigation dans les Landes à l’exception d’un canal entre La Teste et Cazaux et conseille qu’on leur préfère une « route en fer » de Bordeaux à Bayonne.

Ce à quoi Deschamps rétorque qu’un chemin de fer dans les Landes serait très dispendieux ; il devrait avoir un développement assez grand pour que les pentes fussent ménagées ; il aurait à traverser des cours d’eau nombreux sur lesquels il faudrait jeter des ponts ; il serait constamment ensablé, soit par les vents, soit par la marche des chevaux. Mais toutes ces considérations sont de peu d’importance auprès de la supériorité immédiate qu’a un canal sur un chemin de fer. Un chemin de fer sert à une exploitation spéciale, il reçoit des charriots construits pour cette destination ; mais il n’est point propre à un commerce de transit varié ; il n’est point propre au transport des mar-chandises encombrantes, telles que les blés, les vins, les bois de charpente, etc. Le canal du midi, par exemple, ne redoute point la concurrence des routes pour toutes les matières de cette espèce.

Notre simple habitant puise son inspiration auprès du « bon curé du Porge » ; ce bon curé ne voulait pas que ses paroissiens l’abandonnassent sans de bonnes recommandations. Ainsi, les noms portés sur son extrait mortuaire étaient ordinairement accompagnés d’épithètes qui caractérisaient la vie du défunt, telles que celle-ci : ivrogne, paresseux, menteur. Du reste il écrivait sur l’agriculture, comme l’abbé de St Pierre sur la politique, avec une bonne foi et un enthousiasme bien louables sans doute, mais qui l’écartaient souvent du vrai et du possible.

Dans une de ces délibérations surprises à une réunion d’hommes respectables, mais distraits ou trompés, on trouve ce langage au moins fort singulier : « Le petit ruisseau de Leyre pris à sa source peut-il fournir assez d’eau pour alimenter un bief de partage de vingt lieues jusqu’à l’Adour ? des saignées dans les étangs alimentés par la mer, si elles étaient possibles, ne suffiraient pas pour étancher la soif  continuelle d’un sol sablonneux et mobile dans lequel la creusée d’un canal est une chimère, à moins, comme le disent plaisamment les gens du pays, qu’on ne pave ce canal, et qu’on ne retienne ses talus par des quais en pierre de taille. » (Conseil général du département des Landes, session de 1823.)

Jean-Baptiste Billaudel, gendre de Claude Deschamps, croit nécessaire de prendre la défense de son beau-père.

[1] [84] – De l’amélioration des landes, et du canal projeté de Bordeaux à Bayonne. Vœu d’un simple habitant des landes. Éditeur : Lavigne jeune (Bordeaux). Date d’édition : 18..

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9603746m.r=leyre?rk=407727;2 [85]

Les Landes en 1826, ou Esquisse d’un plan général d’amélioration des Landes de Bordeaux : à joindre au projet de canal proposé par M. Deschamps

https://numelyo.bm-lyon.fr/f_view/BML:BML_00GOO0100137001101357023/IMG00000015#

Les largesses de Balguerie-Stuttenberg permettent de mener rapidement les études préliminaires. Dans les premiers jours de l’année 1823, Deschamps possède tous les éléments nécessaires à l’établissement des lignes principales de son projet et les indique au ministre de l’Intérieur dans un Mémoire : le canal part du faubourg de Bacalan, près de Bordeaux, traverse les marais de Bruges, puis gagne la vallée de la Leyre qu’il franchit entre Salles et Lugos. Il doit ensuite passer par les territoires des communes de Sanguinet, Parentis, Mézos, Lévignac, Castets et Magescq. Arrivé en cette localité, Deschamps pense ou bien porter directement le tracé vers Dax, ou le prolonger du côté de l’aval pour lui faire atteindre l’Adour au port de la Marquèze, au-dessous de Saubusse.

Ce rapport est accueilli avec défiance par le Conseil général des Landes ; nombre d’habitants de ce département ont vu avec peine l’abandon de l’ancien projet de Panay (Canal des « Petites Landes ») et n’augurent pas de grands avantages du plan de l’inspecteur divisionnaire de Bordeaux. La rivalité commence entre les partisans du canal des « Grandes Landes » et ceux de celui des « Petites Landes ».

Peut-on croire, disent ces derniers, que le ruisseau de la Leyre fournirait assez d’eau et alimenterait un bief de partage jusqu’à l’Adour ?

De nombreux spécialistes et financiers partagent ce sentiment ; une société, organisée par le comte du Bourg, à l’imitation de la Compagnie des Dunes, se fonde même avec l’intention de demander au pouvoir central la reprise des études concernant le plan de Panay et d’en poursuivre l’exécution ; il invite donc le gouvernement à protéger la Compagnie du comte du Bourg et à prescrire des études pour unir la Garonne et l’Adour par la Midouze et la Baïse.

Dans les derniers jours de 1824, les études préliminaires étant achevées, Deschamps adresse un avant-projet au directeur des Ponts et Chaussées dans lequel il donne un aperçu complet du résultat de ses recherches.

Balguerie-Stuttenberg estime que le moment est venu de confirmer les demandes déjà formulées dans son premier Mémoire et de discuter avec le gouvernement les conditions auxquelles la Compagnie des Dunes pourrait exécuter le « Canal du Duc de Bordeaux ». Tel est, en effet, le nom que l’on pense donner à la future voie navigable, en l’honneur de l’héritier du trône.

La Compagnie promet d’achever le canal en cinq ou six ans et elle pense même le terminer en un laps de temps encore plus réduit ; son intérêt, d’ailleurs, y est attaché.

1825 – Canal des « Grandes Landes », canal d’essai de Béliet

En 1825, pour répondre à ces objections, Balguerie fait creuser, à ses frais, un canal d’essai d’une longueur de 1 000 mètres, devant servir d’expérience. Il consacre 140 000 francs, pris sur sa propre fortune, à cette démonstration pour laquelle sont accumulées, exprès, les conditions les plus défavorables : une partie est en déblai, une autre en remblai, les sables traversés sont presque mouvants et le canal franchit un ruisseau au moyen d’un pont de bois.

[86]

Une portion du canal est ainsi ouverte pour essai dans la commune de Beliet, au lieudit Chantelaude : on choisit près de Béliet un terrain de sable qui se trouve sur le tracé de la rigole navigable ; un bassin de mille mètres de longueur environ est ouvert dans ces sables avec un pont aqueduc en bois jeté sur le petit vallon de l’Amoulette, de 75 mètres de largeur.

[87]

L’assiette ne peut être plus défavorable dans l’opinion de ceux qui regardent les sables comme perméables. Il a fallu ouvrir une ancienne dune et élever des massifs de remblais. Les eaux d’une fontaine peu éloignée du trajet du canal servent à le remplir ; les eaux s’y maintiennent parfaitement, sans produire d’éboulements et sans infiltrations.

1888 – Atlas de la Gironde, feuille Belin (extrait) – Canal d’essai au lieu-dit Chantelaude enjambant le ruisseau de la Moulette

Le 30 janvier 1826, MM. Lainé, ministre d’État, d’Haussez, préfet de la Gironde, et Deschamps, inspecteur général des ponts et chaussées, parcourent en bateau toute l’étendue de ce canal-spécimen qui constitue un modèle pour la voie navigable de Bordeaux à Bayonne.

Aux personnes qui douteraient donc de la propriété qu’ont les sables de retenir les eaux, nous donnerons le conseil de visiter le bassin de Béliet ; elles reconnaitront que les talus de sable se soutiennent sans altération sous une inclinaison convenable, et que cette inclinaison est favorable à la navigation, en permettant au liquide de s’échapper autour du bateau. Sans cette facilité, la marche des embarcations est nécessairement très lente ; on a fait la remarque en Angleterre et tout récemment sur le canal des deux mers, que dans les canaux à talus rapides, ou ouverts en escarpement au milieu des rochers, la navigation est considérablement ralentie par la résistance du fluide.

Pour ouvrir le canal d’expérience, quoique le nombre des ouvriers employés soit très peu considérable, la recette de l’impôt sur les boissons dans la seule commune de Béliet s’élève, pour les quatre mois que durent les travaux, à une somme égale à ce qu’ils produisaient auparavant pendant toute l’année, C’est-à-dire que cette contribution se serait accrue de deux fois sa quotité annuelle si on avait continué à employer le même nombre d’ouvriers.

Il n’est peut-être pas inutile de prévenir une objection sur ce que nous avons dit de l’accroissement de certaines taxes indirectes, telles que celles sur les boissons, le tabac, etc., que produit la présence d’un grand nombre d’ouvriers appelés par les travaux dans ces déserts : c’est que ces ouvriers étant des regnicoles feraient la même consommation ailleurs ; mais il n’en est pas ainsi. D’abord, c’est que ceux qui manquent de travail, comme on le voit trop souvent, ne peuvent beaucoup consommer, surtout avec le bas prix de la journée en France ; ensuite, c’est que, par une circonstance particulière aux Landes où la population manque, la plus grande partie des mouvements de terre, des défrichements ou autres ouvrages analogues ne s’exécutent presqu’exclusivement dans cette contrée que par des hommes descendus des montagnes de la Navarre espagnole et de l’Aragon : ces étrangers laissent donc dans le pays, outre les travaux qu’ils exécutent, uue partie de leur salaire qu’on ne peut apprécier à moins de 12 centimes par jour pour chaque ouvrier au profit du fisc.

Ce premier essai ayant aussi éveillé l’attention de quelques spéculateurs, ceux-ci déterminèrent des propriétaires à leur vendre une certaine étendue de landes vaines et vagues. Il ne s’agissait encore que d’expériences et d’opérations préliminaires à la rédaction du projet qui n’était ni arrêté ni dressé. Cependant il ne s’est pas moins vendu pour 322 883 fr de ces terres vaines et vagues, pour quoi le trésor a reçu en droits d’enregistrement la somme de 19 535,45 fr, qui, ajoutée à celle de 1 500 fr produite par l’accroissement de l’impôt sur la vente des boissons dans la seule petite commune de Béliet , présente un total de 21 035,45 fr au profit de l’État, c’est-à-dire environ les deux tiers de la dépense faite en travaux d’essai.

Des travaux à faire pour l’assainissement et la culture des landes de Gascogne et des canaux de jonction de l’Adour à la Garonne, Claude Deschamps, (1765-1843),  1832

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9689761c/f68.item.r=saint-magne.zoom [88]

Cette expérience réussit parfaitement ; outre qu’elle sert à fournir d’utiles renseignements sur la véritable valeur des ouvrages de terrassements et autres, elle fait reconnaître une erreur trop généralement accréditée, erreur qu’on a même consignée dans un acte public en opposition à l’entreprise dont il s’agit, que les sables des Landes sont impropres à contenir les eaux ; ce canal, quoiqu’établi dans les sables les plus mobiles, livré à la foi publique, sans entretien depuis plus de six années, et exposé aux insultes des pâtres de ces déserts qui ont coupé ou mutilé les arbres à haute tige dont on l’a bordé, et ont commis d’autres dégâts, a néanmoins conservé ses eaux comme on les y a introduites aussitôt après la construction.

Mais un effet dont il faut se défendre n’a été prévu qu’en partie : l’irruption des sables apportés par les vents aurait bientôt comblé le canal et ses rigoles, si on n’eût pris le moyen d’en arrêter la marche par des plantations serrées ; c’est ce qui a été fait aussi au canal de Béliet, en fixant par des semis de pin une zone de 50 mètres de largeur de part et d’autre au-delà du chemin de halage. Cette largeur est encore insuffisante, et ne peut empêcher entièrement que quelques sables ne soient toujours poussés jusque sur les bords du canal.

On ne conteste sûrement pas que cette zone de défense ne soit indispensable pour protéger la voie navigable contre un effet qui nuirait aussi essentiellement à sa conservation, et en rendrait l’entretien trop dispendieux : c’est donc ici le cas d’utilité publique bien constatée, puisqu’il résulte d’une nécessité à laquelle on ne peut se soustraire si on veut établir des canaux dans les Landes. Cette concession, au surplus, qui n’est réclamée que pour les terrains sablonneux, et à laquelle nous sommes assuré que les propriétaires et communes se prêteront sans difficulté, ne présente pas un sacrifice appréciable à cause de la nullité de valeur de tous les terrains de cette nature qu’il y aurait à traverser.

Un des phénomènes les plus remarquables de la contrée, est l’existence de ces vastes plateaux marécageux d’où sortent ce grand nombre de cours d’eau qui, après y avoir serpenté, finissent par se creuser à la suite un lit profond quand ils sont parvenus sur les parties où la pente du terrain est plus prononcée. Ce sont ces plateaux qui ont particulièrement fixé notre attention dans nos dernières investigations, et qui nous ont paru les plus propres à recevoir le tracé du canal, de ses rigoles et embranchements ; il n’y a pas de doute que l’interposition de ces tranchées pourvues de leurs contre-canaux ne fournissent un moyen de dessèchement à une grande distance de part et d’autre de la ligne navigable. Or, ce bienfait ne peut être gratuitement accordé aux communes et propriétaires, et il est juste qu’ils en tiennent compte d’après les dispositions de la loi du 16 septembre 1807, c’est-à-dire par la cession d’une partie de la plus-value que les terrains auront acquis.

Les Conseils municipaux des communes dont le territoire sera traversé par le canal des Grandes Landes font  spontanément l’abandon gratuit des terrains communaux dont l’occupation sera jugée nécessaire à cet établissement. Nous extrairons les principales dispositions de la délibération prise par le Conseil municipal de Béliet.

Considérant que l’ouverture du canal des Landes doit incontestablement faire la prospérité des contrées qu’il traverse.

Considérant que la commune de Béliet est une de celles qui profiteraient le plus des avantages qu’il présentera ; que, très éloignée des lieux où ses produits sont consommés, elle paye des frais très considérables pour les y rendre ;

Considérant que ces frais seront diminués de beaucoup, si les transports ont lieu au moyen du canal projeté ;

Considérant que la facilité avec laquelle ils seront opérés fera cesser l’état de langueur dans lequel se trouve l’agriculture, qui, lorsque ses produits pourront s’exporter à bas prix, s’étendra sur les vastes terrains qui composent le territoire de la commune ;

Considérant qu’elle doit faire tous ses efforts, et même des sacrifices pour obtenir ces avantages ; que les terrains dont la cession lui est demandée sont aujourd’hui d’une très faible valeur pour elle ; 

Délibère :

  1. Que la commune abandonne gratuitement tout le terrain lui appartenant qui sera occupé par le canal du Duc de Bordeaux, les chemins de halage et les plantations qui seront faites sur les bords pour fixer les sables, lequel terrain aura une largeur de cent quinze mètres, dans les terres vagues, et de quatre-vingt-dix seulement dans les bois, pignadas, etc. ;
  2. Que la commune abandonne aussi gratuitement les terrains qui seront occupés par les canaux secondaires et les rigoles dont l’ouverture sera commandée par l’existence du canal, pour amener les eaux destinées à l’alimenter, ou les renvoyer dans les étangs ; dans ce cas, l’espace concédé n’aura en largeur que soixante-cinq mètres dans les landes vaines et vagues, et cinquante mètres dans les bois et pignadas ;
  3. Que la commune abandonne aussi les portions de ses communaux, qui pourront être cédés à titre d’indemnité aux propriétaires des fonds situés sur son territoire qui seront occupés par le canal ou par ses accessoires.

Fait en séance du Conseil, le 19 mars 1826, signés Lapios, Duluc, Balion, Gaillard, Mano, membres du Conseil municipal, & Cazaux, maire.

Quant au droit de navigation, ses produits seront peu considérables dans le commencement à cause de la modicité du tarif que nous proposons, et parce qu’il faut toujours un laps de temps assez long pour que les habitudes nouvelles s’établissent ; toutefois, d’après les recherches que nous avons faites, et les documents que nous nous sommes procurés sur les matières qui, de l’intérieur des Landes, sont portées soit aux entrepôts de Dax et de la Teste de Buch, soit sur les ports distribués sur la rive gauche de la Garonne, depuis Castets ou Langon jusqu’à Bordeaux, nous pensons que le produit du péage peut représenter en capital le tiers de la dépense totale des travaux. On aperçoit déjà que cette ressource, réunie à la précédente, est encore loin de couvrir les frais de leur exécution complète.

Il nous reste maintenant à examiner comment et pendant combien de temps la compagnie exécutante devrait être aidée par le gouvernement.

[…]

 

Des travaux à faire pour l’assainissement et la culture des landes de Gascogne et des canaux de jonction de l’Adour à la Garonne,  Claude Deschamps (1765-1843),  1832

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9689761c/f47.image.r=canal%20b%C3%A9liet [89]

Les Landes en 1826 ou, Esquisse d’un plan général d’amélioration des Landes, J.B. B. (Jean-Baptiste Billaudel, Polytechnicien et ingénieur des Ponts et Chaussées. Gendre de Claude Deschamps, inspecteur général des ponts et chaussées. Député et conseiller général de la Gironde entre 1837 et 1847, maire de Bordeaux en 1848), 1826

https://books.google.fr/books?id=3hEDAAAAYAAJ&pg=PA60&lpg=PA60&dq=canal+de+bordeaux+%C3%A0+bayonne+belin-beliet&source=bl&ots=SKeUhAO6dX&sig=yfgdMgCRl-4Q22WmHYTH1GgnFQA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwihsuWP37rdAhVL1hoKHXJaCpE4ChDoATAJegQIAhAB#v=onepage&q=beliet&f=false [90]

1842 – cadastre napoléonien

https://archives.gironde.fr/ark:/25651/vtac016559fa6eb46ec/daoloc/0/layout:table/idsearch:RECH_d48b258839dda097034898b779ba3cb4#id:554186210?gallery=true&brightness=100.00&contrast=100.00&center=2836.710,-3091.927&zoom=13&rotation=0.000 [91]

1850 – Carte d’Etat major

https://www.geoportail.gouv.fr/carte [92]

Canal de Béliet Atlas de la Gironde 1888. Environs de Belin AD 33 Cote : 1 Fi 1046/20

https://archives.gironde.fr/ark:/25651/vta35799605eb8d806b/daoloc/0/layout:table/idsearch:RECH_8e5bd037bd61adde8a7c21894670afa2#id:1180052953?gallery=true&brightness=100.00&contrast=100.00&center=3730.000,-2728.000&zoom=4&rotation=0.000 [93]

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55011229z.r=%22navigation%20int%C3%A9rieure%221820?rk=21459;2 [94]

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/81/Carte_de_la_navigation_int%C3%A9rieure_de_la_France_annex%C3%A9_au_Rapport_au_roi_%281820%29.jpg [95]

Archives de la Gironde 2 Fi 2235

Balguerie-Stuttenberg meurt le 17 août 1825 à Bagnères-de-Bigorre : la Compagnie des Dunes perd celui qui, depuis plusieurs années, a largement dépensé sa fortune et sa peine dans l’intérêt des Landes ; avec lui, disparait le partisan le plus dévoué du canal de Bordeaux à Bayonne. Ses successeurs tiennent à honneur de poursuivre son œuvre et ses tentatives dans les Landes.

L’un de leurs premiers actes est d’insister avec chaleur auprès du directeur des Ponts et Chaussées pour qu’il fasse commencer le « canal du Duc de Bordeaux » dont les plans définitifs ne tarderaient pas à être prêts.

En 1826, prend corps le projet le Canal des grandes landes entre la Garonne (Bacalan, à Bordeaux) et l’Adour (Dax).

La légende du plan mentionne 141 ouvrages d’art :

1 – Porte de garde à l’entrée du canal dans la Garonne à Bacalan ;

2 – Pont sur le canal, sur le quai de Bacalan ;

3 – Pont sur le canal, venant du Bouscat et traversant l’allée Boutaut ;

49 – Aqueduc de 3 m. sur la craste des landes de la Croix-d’Hins versant à Audenge ;

50 – Pont en charpente sur le canal pour la communication de la route départementale de Bordeaux à La-Teste ;

51 – Aqueduc de 3 m sur le ruisseau d’Argenteyre ;

52 – Pont-canal de 200 m de longueur sur le vallon et le ruisseau du Caneau ;

141 – Écluse d’embouchure du canal dans l’Adour, au-dessus du faubourg du Sablat de Dax.

Deschamps continue ses études et, le 31 mars 1826, il termine le tracé détaillé du canal des Grandes Landes, conformément aux données de son avant-projet. 

Au lieu de deux biefs de partage, l’un dans le Maransin et le pays de Born au sud de la Leyre, et l’autre au nord de cette rivière dans les grandes Landes de Bordeaux, disposition dictée par l’économie en ce qu’elle dispense des énormes remblais à former pour traverser la vallée de la Leyre, qui sur ce point entre Salles et Lugos a 5 000 mètres de largeur, il est décidé que l’on franchirait cette vallée à la hauteur d’un bief de partage unique au moyen d’un pont-canal de 29 mètres de hauteur au-dessus des basses eaux de la Leyre.

Il est facile de comprendre quelle influence doivent avoir ces dispositions sur la dépense du canal à ouvrir suivant cette direction ; aussi résulte-t-il, par suite de quelques circonstances du terrain que nous avons pu mieux observer depuis, que pour le canal principal seulement, et sans y comprendre les frais d’aucun de ces embranchements qu’il est si avantageux de porter vers les points les plus importants de production, cette dépense s’élèverait à une somme de 27 millions.

[…]

1826 – Canal Bx à Bayonne, Plan des deux branches de Leyre, Deschamps

[96]Plan des deux branches de Leyre et des deux rigoles qui en sont tirées

l’une orientale pour alimenter le versant du côté de Bordeaux et de l’autre occidentale pour fournir au versant descendant à l’Adour, de Bilos et Lugos et Belin vers Moustey et Pissos et vers Belhade, Argelouse et Sore.

Projeté et proposé par l’Inspecteur Général des Ponts et Chaussées, Soussigné Bordeaux le 31 mars 1826, Deschamps

AG Gironde Cote : 2 Fi 3313

Dimensions : 1840 x 1595. Colorisation : Papier sur toile.

[97]

Un extrait de la carte sur lequel on a surligné en rouge le « Canal d’essai de Béliet »

https://archives.gironde.fr/ark:/25651/vtac14b175ef91802ba/daogrp/0/layout:linear/idsearch:RECH_51a58e283a821d6d7e2ea4f8b6211021#id:8748162?gallery=true&brightness=100.00&contrast=100.00&center=608.471,-11510.183&zoom=19&rotation=0.000

Ainsi, Claude Deschamps indique, dès 1822, les grandes lignes d’un projet de canal des Grandes Landes, projet qui aboutit, dit M. Duffart, malgré l’urgence de la pénétration pour l’exploitation des richesses du sol aux célèbres polémiques de Mont-de-Marsan contre le canal des Grandes Landes en faveur du canal des Petites Landes (projet Becquey, modifié par Goury en 1823).

Claude Deschamps, directeur de la Compagnie des Dunes, s’oppose aux initiatives et aux projets de Jean Sébastien Goury, ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées des Landes de 1821 à 1831, créateur de la dune littorale, véritable berceau de notre Côte d’Argent. En plus de ses travaux sur la côte, Goury participe, par des propositions originales et innovantes au projet du Canal des Petites Landes qui doit relier la Garonne à l’Adour par la Baïse, la Gélise, la Douze, la Midouze. Le Conseil général des Landes souhaite fermement son ouverture.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65357963/f43.image.r=%22pol%C3%A9miques%20de%20Mont%20de%20Marsan%22canal?rk=21459;2 [98]

https://www.societe-borda.com/page8.html [99]

Nous avons donc repris l’examen des plus grandes dépressions de l’arête qui sépare les bassins de l’Adour, de la Leyre et de la Garonne, et nous avons reconnu et constaté par des vérifications soignées qu’il est praticable d’amener par des rigoles les eaux des deux rivières de l’Estampon et du Ciron sur la plaine marécageuse qui sépare l’origine du vallon du Beez de la source de la Leyre occidentale, et sur les Landes traversées par l’autre branche de cette rivière, et d’assurer ainsi l’alimentation d’un bief de partage de plus de douze lieues de longueur.

Le canal, au lieu de partir de Bacalan où l’on peut néanmoins l’attacher aussi à la Garonne, s’embranche sur celle-ci au quartier de Paludate au-dessus du pont de Bordeaux, d’où, en suivant le ruisseau ou Estey de Bègles et le vallon de la petite rivière dite de l’Eau-bourde, il se dirige par les territoires de Villenave d’Ornon, de Gradignan et de Cestas, pour arriver sur les Landes ; de là, s’établissant après Saucats sur les plaines humides et couvertes d’une suite de lagunes des communes de Saint-Magne, Hostens, le Tuzan et Mano, le canal traverse la branche orientale de la Leyre au-dessus du bourg de Sore ; il traverse près de ce bourg la branche orientale de la Leyre ou Petite Leyre, ainsi que les landes la séparant de la branche occidentale ou Grande Leyre ; il entre ensuite dans le vallon de celle-ci à peu de distance de son origine sur le plateau de Sabres, d’où partent les eaux qui versent au bassin d’Arcachon d’un côté, et les petites rivières ou gros ruisseaux qui de l’autre affluent à la Midouze à l’exposition du sud-ouest.

Parmi ces derniers, le Béez, remarquable par le volume de ses eaux et la beauté de son vallon, est favorablement disposé pour y recevoir le canal. On l’établit donc généralement dans ce vallon qu’il suit jusqu’à la Midouze, où il débouche sous le bourg de Saint-Yague entre Mont de-Marsan et Tartas. La Midouze étant déjà navigable quoique difficilement à ce point, il n’y a qu’à la remplacer sur une partie seulement de son cours entre Tartas et Dax par un canal latéral, et à l’améliorer sur le reste pour la rendre propre à recevoir en toute saison les bateaux du canal et les conduire ainsi à Bayonne par Dax.

Commençons par dire que l’auteur du projet pense qu’il ne sera complet que lorsque le canal des Landes, après avoir débouché dans la Garonne, se sera rattaché à un autre canal qui traverserait la Saintonge et irait s’unir à la Charente.

La ligne de communication de l’Adour à la Garonne, est située de manière à desservir à la fois toutes les parties des landes qui sont maintenant en état de production, c’est-à-dire le pays de culture, et à préparer l’amélioration de la plus vaste étendue possible des landes du pays de parcours.

Le canal, proposé dans la vue d’appeler à la vie, au commerce et à la civilisation, la contrée comprise entre la Garonne et la Gironde au nord, la mer à l’ouest, l’Adour au sud, et les départements du Gers et de Lot-et-Garonne à l’est, peut entrer en concurrence avec le canal des Petites Landes, en offrant à la ligne qui nous occupe une direction plus rapprochée de la mer, entre Bordeaux et Dax.

Sous ce double rapport, ce canal, projeté par un ingénieur de grand mérite, est digne d’une sérieuse attention.

Il est inutile d’insister ici sur l’avantage qu’il y a à enrichir la France d’un nouveau territoire qui, bien que plus favorisé par la nature qu’on ne l’a cru pendant longtemps, est privé cependant jusqu’à ce jour de tous les secours qui peuvent seuls y développer, sinon les germes d’une grande richesse, du moins ceux d’un plus grand bien-être.

L’avantage d’une semblable conquête est senti aujourd’hui de tous les esprits, et les moyens de se le procurer, difficiles à obtenir en totalité d’un Gouvernement borné dans ses ressources, deviennent aisés dès le moment qu’on peut compter sur le concours de l’esprit d’association.

La partie des Landes présente une superficie de 900 lieues carrées, et seulement une population d’environ 135 000 âmes, ou de 150 habitants par lieue carrée.

Le défaut de population dans une seule partie d’un pays d’ailleurs bien peuplé, est moins une cause qu’un effet de l’état actuel du sol dont l’amélioration est le plus souvent hors de la portée des efforts possibles des indigènes. Le sol des Landes n’est cependant pas improductif ; partout où une industrie bien dirigée se fait remarquer, le cultivateur s’y voit amplement payé de ses soins. « Toutes les espèces de céréales, toutes les variétés de plantes fourrageuses, fait remarquer M. Deschamps, auteur du projet qui va nous occuper, tous les arbres des différents climats réussissent sur la terre qui leur est assignée avec discernement. Le pin, le liège, le chêne, s’emparent spontanément des terrains qui se refusent à des cultures plus exigeantes. Presque partout des carrières de minerai de fer paraissent à la surface. Mais de toutes parts des eaux sauvages, faute de direction, se déversent çà et là au hasard sur des terrains bas qu’elles convertissent en marais incultes et infects, et aucune route, aucun moyen de transport n’ouvrent les débouchés nécessaires aux produits qui périssent sur les lieux qui les ont vu naître, et dont cependant l’abondance et par suite la multiplication toujours croissante animée par les besoins d’une consommation étrangère, donneraient lieu en procurant de nouveaux objets d’échange, à des relations plus actives avec les départements voisins, et, en ouvrant ainsi de nouvelles voies au travail, assureraient de nouvelles garanties et un accroissement de population. »

C’est dans ces vues, c’est en se livrant à de si honorables espérances, que M. l’inspecteur-général Deschamps se décide, après vingt années de méditations, à présenter le projet de canal dont nous donnons une idée succincte.

Description du canal [100]

Il faut avoir une carte sous les yeux pour suivre la direction du canal proposé par M. Deschamps, inspecteur général des ponts et chaussées, et dont le tracé a déjà reçu l’approbation du Conseil Général dans sa séance du 10 juin 1825.

[101]

Ce canal, qui a son origine dans la Garonne à Bordeaux, soit au quartier de Bacalan, soit au quartier de Paludate, ces deux quartiers pouvant être unis par un canal de ceinture, comme l’a autrefois proposé l’intendant M. Dupré de Saint Maur.

[102]

Du faubourg de Bacalan de Bordeaux, le canal traverse les marais de cette ville et ceux de Bruges, et, après avoir passé la rivière dite la Jalle de Blanquefort se dirige vers la commune de Taillan ; à l’entrée des grandes Landes de Bordeaux, il s’élève de 35 m au-dessus des basses eaux de la Garonne, par quatorze écluses successives sur le plateau des Landes, aux confins de la commune de Castelnau-de-Médoc ; tournant ensuite au sud du bourg de Castelnau-de-Médoc, il va par les communes de Sainte-Hélène, du Temple et d’Audenge, et prend la direction vers Mios pour aboutir au vallon de la Leyre, qu’il franchit entre celles des Salles et de Lugos.

[103]

S’élevant, après le passage du Leyre, à la hauteur de 45 m au-dessus des basses eaux de la Garonne, se développe sur le territoire des communes de Sanguinet, Parentis, Bouricos, traverse les communes de Ste– Eulalie, St-Paul, Escource, Mezos, Le Vignac, Linxe, Castets, puis descend, en parcourant celles de Magesc, Soustons, St-Vincent. De ce dernier point le canal serait porté soit immédiatement sur Dax pour y entrer dans l’Adour, soit, en continuant à s’étendre sur les Landes de la commune de Tosse, il passerait entre Saint-Geours et Saint-Vincent de Tyrosse, et, se prolongeant par Saint-Jean de Marsacq jusqu’à l’Adour, il déboucherait dans ce fleuve au port dit de la Marquèse au-dessous du bourg de Saubusse, en un lieu où l’action de la marée assure une navigation toujours facile avec Bayonne.

Ce canal aurait 350 000 m (d’autres sources indiquent seulement 275 000 mètres) de développement entre la Garonne et l’Adour ; ses dimensions sont adaptées au système de la grande navigation déjà suivi en France. Cependant, on ne l’établira sur cette échelle que progressivement, et d’abord on doit le rendre propre à la navigation de bateaux du port de 25 à 30 tonneaux.

Ses écluses sont au nombre de 19 pour chaque versant, savoir : 15 entre Bordeaux et St-Laurent, 4 entre Audenge et Parentis, 19 entre Castets et Saubusse. Outre ces écluses de distribution des pentes, il y aurait deux écluses d’embouchure à grands sas et avec portes de flot, l’une dans la Garonne, l’autre dans l’Adour.

La navigation, suivant ce projet serait desservie par deux prises d’eau, l’une dans le Leyre oriental, l’autre dans le Leyre occidental ; le canal emprunterait aussi les eaux des courants naturels qu’il traverserait.

Deux barrages de prise d’eau serviraient de point de départ aux rigoles alimentaires du Leyre qui pourraient être appropriées au flottage des bois. Les autres rigoles secondaires serviraient, s’il y avait lieu, à la même destination.

L’établissement du canal exigerait la construction de 60 ponts-aqueducs de différentes dimensions, sur le Leyre et divers ruisseaux, et de 50 ponts pour le service des communications que l’on traverserait.

Le canal, ouvert en grande section, à raison de 10 m au plafond et 20 m en couronne, et avec écluses de 6 m de largeur entre les bajoyers, est estimé devoir coûter 25 000 000 fr ;

Et en petite section, avec écluses en charpente et sas en terre, 16 500 000 fr.

[…]

Quatre branches principales se rattachent aux principaux marchés ou lieux d’exploitation, Savoir :

1°. Une branche, formant rigole d’alimentation avec les eaux prises dans la Leyre, traverse les communes de Belhade, Biganon, Béliet, Belin et Salles. Le même avantage peut être assuré aux communes de Pissos, Moustey, Muret et Mios.

2° Une autre branche va joindre, par un court trajet, le bassin d’Arcachon, et procure un accès direct au point si intéressant de la Teste de Buch.

[…]

[104]

D’autres branches pourraient se diriger vers Hourtin et vers Lesparre.

Nous ne faisons qu’indiquer le tracé général du canal.

Il est évident qu’il sera possible de rattacher à cette grande communication, par des canaux adaptés au flottage et à une petite navigation, toutes les communes qui sont traversées par des cours d’eau naturels, tels que la jalle de Blanquefort, le ruisseau d’Escours, de Lousse, de Vignac, de Magesc, etc. , et surtout les deux principales branches de la rivière de la Leyre remontant à Sore, Luxey, Commensac et Sabres. Les autres communes seront mises en rapport avec le canal par des chaussées en bois, en grès, en fer.

Aussitôt que ces propriétés, que parcourent de chétifs troupeaux, seront jetées dans la circulation et livrées à l’industrie particulière, elles recevront une destination utile ; l’ouverture du canal appelera la population ; l’exploitation des bois la fixera dans la contrée ; à cette exploitation se joindront les cultures de première nécessité : autour de chaque métairie ou maison de gemmier, on verra, comme dans le Marensin, des carrés de champs cultivés par chaque famille ; dans les vallons aujourd’hui marécageux, se créeront des prairies naturelles ou artificielles, cinquante journaux ainsi cultivés donneront à un troupeau une nourriture plus saine et plus abondante que mille journaux de landes. On pourra élever des chevaux vigoureux et former des haras qui serviront au croisement de ces utiles animaux et à l’amélioration des races.

[…]

Histoire de la navigation intérieure de la France, Joseph Dutens, 1829

https://books.google.fr/books?id=T2IUAAAAQAAJ&pg=PA77&lpg=PA77&dq=Canal+royal+des+Pyr%C3%A9n%C3%A9es,+Galabert&source=bl&ots=wi9PKFH2p4&sig=ACfU3U29MF0DVvGEwlgFJ73pYrVuIZLl0g&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjzzp7io_vxAhVCx4UKHex2AhY4ChDoATAJegQIBhAD#v=snippet&q=grandes%20landes&f=false [105]

Les Landes en 1826: ou, Esquisse d’un plan général d’amélioration des Landes de Bordeaux à joindre au projet de canal, J.B.B., 1826

https://books.google.fr/books?hl=fr&id=3hEDAAAAYAAJ&q=thivent#v=snippet&q=thivent&f=false [12]

Carte des départements de la Gironde, des Landes…, Deschamps, 1830 AD 33 2 Fi 2209

https://archives.gironde.fr/ark:/25651/vta2de457462d354a94/daoloc/0/layout:table/idsearch:RECH_95649191eda39fb783c1f1803afd87f3#id:318522345?gallery=true&brightness=100.00&contrast=100.00&center=2618.356,-4810.069&zoom=12&rotation=0.000 [106]

Ses besoins en eau

On a reconnu, par de longues observations, sur le canal du Midi, que la dépense d’eau produite annuellement par les remplissages du canal, la navigation, les filtrations et l’évaporation est égale à environ quatre fois la capacité totale du canal.

Par conséquent il faut pourvoir sur le canal des grandes landes à un volume d’eau de 28 000 000 de mètres cubes.

L’établissement de ce canal est dans la situation la plus favorable à son exécution car il jouit d’une abondance d’eau qui manque à tant de canaux importants, et même au célèbre canal du Languedoc.

Les eaux pour alimenter ce canal seraient amenées par des rigoles dérivées de la rivière dite la Jalle de Blanquefort, du ruisseau abondant du Canau, des deux branches bien plus abondantes encore de la Leyre, et de tous les gros ruisseaux qui descendent des revers du Maransin aux étangs du littoral.

La rivière de la Leyre fournit tout entière aux besoins de la navigation, des irrigations et des usines qui seront placées sur le canal. Cette rivière, dont le cours est demeuré jusqu’à présent sans aucune espèce d’utilité, présente une puissance d’eau considérable de laquelle on peut dire, avec l’ingénieur Brindley, qu’elle a été créée par la Providence pour servir à alimenter un canal artificiel.

À la fin de septembre de l’année 1821, les jaugeages des deux branches de la rivière de la Leyre, observées à un niveau supérieur à celui des prises d’eau, offrent un produit de 70 m3 d’eau par minute, ou 100 800 m3 par jour, dans un moment où la sécheresse réduit ces courants à leur moindre section.

Les mêmes opérations, répétées dans la même saison en 1825, donnent des résultats plus élevés encore. Nous nous tenons donc au-dessous de toutes les chances défavorables, en supposant que la Leyre peut fournir à la navigation du canal un volume d’eau égal à 100 000 m3 par jour, ou 36 500 000 m3 par an. Ce volume qui est certainement doublé et triplé, si on envisage les autres mois de l’année, est seul supérieur de plus du quart à tous les besoins de la navigation et à toutes les causes de déperdition des eaux.

Cependant, pour montrer que le canal des landes l’emporte par ses ressources sur tous les canaux à points de partage, jusqu’à ce jour projetés ou exécutés, nous faisons observer que sur la ligne qu’il parcourt, on peut encore lui procurer par des dérivations de courants d’eau vive, un volume d’eau égal à celui qui sera emprunté à la Leyre.

Les Landes en 1826 ou, Esquisse d’un plan général d’amélioration des Landes de Bordeaux à joindre au projet de canal, J.B.B., 1826.

https://books.google.fr/books?hl=fr&id=3hEDAAAAYAAJ&q=thivent#v=snippet&q=thivent&f=false [12]

1828 – France, navigation intérieure

[107]

Tableau hydrographique de la navigation intérieure de la France

et des relations qu’elle pourrait avoir avec celle des Etats voisins…

[108]

Dessinés en pointillé, les « Canaux projetés et reconnus praticables » :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530834795.r=%22navigation%20int%C3%A9rieure%22?rk=193134;0 [109]

1832 – France, Canaux, Rivières, Dufour – Bassin d’Arcachon, Île de La Tête

[110]

Carte Administrative, Physique et Routière de la France indiquant les Canaux,

les Rivières navigables, les Routes de Poste avec leurs Relais et Distances, etc. Dédiée au Roi par Auguste-Henri Dufour (1798-1865). Géographe ; Flahaut sculpsit ; Jacques Marie Hacq (1795-1873) scripsit ; Charles Simonneau (17..-18.. ; éditeur et graveur de cartes).

Y figurent les canaux projetés dont celui entre Bordeaux et l’Adour (Saubusse) via Sainte-Hélène, Salles, etc.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530996240.r=canaux?rk=3347656;0 [111]

 

1832 – Jonction de l’Adour à la Garonne, Deschamps

La question du canal de la Garonne à l’Adour rencontrant une approbation chaque jour plus marquée, divers spéculateurs cherchent à supplanter la Société Balguerie. Mais, ce projet, quelque peu hardi, et de proportions trop vastes, effraie les capitalistes ; aucun groupe ne se présente pour appliquer dans la pratique les idées de Deschamps et, finalement, la Compagnie Balguerie demeure seule, sans concurrents, pour entamer les travaux du canal.

Le projet de Deschamps est renvoyé à une commission. Son rapporteur, le marquis Soult de Dalmatie, remet, le 14 mai 1838, un mémoire dont les conclusions rejettent le canal des Landes. Il reconnait, pourtant, que ce canal aurait contribué à faciliter l’écoulement des eaux, à détruire la cause des maladies endémiques décimant la population, à augmenter les débouchés des produits forestiers au profit des particuliers et de l’État.

Au cours du XIXe siècle, l’ingénieur Chambrelent a su transformer la région par son système de drainages et de semis de pins, et les chemins de fer assurent les relations que, sous Louis XVIII et Charles X, on méditait d’obtenir par des voies navigables.

L’armateur Balguerie-Stuttenberg et son œuvre, Pierre de Joinville, 1914

https://www.bordeauxdecouvertes.fr/balguerie.htm [112]

[113]

L’ingénieur Deschamps 1765-1843, on lui doit la construction du pont de Bordeaux (1823), est Ingénieur des Ponts et chaussées, Ingénieur en chef en 1802 et inspecteur divisionnaire à Bordeaux à la fin de sa carrière ; en 1826, prend corps le projet le Canal des grandes landes entre la Garonne (Bacalan, à Bordeaux) et l’Adour (Dax).

[114]

La légende du plan mentionne 141 ouvrages d’art :

1 – Porte de garde à l’entrée du canal dans la Garonne à Bacalan ;

2 – Pont sur le canal, sur le quai de Bacalan ;

3 – Pont sur le canal, venant du Bouscat et traversant l’allée Boutaut ;

49 – Aqueduc de 3 m. sur la craste des landes de la Croix-d’Hins versant à Audenge ;

50 – Pont en charpente sur le canal pour la communication de la route départementale de Bordeaux à La-Teste ;

51 – Aqueduc de 3 m sur le ruisseau d’Argenteyre ;

52 – Pont-canal de 200 m de longueur sur le vallon et le ruisseau du Caneau ;

141 – Écluse d’embouchure du canal dans l’Adour, au dessus du faubourg du Sablat de Dax.

[115]

Un autre projet concerne l’assèchement des landes du Médoc : un canal ou craste pour recevoir les eaux des Landes depuis la route départementale de Bordeaux à La-Teste au droit d’Argenteyre, cote 35 m au-dessus du niveau des basses eaux d’étiage de la Garonne à Bordeaux, lequel canal se développerait au terrain suivant une pente de 1 pour 10 000 pour verser les eaux à la Gironde par des vallons ou ruisseaux entre Lesparre et Vendays sur un développement total de 100 000 m. La surface totale des terrains versant les eaux pluviales audit canal est de 700 000 000 m.

Celle des terrains entre ce canal et les dunes depuis au droit de Vendays jusqu’au bassin d’Arcachon à Andernos est de 600 000 000 m ; un second canal placé aux points les plus bas au pied des dunes joignant les étangs d’Hourtin et de la Caneau creusé de manière à abaisser la surface des eaux des dits étangs et pour déchesser (dessécher) une grande étendue de terrains très propres à être cultivés et pour prairies serait d’un grand avantage pour occuper la classe ouvrière et pour en tirer un grand revenu au bout d’un certain nombre d’années.

Un plan général d’amélioration des Landes est alors programmé avec trois canaux. Mais la crise financière de 1827 interrompt l’affaire.

La construction d’une économie touristique sur la côte Aquitaine des années 1820 aux années 1980, Mikaël  Noailles, 2012

https://books.openedition.org/pumi/25836?lang=fr [116]

1827 – Canal royal des Pyrénées, Galabert – Bassin d’Arcachon, Cap Feret, la Tête de Buch, la Mothe, Mios, Leyre R., Salles, Beliet, Belin, le Barp, Audenge, Etang du Porge, Canal projeté des Grandes Landes

[117]

Canal royal des Pyrénées

présenté à son ex. monsieur le baron Hyde de Neuville par son très humble serviteur Louis Galabert (1773-1841).

Le Canal des Pyrénées, c’est un projet fou, mais pas du tout irréalisable. Il s’agissait de poursuivre le Canal du Midi vers les Pyrénées, et rejoindre l’Atlantique à Bayonne. Ce projet a suscité beaucoup d’intérêt, mais il a connu beaucoup de détracteurs, Louis Galabert lui a consacré une grande partie de sa vie, en vain !

[118]

Bassin d’Arcachon, Cap Feret, la Tête de Buch, la Mothe, Mios, Leyre R., Salles, Beliet, Belin, le Barp, Audenge, Etang du Porge, Canal projeté des Grandes Landes

“Le Canal des Pyrénées économisera les frais d’assurance, abrégera le temps, les distances, et fera oublier le détroit de Gibraltar au commerce européen. Ce fameux détroit ne servira plus qu’au passage des escadres et ne sera fréquenté que par les vaisseaux qui font les voyages de long cours, ou par des petits bâtiments qui servent au cabotage des côtes dont il est environné.”

Louis Galabert voyage beaucoup avant de devenir lieutenant dans un régiment d’émigrés en 1806 et participe ainsi aux campagnes de l’Empire. En 1829, il propose de prolonger le canal du Midi vers Bayonne et dresse une Carte minéralogique des Pyrénées pour démontrer l’intérêt de ce canal.

Canal royal des Pyrénées, par Louis Galabert (1773-1841), 1827.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5327967q/f4.item [119]

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53119635n.r=canaux?rk=1995718;0 [120]

https://www.canaldumidi.com/Histoire/Canal-des-Pyrenees.php [121]

https://data.bnf.fr/fr/15323186/louis_galabert/ [122]

1832 – Des canaux projetés à diverses époques pour joindre l’Adour à la Garonne, Deschamps

Formation d’un port à la Teste de Busch : le magnifique bassin d’Arcachon de 12 500 hectares, plus de sept lieues carrées de superficie, placé au centre des dunes qui en abritent les côtés les plus exposés aux vents violents du sud-est au nord-ouest, présente naturellement dans les chenaux larges et profonds de son intérieur un refuge aux bâtiments de guerre ou de commerce, auxquels les tempêtes du golfe ou d’autres circonstances ne permettraient pas l’entrée de la Gironde ou de l’Adour.

On sait tout ce que, dans son état d’entier abandon, il a rendu de services pendant la durée du blocus maritime ; c’est par ce bassin et le port de la Teste que de grands navires américains nous apportaient les denrées coloniales ; on peut, d’après cet exemple, apprécier de quel secours il serait pour le commerce si des travaux convenablement dirigés lui assuraient, par une passe bien orientée, une entrée moins périlleuse que la barre actuelle, et s’il était mis par l’intérieur en communication avec Bordeaux et Bayonne au moyen d’un canal navigable.

Nous nous refuserons toujours à penser qu’il n’existe pas de moyen de tirer parti d’une position aussi admirable.

Ceux des projets indiqués sur la carte générale des canaux, jointe au Rapport fait au Roi le 4 août 1820 sur la navigation intérieure du royaume, sont au nombre de quatre.

Le plus élevé est celui qui, partant du point, dit le Bec-du-Gave, sur l’Adour, à peu de distance de Bayonne, […] pour descendre par la Garonne jusqu’à Toulouse au droit de l’embouchure du canal du Midi.

Le second projet est de faire communiquer l’Adour à la Garonne par la Midouze, la Douze et les rivières de la Gelize et de la Baïse, […].

Le troisième consiste à ouvrir une tranchée sur le plateau de Sabres, qui sépare les sources du Béez, gros ruisseau qui descend de ce plateau à la Midouze, de celles de la branche occidentale de la Leyre, à suivre cette dernière jusqu’au bassin d’Arcachon. Prenant ensuite la Leyre à l’embouchure du ruisseau de Béliet, on passe de cette vallée par le plateau de Saint-Magne dans celle du ruisseau du Guamort, pour déboucher à la Garonne sous la petite ville de Castres.

Le quatrième est le projet qui par diverses portions de canal unirait entre eux les grands étangs qui bordent la côte au pied des dunes, depuis le Boucau-Neuf sous Bayonne, en traversant ces étangs et le bassin d’Arcachon, et débouchant à la Gironde sous Valeyrac à peu de distance du Verdon ou de la pointe de Graves.

Concernant ces deux derniers projets, nous le présumons ouvrages des géographes Claveau et Lobjeois, il est évident qu’ils n’ont été tracés qu’à la seule inspection de la carte.

Celui de la Midouze à la Leyre et au bassin d’Arcachon par le Béez, et de la Leyre à la Garonne par le ruisseau de Beliet et le Guamort, ne peuvent être exécuté suivant cette indication, par la raison d’abord qu’aucun moyen n’est proposé pour alimenter le double bief de partage des seuils de Sabres et de Saint-Magne qu’ ‘on doit traverser, et ensuite parce que le cours de la Leyre, comme celui des ruisseaux de Béliet et du Guamort, n’étant contenus que par des rives de sables mobiles entre lesquelles ils sont profondément encaissés, il n’y a point de sûreté à entreprendre de canaliser ces cours d’eau sans être induit dans de très grandes dépenses et sans s’exposer à beaucoup d’incertitude dans le résultat des travaux.

Des travaux à faire pour l’assainissement et la culture des landes de Gascogne et des canaux de jonction de l’Adour à la Garonne, Claude Deschamps, (1765-1843). Date d’édition : 1832

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9689761c/f21.image.r=saint-magne?rk=7403470;0 [72]

1838 –Projet de Canal à ouvrir dans les Landes

Observations adressées à MM. les Députés de la Gironde, présenté à la Chambre le 17 février 1838.

Un canal doit être ouvert dans les Landes. Cette entreprise doit être conçue dans le but de vivifier l’agriculture et d’enrichir les villes voisines, en multipliant à la fois les produits et les moyens de transport.

Messieurs, la plus grande partie des Landes situées entre la Gironde et l’Adour est inculte et couverte de bruyères. De tous temps ces Landes ont servi à la dépaissance de nombreux troupeaux. Ce bétail est d’une espèce assez chétive, parce qu’il ne reçoit d’autre nourriture, toute l’année, que celle qu’il ramasse dans les bruyères en parcourant une grande étendue de terrain;  mais il n’en est pas moins précieux pour la propriété, attendu qu’en rentrant chaque soir dans le parc, il y dépose durant la nuit une grande quantité de fumier qui ne coûte rien, tandis que la laine qu’il produit couvre les frais de garde et l’intérêt du capital.

Ce fumier cependant suffit à peine à l’engrais des terres sablonneuses, perméables, humides en hiver et brûlantes en été. On pourrait sans doute par quelques améliorations se procurer ces engrais en plus grande quantité, ou les rendre plus propres à la nature du sol auquel ils sont destinés : mais ces améliorations sont bien loin d’être ce que peuvent le penser les agronomes théoriciens et même pratiques, étrangers au pays et n’ayant aucune connaissance de l’effet des eaux ferrugineuses des Landes et de l’action d’un soleil brûlant sur des terres légères ou sablonneuses.

Une croupe fort élevée partage en quelque sorte les Landes en deux parties : elle s’étend depuis l’Adour, près de Tartas, et vient finir, par une pente insensible à l’œil, à Castelnau-en-Médoc, à dix lieues au-dessous de Bordeaux. Il en résulte deux versants pour les eaux pluviales et de sources : l’un regarde la Garonne et est, par conséquent, opposé au levant ; il est moins étendu que le second dont je vais parler ; par suite, les pentes sont plus rapides et l’écoulement des eaux ou le dessèchement du sol plus prompt.

Le second versant regarde la mer et la chaîne des dunes, et se trouve exposé au couchant. Son développement est beaucoup plus étendu, par conséquent les pentes sont moins rapides que sur le premier, et l’écoulement des eaux ou le dessèchement des terres infiniment plus lent.

Les eaux du premier versant s’écoulent facilement par les lits des rigoles et des ruisseaux qu’elles ont creusés, car elles arrivent, sans empêchement, d’une part à l’Estampon et à la Douze, qui affluent dans l’Adour, au-dessus de Tartas, et de l’autre au Ciron et au ruisseau de Castres (Gua mort), qui se jettent dans la Garonne. Aussi ce versant oriental de la croupe des Landes se trouve promptement desséché chaque année après l’hiver, ce qui le rend peu fertile, peu cultivé, peu boisé, bien qu’il soit rapproché de la route royale tendant de Bordeaux à Bayonne et des points où il existe déjà une population industrieuse et assez importante.

Il en est tout autrement a l’égard du grand versant opposé qui s’étend en pente insensible vers la mer et qui comprend la contrée fort importante qu’on nomme le Maransin, pays couvert de magnifiques forêts résineuses et de chêne.

Les eaux pluviales et de source se sont bien creusé, comme dans le premier versant, des rigoles et des lits de ruisseaux qui tous se dirigent vers la mer, mais l’étendue étant, comme nous l’avons dit, beaucoup plus considérable et les pentes moins rapides, les eaux éprouvent beaucoup plus de difficulté et de lenteur à s’écouler, et arrivées dans les parties basses qui forment le Maransin, elles s’y trouvent complètement arrêtées ; c’est ce qui a besoin d’être indiqué avec quelques détails.

[123]

On sait que depuis l’embouchure de la Gironde jusqu’à celle de l’Adour, tout le littoral est bordé d’une chaîne de dunes de sable de soixante lieues de longueur sur deux environ de largeur : ces dunes forment un obstacle infranchissable au prompt écoulement des eaux, car elles ne sont tranchées que sur cinq points dont trois seulement méritent notre attention ; a quoi il faut ajouter que les sables qui nécessairement forment les côtés de ces passages, les encombrent par des éboulements journaliers.

Le premier de ces passages est situé au Vieux-Boucau, à huit lieues de Bayonne, et n’a que six a huit mètres de largeur ; le second, situé au centre du Maransin, est à Mimizan, ville jadis port de mer et comptant six mille âmes : elle a disparu sous les sables et est remplacée aujourd’hui par trois ou quatre chétives constructions ou cabanes.

Comme celle du Vieux-Boucau, la passe de Mimizan n’a pas au-delà de six à huit mètres de largeur, et de même, elle est encombrée par les éboulements de sables, à ce point, qu’elles n’offrent de passage aux eaux intérieures que lorsque celles-ci, grossies par les pluies, montent à un niveau élevé.

Le troisième point, situé à quinze lieues de Mimizan, est l’embouchure de la baie d’Arcachon. Bien que cette passe ait une demi-lieue de largeur, les mêmes inconvénients, les mêmes obstacles existent. Cette passe est remplie de bas-fonds ou bancs de sables mouvants qui changent de place a toutes les marées, à l’exception du grand banc nommé le Matoc, qui couvre et découvre, qui se trouve au milieu et divise ainsi cette embouchure en deux passes, celle du nord et celle du sud.

[124]

La baie d’Arcachon a quinze ou dix-huit lieues de tour, et son embouchure est déjà insuffisante, par suite de l’encombrement des sables, pour le passage des eaux de la mer, soit à mer montante, soit au juzan ou descendant. Il n’en faut pas d’autre preuve, pour celui qui a observé, que la différence de niveau qu’on remarque dans le chenal d’entrée, malgré la rapidité sans égale des courants : ainsi une heure après le moment où la marée s’est fait sentir sur la côte, le niveau de l’eau de la mer se trouve élevé de plus d’un pied que le niveau de l’eau au milieu de la baie, et toujours par suite de la même cause, une heure après celle de la pleine mer, le niveau de l’eau, au milieu de la baie, se trouve, à son tour, élevé de plus d’un pied que celui de la mer en dehors de la passe. Cela fait voir combien cette troisième passe est insuffisante, même pour l’eau de la mer ; à plus forte raison si, à ces eaux de la mer qui remplissent les passes, on ajoute celles qui s’échappent de l’immense versant de la croupe des Landes dont j’ai parlé. Aussi, la rivière de Leyre, qui en recueille une partie pour la verser dans la baie d’Arcachon, sort de son lit et déborde sur toutes les Landes voisines durant six mois de l’année.

C’est donc l’insuffisance en nombre et en largeur des points d’écoulement au travers de cette chaîne de dunes qui est la cause de la présence, presque continuelle, des eaux sur le versant occidental et sur le Maransin.

Mais cette circonstance a été très favorable à ce versant, en ce sens qu’elle a assuré à ces terrains une supériorité notable sur les terrains du versant oriental, bien que les uns et les autres aient également été formés des sables purs vomis par la mer et poussés par les vents d’ouest.

En s’écoulant lentement depuis le sommet du versant occidental et dans toute sa largeur, les eaux pluviales et de sources ont dû entraîner tout l’humus, tout le détritus des plantes qui couvrent les Landes, et tout l’engrais déposé par les nombreux troupeaux qui les parcourent.

Les eaux arrêtées par la chaîne des dunes lorsqu’elles sont arrivées à un certain point, s’élèvent et débordent dans toutes les parties basses : elles deviennent stagnantes, et alors elles déposent tout ce qu’elles ont entraîné dans leur cours. Or, cet effet répété chaque année durant une suite de siècles, a produit une couche plus ou moins épaisse de terreau ou de terre végétale.

L’hiver passe, les pluies cessent, et la surabondance des eaux trouve enfin à se loger dans les étangs de Cazau, Biscarosse, Aurillan, Saint-Julien, Léon, et enfin de Soustons, tous situés aux pieds des dunes, et dont la surface immense, en facilitant l’évaporation, peut contenir le reste des eaux du versant occidental. C’est ainsi que ce versant se trouve desséché durant quatre mois environ de chaleur.

Ce territoire, qui comprend les immenses forêts du Maransin au milieu desquelles on rencontre de belles forges et de nombreux ateliers de térébenthine et de résine, est peut-être le seul qui puisse permettre à l’industrie de grandes opérations et des bénéfices réels ; mais l’économie, l’étude du sol et du climat, l’expérience, et notamment la loyauté, doivent constamment présider à la direction de ces entreprises, ou bien elles seront désastreuses, quelle que soit la masse des capitaux qu’on y engagera.

Dire que les Landes en général offrent des avantages et des bénéfices a l’industrie agricole exploitée par des compagnies, parler du climat et de la température (brulants depuis le mois de mai jusqu’en septembre, ce qui fait qu’on n’y cultive que très peu de froment, mais beaucoup de grains de mince valeur, tels que le seigle, le millet, le sarasin et un peu de maïs) ; dire au contraire, qu’on y récolte partout des grains, des fourrages et des fruits de première qualité, c’est abuser les capitalistes éloignés, et les conséquences de cette erreur deviendraient très préjudiciables à la contrée elle-même, car il lui faudrait bien des années pour se relever de la défaveur que jetterait sur elle le mauvais succès des premières tentatives. La vérité est qu’un quart des Landes peut réellement être exploité avec avantage, et même, en quelques points, par des compagnies, et que les trois quarts ne doivent recevoir d’amélioration que par la culture forestière, et notamment par celle du pin maritime. Mais encore cette dernière manière de tirer parti des Landes n’est pas du ressort des compagnies, dont l’administration dévore à l’avance les bénéfices. Elle est le fait du petit propriétaire, qui réside sur son héritage, qui le défriche peu à peu ou le fait défricher sous son œil et à bas prix ; qui vit d’infiniment peu, qui récolte la graine de pin ; qui la sème ; qui profite de l’éclaircissage des jeunes arbres, perdu pour une compagnie ; qui garde lui-même, ou au moins voit chaque jour son troupeau ; enfin qui tire parti de tout. Celui-là peut semer et attendre l’époque à laquelle ses pins lui donneront un excellent revenu. Il retirera 6 et 8 pour cent du prix de son héritage, tandis qu’une compagnie qui tenterait la même opération, malgré tout ce qu’elle pourra promettre dans son pompeux prospectus, n’aura pas un pour cent du capital ; entendez-vous, un pour cent ; car à l’emploi d’un capital considérable, pour achat des Landes, pour les constructions et le matériel dont l’intérêt devra d’abord être servi à 4 pour cent au moins, il faudra ajouter le traitement, toujours fort élevé, de directeur, d’inspecteur, d’ingénieur peut-être, de conducteurs, de surveillants, de gardes, enfin, de cet état-major que toutes les compagnies qui surgissent en France croyent indispensable à la réussite des opérations pour lesquelles elles se forment.

Cette distinction une fois bien établie entre les deux parties dont se compose la contrée des Landes et entre les natures de travaux nécessaires pour les améliorer, il est facile de voir laquelle des deux présente le plus d’avantage pour l’ouverture d’un canal navigable et de dessèchement courant de l’Adour a la Garonne.

Le versant occidental, ainsi qu’on vient de le voir, possède des terres d’une qualité supérieure et des forêts immenses dont les produits volumineux et déjà existants, offrent un excellent revenu. On y compte un nombre considérable de forges au charbon de bois et des usines à térébenthine, qui consomment les arbres âgés ne donnant plus de résine. Les dunes, à l’ensemencement desquelles le Gouvernement dépense des sommes considérables, longent cette zone supérieure de terre, et fourniront, par leur produit, un aliment de plus aux transports du canal. D’un autre côté, il n’existe aucune usine importante sur la rivière de Leyre dont on emprunte, à un niveau reconnu convenable, toute l’eau nécessaire à une voie navigable, et cela sans frais d’indemnité. Enfin, il est beaucoup plus utile et avantageux, Messieurs, vous pouvez en croire mon expérience, de dessécher des Landes inondées, que d’irriguer celles qui paraissent trop sèches, et cela avec des eaux ferrugineuses, beaucoup plus nuisibles que profitables pour une bonne végétation. Il ne faut donc pas s’étonner que le premier projet qui ait été formé pour la création du canal en question ait donné une préférence marquée a cette partie des Landes qu’on nomme le Maransin.

L’auteur du projet, M. Balguerie-Stuttenberg, d’honorable mémoire, avait compris une aussi vaste opération et n’en fut point effrayé. Encouragé par M. d’Haussez, l’un des préfets les plus actifs et les plus capables dont Bordeaux ait conservé le souvenir, il mit à la disposition de M. Deschamps, alors ingénieur en chef, les fonds nécessaires pour rechercher des niveaux et faire des études et des essais de portions d’un canal. Ces travaux préparatoires furent exécutés et les plans remis a M. Balguerie-Stuttenberg : ils furent accompagnés d’un Mémoire fort remarquable de M. Deschamps. Ce projet, terminé le 31 mars 1826, fut approuvé par le Conseil général des ponts-et-chaussées et par la commission mixte des travaux publics, le 2 juillet 1827 ; c’est ce qui a fait dire a M. Deschamps dans son Mémoire a l’appui, que des juges compétents ont reconnu, après un examen approfondi, que ce projet satisfait à toutes les conditions qui motivent le canal : et on trouve ailleurs, dans son ouvrage, que ce grand canal, tel qu’on en présente le tracé, est le seul exécutable, le seul avantageux a la contrée des Landes, devant les dessécher et les assainir, remplissant toutes les conditions voulues, profitable enfin aux Landes et aux commerces de Bordeaux, Bayonne et la Teste.

En effet, ce canal partant de l’Adour, au point de la Marqueze, au-dessus de Bayonne, traversait tout le Maransin en longeant la chaîne des dunes en grande partie ensemencées et sur lesquelles le Gouvernement ou la compagnie formaient de grandes espérances. Il arrivait à Béliet où il recevait, à un niveau convenable, les eaux de la Leyre. De ce point, il se divisait en deux artères : l’une se dirigeait sur la Teste, second port du départements de la Gironde, et qui a été si utile au commerce de Bordeaux en temps de guerre, la mer et la côte d’Arcachon ne permettant pas aux croiseurs ennemis de s’y tenir pour fermer l’entrée de la baie, tandis qu’ils étaient constamment soit a l’entrée, soit en vue de l’embouchure de la Gironde ; l’autre artère se prolongeait jusqu’à Bordeaux ou à la Garonne, après avoir forcément touché à Castelnau-en-Médoc, pour tourner la fin de la croupe des Landes dont nous avons parlé.

Malheureusement la fin prématurée de M. Balguerie-Stuttenberg arrêta l’exécution de ce grand projet au moment où l’on s’en occupait avec le plus d’activité : et l’on cessa d’en parler durant plusieurs années tant à Bordeaux qu’à Bayonne et à la Teste.

Cependant la nouvelle maison Balguerie avait dû prendre la suite de toutes les affaires commencées ou suspendues à l’époque du décès de M. Balguerie-Stuttenberg, en sorte qu’elle en était pour ses frais d’études, pour ses acquisitions de Landes, faites sur la ligne du premier projet, et M. Deschamps avait sujet, de son côté, de regretter la direction de ce grand travail, et l’honneur qui en eût rejailli sur son nom.

On réfléchit, on se consulta, on mesura ses forces, on chercha à deviner quel chiffre le Gouvernement serait disposé à accorder à titre de subvention pour l’ouverture d’un canal dans les Landes ; tout ce qui résulta de ces réflexions ne donna pas le courage nécessaire.

[125]

Cependant on voulait faire, mais le peu était encore beaucoup, car il avait été reconnu que le minimum de la dépense du canal était bien de 27 millions. La subvention espérée pour le premier projet eût été peut-être un encouragement s’il ne se fût agi que d’une dépense de 15 à 16 millions ; la nouvelle maison Balguerie eût trouvé un moyen de rentrer dans ses débours, et M. Deschamps eut été encore grandement dédommagé en rattachant son nom à un canal quelconque devant parcourir les Landes et dont il eût eu la direction.

Cinq années s’écoulèrent, et on pensa que ce temps avait été plus que suffisant pour faire oublier du public tout le bien, toutes les espérances qu’on avait prêtées, soit verbalement, soit par écrit, au vaste projet de Balguerie-Stuttenberg. Ce fut donc après ces cinq années qu’on vit paraître, non sans quelque étonnement, un nouveau projet de canal (celui qu’on présente aujourd’hui) entièrement opposé au premier puisque, au lieu de traverser le versant occidental, et par conséquent toutes les forêts du Maransin, au lieu de longer les dunes pour lesquelles le Gouvernement n’a pas cessé de faire des frais, il longeait parallèlement, ou à peu près, la route royale de Bordeaux à Bayonne, en parcourant le versant opposé ou oriental.

Le premier et vaste projet devait coûter 27 millions. Le second ne devait en coûter que 23, mais en retranchant la rigole tirée de l’Estampon, chose que je crois impossible, car alors on n’aurait pas assez d’eau pour alimenter le canal. Puis en retranchant aussi l’embranchement dirigé sur la Teste, la dépense était réduite à 16 455 980 francs. Or, comme on n’a plus parlé que de ce dernier chiffre ; qu’on le retrouve dans le projet de loi présenté à la Chambre des Députés dans sa séance du 15 février dernier (1837), il est clair que les idées sont bien arrêtées à ce sujet, que la Teste est sacrifiée, de telle sorte que, second port de mer de la Gironde, seul et véritable port de mer des Landes, elle ne recevra aucun bienfait, aucune amélioration, soit pour son agriculture, soit pour son commerce, d’un grand travail essentiellement conçu pour vivifier les Landes et répartir un peu de bien-être sur les villes qui en sont voisines.

Le second projet fut soumis au conseil d’arrondissement de Bordeaux dans sa séance de janvier 1833, et ayant été chargé à l’unanimité des fonctions de rapporteur, je me crus obligé de dire toute ma pensée.

  1. Deschamps fut blessé de quelques expressions qui m’échappèrent dans la précipitation de mon travail : il pensa et dit dans le sein d’une commission qui s’en suivit, que j’étais guidé par un intérêt personnel ; que, propriétaire sur les bords de la baie d’Arcachon, je repoussais le second projet de canal par cela seul qu’il était moins avantageux à mes propriétés que le premier. Or, M. Deschamps me connaissait mal ; et aujourd’hui que je ne suis plus propriétaire et résident dans cette partie de la Gironde, je n’en ferai pas moins toute l’opposition qui sera en mon pouvoir à une conception qui ne satisfait à aucun des besoins de la contrée. Le fait est qu’alors comme aujourd’hui, je ne comprenais pas qu’après s’être prononcé durant cinq années, comme il l’avait fait publiquement, sur le premier projet, M. Deschamps vînt subitement l’abandonner, et cela uniquement pour avoir la satisfaction d’exécuter un canal quelconque et d’en diriger les travaux. Quant à la maison Balguerie, quel motif pouvait la porter à prêter son nom à l’exécution de ce second projet ? Ce n’était point l’avenir des dunes sur lesquelles cette maison avait eu quelques vues, puisque d’après l’ordonnance royale du 21 mars 1821, le premier projet de Balguerie-Stuttenberg était une conséquence de l’avenir de ces mêmes dunes. Ce n’était point l’intérêt personnel, du moins en ce qui touche les Landes acquises par elle au nom de la compagnie qu’elle représente à Bordeaux, puisque ces Landes sont situées, ainsi que les dunes, très près de la ligne du premier projet, et par conséquent éloignées de plus de vingt lieues du nouveau. Était-ce le désir de rentrer dans les avances personnelles que cette maison avait faites du vivant de Balguerie-Stuttenberg, pour les études du grand canal ? Mais presque tous les fonds que cette maison pouvait regretter avaient été employés pour les études et les essais faits sur la première ligne qu’elle a abandonnée volontairement, et fort peu sur la seconde, qui est cependant celle qu’on a persuadé au Gouvernement d’adopter. Était-ce enfin le désir de se rendre concessionnaire d’un canal dans les Landes et l’espoir, s’il était moins important, de pouvoir l’entreprendre avec la subvention promise pour le premier projet et les fonds d’une Compagnie ? Mais la maison Balguerie doit savoir qu’une bonne affaire ne manque jamais de capitaux à l’époque où nous vivons.

Les résultats bien jugés à l’avance sont tout en pareille matière, car ce sont les résultats qui doivent déterminer le chiffre de la dépense, et cette vérité ne doit pas plus échapper, dans cette circonstance, à la prévoyance du Gouvernement qu’à celle d’une compagnie.

D’ailleurs, si dans le premier projet on porte la dépense à 27 millions, il faut considérer que ce canal emprunte à la rivière de Leyre toute l’eau qui lui est nécessaire, et cela sans indemnité à payer. Et si dans le second projet on ne porte la dépense qu’à 16 millions, il faut considérer qu’on ne parle pas, avec intention sans doute, des indemnités à payer ; or, ces indemnités, pour les nombreuses et importantes usines qui sont sur le Ciron et sur l’Estampon dont on prend la presque totalité des eaux, et pour la privation du droit de flottage, dont plusieurs propriétaires d’usine sont en possession sur ces rivières ; ces indemnités, dis-je, seront énormes, et feront bien vite monter la dépense de 16 millions au chiffre qu’eût nécessité l’exécution du vaste et profitable projet de Balguerie-Stuttenberg. Les résultats de ce canal eussent été incalculables pour les Landes, Bordeaux, Bayonne et la Teste : les résultats du canal qu’on lui substitue seront tellement minimes qu’ils passeront, on peut le dire à l’avance, inaperçus.

Aujourd’hui que c’est le Gouvernement qui parait disposé à vouloir exécuter ces travaux, on laisse faire et on se borne a lui demander les frais d’études, sur le pied de … le Gouvernement offre de payer ces études au prix de 140 mille francs, bien qu’elles aient été faites aux trois quarts sur une ligne qu’on a abandonnée volontairement et sans motifs. Nul doute que s’il est réellement dû, n’importe à qui, quelqu’indemnité pour des études dont on croie pouvoir se servir, le Gouvernement doit les payer ; mais vous, Députés de la Gironde, vous porterez plus haut votre attention et votre sollicitude. Il est de votre devoir, puisque l’État veut bien consacrer aux Landes des sommes importantes, de veiller à ce que ce sacrifice, que nous n’obtiendrons peut-être pas une seconde fois pour notre pays, soit utilement employé, et tourne ainsi a l’avantage et au bien-être de la population qui vous a confié ses intérêts.

 

de Sauvage, Propriétaire du Château de Lamarque en Médoc.

Paris, ce 1er avril 1838.

 

Observations adressées à MM. les Députés de la Gironde, sur le projet de canal à ouvrir dans les landes, présenté à la Chambre dans sa séance du 17 février 1837 [Signé : De Sauvage, 1er avril 1838.]

Éditeur : impr. de A. Moëssard et Jousset (Paris)

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6266255v/f7.image.r=leyre?rk=536483;2 [126]

 

Voir

Archives départementales de la Gironde

6 J 16 / Canaux et rivières – Canal des Grandes-Landes ou du Duc de Bordeaux – Tableaux et estimations de dépenses ; métrés et détails d’ouvrages à exécuter ; nivellement, calculs ; dossier du canal d’essai de Beliet.

6 J 18 / Canaux et rivières – Canal des Grandes-Landes ou du Duc de Bordeaux – Nouveau projet de canal avec embouchure à Dax ; études et rapports de Deschamps et Billaudel ; cahier des charges, métrés, estimations, tarifs ; statistiques fournies par divers chefs de service ; carte du canal ; état et métré du canal de Beliet.

1844 – France, navigation intérieure, Dubrena, Bassin d’Arcachon, la Teste de Buch, Cazau, le Teich, la Motte, le Canau R., Mios, Leyre R., Salles, Bief de Partage, Beliet, Belin, Mons, Canal des Grandes Landes (2), le Barp, Comprian, Chau de Certes, Lanton, Audernos, Liege, le Porge [127]

Carte de la navigation de la France, de la Belgique, de la Hollande et de la rive gauche du Rhin…

par V. Dubrena…

[128]

Bassin d’Arcachon, la Teste de Buch, Cazau, le Teich, la Motte, le Canau R., Mios, Leyre R., Salles, Bief de Partage, Beliet, Belin, Mons, Canal des Grandes Landes (2), le Barp, Comprian, Chau de Certes, Lanton, Audernos, Liege, le Porge

Chemin de fer de Bordeaux à La Teste-de-Buch et canal de La Hume à Cazaux, et canal reliant l’étang de Parentis à celui d’Aureillan. Dessin de deux canaux des « Grandes Landes » (en projet), l’un de Bacalan par Sainte-Hélène, Salles (Bief de partage, Sanguinet, etc., l’autre de Bordeaux Paludate, via Villagrains, Sore, etc., et représentation des Rigoles.

[129]

Le flottage des trains ou radeaux débute à Béliet ; « le bois qui flotte sur la Leyre est destiné à quelques forges qui sont sur ses abords. »

[130]

« Le canal des Grandes Landes par la Leyre donnerait à l’agriculture une immense étendue de pays couvert de marais et de bruyères. Les forêts de pins qui s’y trouvent indiquent les ressources que le gouvernement tirerait pour la marine, de ce vaste terrain resté jusqu’ici sans culture. »

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53083232m.r=%22navigation%20int%C3%A9rieure%22?rk=364808;4 [131]

1847 – Chemins de fer et … voies navigables, Andriveau-Goujon – Bassin d’Arcachon, la Teste de Buch, Belin, Audenge

[132]Carte des travaux publics en France comprenant le réseau complet des chemins de fer et.. . voies navigables

Bassin d’Arcachon, la Teste de Buch, Belin, Audenge

Éditeur  :  J. Andriveau-Goujon (Paris)

1855 – Landes de Gascogne, Stewart – Bassin d’Arcachon, La Teste, Canal d’Arcachon, Et de Cazeau, Gujan, Le Teich, Chemin de fer de Bordeaux à La Teste, la Mothe, La Leyre R., Salles, Lugos, Belien, [Canal des Grandes Landes], Route Impériale de 3e classe n°132, Le Barp, La Croix de Hins, Argenteyres, Biganos, Comprian, Audenge, Andernos, Arès, Lège, Canal d’Arès à la Gironde, Le Porge

[133]

Carte générale des Landes de Gascogne

exprimant les diverses lignes de canalisations et de chemins de fer… Projet de 1855 par William Stewart (18..-18..?). Cartographe, ingénieur civil.

[134]

Bassin d’Arcachon, La Teste, Canal d’Arcachon, Et de Cazeau, Gujan, Le Teich, Chemin de fer de Bordeaux à La Teste, la Mothe, La Leyre R., Salles, Lugos, Belien, [Canal des Grandes Landes], Route Impériale de 3e classe n°132, Le Barp, La Croix de Hins, Argenteyres, Biganos, Comprian, Audenge, Andernos, Arès, Lège, Canal d’Arès à la Gironde, Le Porge

[135]

Y sont figurés :

En séance du 8 septembre 1855, est lue la pétition de M. William Stewart, au sujet des canaux des Landes.

« Dans une de vos précédentes séances, vous avez exprimé un vœu en faveur de l’exécution du canal des Grandes-Landes, en insistant sur l’utilité de cette belle entreprise, que ne détruit pas la création du chemin de fer de Bordeaux à Bayonne ; cette utilité étant principalement fondée sur les intérêts de l’agriculture et de la salubrité publique.

Depuis cette époque, une demande relative au même objet a été déposée sur votre bureau et renvoyée à votre commission de l’agriculture, du commerce et des travaux publics.

Cette demande se divise en deux parties :

La première, ayant trait à un vœu en faveur de l’exécution du canal des Grandes-Landes, a reçu une satisfaction complète par le vote que vous avez déjà exprimé.

La seconde indique un moyen pour arriver à l’exécution du canal des Grandes-Landes, de plusieurs canaux projetés comme accessoires nécessaires du principal, et parle aussi d’achats considérables de terrains. C’est sur cette partie spéciale que votre commission m’a chargé de vous présenter un rapport supplémentaire.

Le Conseil de l’arrondissement de Bordeaux émet le vœu qu’il soit très prochainement avisé aux moyens d’améliorer le port d’Ares, lequel est rendu presque complètement inabordable par suite de l’accumulation des vases.

L’administration consultée a répondu qu’un projet était à l’étude.

Les travaux des ports maritimes sont entièrement à la charge de l’État, qui exige néanmoins avec raison que les localités s’imposent des sacrifices en rapport avec l’importance des travaux, l’intérêt qu’elles ont à leur exécution et les ressources dont elles peuvent disposer.

Votre commission a appris officieusement que, malgré l’exiguïté de ses ressources, la commune d’Ares paraissait disposée à s’imposer un sacrifice assez considérable.

De leur côté, MM. les Ingénieurs s’occupent de dresser un projet d’amélioration du chenal et du port d’Ares, localité qu’ils considèrent comme appelée à prendre une plus grande importance par suite de l’achèvement des voies de communication en cours d’exécution.

Ce projet doit avoir pour premier effet de rendre praticable le chenal actuel, que l’accumulation des vases rend chaque jour moins navigable à travers une plage de 1 200 mètres, dont la pente est presque insensible, et qui est alternativement couverte et abandonnée par la mer, à chaque nouvelle marée.

La vie si difficile et si précaire de nos populations maritimes a droit à toutes vos sympathies, Messieurs, aujourd’hui surtout que leur partie la plus jeune et la plus active est appelée à aller au loin soutenir la gloire de nos armes, et laisse tant de vieillards et de femmes obligés de se livrer seuls aux travaux les plus pénibles.

Le port d’Ares, placé à l’extrémité du bassin d’Arcachon, n’a pas encore ressenti les effets de l’heureuse transformation qui s’opère ailleurs sur ses bords.

Tandis que de charmantes villas s’élèvent comme par enchantement sur la plage d’Arcachon, et que le bruit des fêtes vient étonner les échos de la forêt de La Teste, les pêcheurs d’Ares n’entendent encore, du fond de leurs retraites, que les mugissements lointains de l’Océan.

Pour eux, les heures du repos et du travail sont marquées par le mouvement des flots. Ils sont obligés de veiller et d’attendre qu’ils s’élèvent jusqu’à eux pour profiter d’un seul instant favorable, ou d’aller loin de leurs habitations coucher sur leurs frêles embarcations, exposés à mille dangers.

Nous pourrions, Messieurs, nous étendre davantage sur cette triste situation, mais nous n’en avons pas besoin pour compter sur les sentiments d’humanité et de bienveillance dont vous avez déjà donné tant de preuves.

Un projet se prépare et contribuera à améliorer le sort d’une population malheureuse qui mérite tout votre intérêt.

 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53083282p.r=canal%20landes?rk=21459;2 [136]

Rapports et délibérations, Conseil général de la Gironde, 1855

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5613145k/texteBrut [137]

William Stewart demande en 1856 la concession du canal des grandes Landes aboutissant à Bordeaux ; il sollicite aussi celle du canal des étangs qu’il fait déboucher dans la Gironde au petit pont de St-Vivien.

M. l’Ingénieur en chef Descombes demande l’exécution de ce canal, et nous l’appuyons dans notre rapport afin que par contre M. Descombes appuie dans le sien la construction de la partie landaise de celui des Grandes Landes.

Moyennant une dépense d’un million de francs, on peut relier Sanguinet au bassin d’Arcachon, dont on s’occupe d’améliorer les passes et de faciliter l’accès. Nous pensons que cette jonction ne peut être que favorable au département des Landes, et nous proposons de construire le canal des étangs comme un complément naturel et utile de celui des grandes Landes, mais sans le classer toutefois, comme ce dernier, dans la première catégorie des ouvrages à construire.

M. Stewart, ne peut trouver la garantie de 4 p. 0/0 d’intérêt qu’il demande pour exécuter son projet de canal par les étangs des deux départements.  L’engouement pour les chemins de fer, l’accord intervenu, trop tard (1851) font abandonner des projets scientifiquement conçus dont le dernier, de l’ingénieur Stewart (1855-56), avorte au milieu de l’indifférence et de l’incrédulité publique. Il faut arriver à l’époque actuelle pour faire une exacte appréciation du rôle économique de l’une et de l’autre voie de communication.

Rapports et délibérations / Conseil général des Landes, août 1878

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5780095c/f321.image.r=krantz%20canal%20capbreton%20landes%20arcachon?rk=85837;2 [138]

https://i1.wp.com/escolagastonfebus.com/wp-content/uploads/2021/06/Carte-Ge%CC%81ne%CC%81rale-de-sLandes-de-Stewart-William-2.jpg?ssl=1 [139]

Bulletin de la Société de géographie commerciale de Bordeaux, 1879

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5567343t/f319.item.r=Duponchel%20Deschamps%20feldspathiques# [140]

1861 – France, navigation intérieure, Dubrena, Bassin d’Arcachon, Arcachon, la Teste de Buch, Cazau, le Teich, la Motte, le Canau R., Mios, Leyre R., Salles, Bief de Partage, Beliet, Belin, Mons, le Barp, Comprian, Chau de Certes, Lanton, Audernos, Liege, le Porge

[141]

Carte Générale des principales voies de communication de la France, de la Belgique et d’une partie des Etats limitrophes

dressée au Depôt des Cartes et Plans du Ministère de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics V. Dubrena.

[142]

Bassin d’Arcachon, Arcachon, la Teste de Buch, Cazau, le Teich, la Motte, le Canau R., Mios, Leyre R., Salles, Bief de Partage, Beliet, Belin, Mons, le Barp, Comprian, Chau de Certes, Lanton, Audernos, Liege, le Porge

Le flottage des bois est signalé possible depuis Commensacq sur la Grande Leyre.

[143]

Le train arrive à Arcachon.

En rajout, tracé d’un canal entre le delta de l’Eyre et le Pilat via La Teste-de-Buch, et embranchement vers le lac de Cazaux.

Près de Salles, le Bief de Partage est signalé alors que le projet de canal des « Grandes Landes » ne figure plus.

Une ligne pointillée, avec coloriage en bleu des terrains situés à l’ouest de cette ligne, indique la zone militaire.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530987548/f1.item.zoom [144]

1873 – Canal du Littoral, Krantz

Le 25 janvier 1873, M. Krantz, député, rapporteur de la Commission des voies de transport, reprenant les études de Deschamps, lit à la Chambre l’étude d’un canal, dit canal du Littoral, qui part de Bayonne pour se terminer dans les docks de Bordeaux (Coût : 30 à 35 millions).

[145]

Ce canal est alimenté par l’Adour et ses affluents, les deux Leyre, et les petits cours d’eau qui tombent dans les étangs de Tosse, de Soustons, de Léon, de Lit, d’Aureilhan, de Biscarrosse, de Cazaux, et me Bassin d’Arcachon.

[146]

Le 14 février 1878, M. Perreau, ingénieur en chef à Mont-de-Marsan, adresse un très remarquable rapport où se trouvent longuement développées toutes les questions touchant l’exécution des canaux dans ce département. La partie relative au canal des Grandes Landes est tout entière à citer : côté technique, trafic probable, alimentation, avantages pour l’État, pour le département, pour les particuliers, tout est successivement étudié avec détail, en se basant sur des données précises. Dans le tracé rapide indiqué par M. Krantz et accepté ensuite par M. Perreau, le canal part de Bordeaux-Paludate, s’élève comme dans le projet Deschamps de 1832 sur le plateau de Saint-Magne, où s’établit le bief de partage à la cote 60. Le canal descend ensuite par le ruisseau de Beliet, traverse la Leyre près de Belin, et suit ensuite, avec la cote 18, le tracé indiqué en 1826 par Claude Deschamps à travers le Marensin, passant à Sanguinet et aboutissant au port de la Marquèze, au-dessous de Saubusse sur l’Adour ; il est relié au Bassin d’Arcachon. Les rigoles destinées à amener au canal les eaux de la Leyre ou du Ciron sont rendues navigables, et la Leyre de Sore est rendue flottable à la façon de la haute-Yonne. M. Krantz comprend aussi parmi les travaux urgents le canal de Hourtins au bassin d’Arcachon, et la canalisation de la Midouze et de l’Adour avec un tirant d’eau de 1 m 60, celle de la Douze avec 0 m 80 de profondeur.

  1. de Freycinet, en 1878, fait nommer une Commission des canaux et, en 1879, un rapport complet sur l’exécution du canal des Landes est dressé par M. Perreau, ingénieur en chef à Mont-de-Marsan.

Le 5 août 1879, le plan Freycinet, comprenant le projet des Landes classé comme ligne secondaire, est converti en loi. Mais les chemins de fer ont alors fait tous leurs efforts pour tuer les canaux au moyen de lignes économiques et de tarifs de transport spéciaux destinés à faire croire à l’inutilité de la canalisation et à son impossibilité de les égaler.

La question entre dans sa 4e phase à la suite de la crise du matériel subie par toutes les compagnies de chemins de fer pendant l’année 1900, crise qui aboutit au projet de loi Baudin : alors ministre des Travaux publics, Pierre Baudin 1863-1917, député de l’Ain, est chargé par le gouvernement d’ouvrir une vaste enquête auprès des Conseils généraux et des Chambres de commerce en vue d’établir un nouveau programme de grands travaux publics s’appliquant exclusivement aux voies navigables et aux ports maritimes. Notons que le plan Baudin se distingue du plan Freycinet car ce dernier n’était pas consacré qu’aux seules voies navigables.

Cette loi est urgente et doit aboutir ; l’utilité des canaux des Landes est, en effet, incontestable. Par le transport à bon marché des engrais rationnellement employés, et, par exemple, par l’utilisation des vases fertilisantes de la Garonne, on augmenterait le rendement des céréales qui occupent une si grande proportion (70% au lieu de 50%, la moyenne pour la France) dans les cultures annuelles du Sud-Ouest.

Si ce rendement pouvait être doublé ou égaler celui obtenu dans des pays moins favorisés sous le rapport du climat comme la Belgique ou le Danemark, il en résulterait pour la région une plus-value annuelle d’un demi-milliard.

Par les engrais encore, les Landes feraient d’excellents prés ; le rendement de la pomme de terre s’élèverait et l’extension de cette culture pourrait être quintuplée en vue des industries de l’alcool ; il en serait de même pour les betteraves.

Dans le département des Landes et le sud de celui de la Gironde, les terrains en landes ou en marais sont très étendus, mais ils ne sont pas inutilisables. Il manque des bras pour les cultiver, des moyens de communication en rapport avec les besoins de la contrée et les produits qu’elle donne. De l’établissement d’un réseau à voies navigables résulteraient un plus grand bien-être et le relèvement de la natalité et de la moyenne des habitants (55 par km² au lieu de 72 en moyenne)

Dans la région pyrénéenne du Sud-Ouest, la part des forêts ne dépasse pas 21% du territoire ; elle pourrait être doublée ; l’industrie du papier deviendrait très prospère. Dans les Pyrénées, il existe encore une série d’autres richesses : mines de zinc, de fer, marbres, houille manganèse, plomb, pyrites, bauxites, sel, forces hydrauliques.

Tous les produits des Landes sont lourds et encombrants et ceux qui leur seraient utiles, comme les engrais, le sont aussi ; ils ne peuvent être transportés économiquement que par les canaux ; la zone de drainage commercial de ceux-ci est bien supérieure à celle des chemins de fer.

Ainsi donc les canaux des Landes amèneraient une transformation économique, radicale et complète de la région. Grâce à eux, toute la terre landaise serait exploitée et prendrait rang parmi les plus riches de la France.

Le plan de canalisation doit être inspiré dans l’esprit le plus large. Il doit satisfaire en même temps tout le Sud-Ouest : Bordeaux, Agen, Mont-de-Marsan, Dax et Bayonne, et réunir les projets : Adour à la Baïse ; Adour à la basse Garonne, c’est-à-dire relier :

1° Bordeaux à Bayonne par Dax ;

2° Bayonne à la Baïse par Dax, Mont-de-Marsan, la Douze et la Gélize.

Comment réaliser ces projets ?

C’est l’initiative privée seule qui, grâce à la puissance moderne des capitaux et à la baisse extrême du loyer de l’argent, permettra la création des canaux des Landes et dans un avenir assez rapproché le canal de la Garonne aux Pyrénées par les Landes.

À la suite de ces communications intéressant la création de voies nouvelles, le Congrès a émis le vœu : « Qu’à bref délai un canal soit construit entre la Garonne et la Loire et un autre entre la Garonne et l’Adour, conformément à la loi du 5 août 1879. »

3°. Autour du Canal des Deux-Mers. […]

4°. Jonction de tous les bassins Français. […]

1878 – Canal des Étangs (vers Paludate)

Nous ne pensons pas qu’il y ait rien de sérieux à faire sur la Leyre de Sore ; c’est au prolongement du chemin de fer d’intérêt local de St-Symphorien à Sore, que la région traversée doit demander, à notre avis, un débouché que la Leyre occidentale ne sait lui donner, faute d’eau à l’étiage.

Quant à la Leyre orientale dont la navigabilité est réclamée par la Gironde, elle peut être assez facilement rendue navigable dans les Landes jusqu’à Moustey, avec un tirant d’eau de 0m70 à 0m80 sur 10 483 mètres de longueur. La dépense s’élèverait à 420 000 fr ; c’est une dépense de 40 000 fr environ par kilomètre.

La question de la jonction de la Garonne à l’Adour a été soulevée dès 1784 par l’illustre Brémontier ; Claude Deschamps en a fait le but de sa vie : MM. les Inspecteurs généraux de Baudre, de Silguy, Goury, Pairier et plus récemment M. Krantz l’ont reprise successivement, et l’on peut dire que le Canal des grandes Landes est peut-être de tous les grands travaux de France celui qui a été étudié par le plus d’Ingénieurs distingués.

Les deux Commissions locales des ports de Bayonne et de Bordeaux ont réclamé sa construction. MM. les Ingénieurs en chef Daguenet et de La Roche-Tolay se sont joints à nous pour appuyer ce voeu. M. l’Ingénieur en chef Descombes ne s’est séparé de nous qu’en demandant le prolongement de la partie landaise par les étangs du littoral, au lieu de l’amener à Bordeaux.

La Gironde s’agite pour obtenir l’ouverture de cette grande voie. Les Landes seules, jusqu’ici, s’abstiennent ; nous avouons ne pas comprendre cette abstention dans une question d’un si haut intérêt pour le département.

Le Canal des grandes Landes part de Lamarquèze sur l’Adour, entre St-Jean-de-Marsacq et Josse dont il contourne le coteau à l’est pour remonter ensuite au nord-ouest, couper la route nationale n° 10 entre St-Geours-de-Maremne et St-Vincent-de-Tyrosse, s’incline ensuite à l’ouest pour desservir Tosse et Soustons, puis longe la région des étangs en desservant Magescq, Azur, Vielle-St-Girons, Mixe, Uza, St-Julien, Bias, Mimizan, Aureilhan, Pontenx-les-Forges, Ste-Eulalie, Biscarrosse et Sanguinet.

Pour gagner Bordeaux, on part de Sanguinet en maintenant le canal à l’altitude du grand bief du Marensin, et l’on se dirige sur la Leyre que l’on franchit près de Lugos, en aval de Belin. Le canal s’infléchit ensuite au nord pour gravir par la vallée du ruisseau de Béliet le revers occidental du plateau de St-Magne ; il dessert cette commune, celles d’Hostens et de Saucats, et redescend vers la Garonne par la vallée de l’Eau Bourde et de l’Estey de Bègles pour déboucher dans le port fluvial de Bordeaux, au quartier de Paludate, à côté de la gare St-Jean (Midi), en face de celle de La Sauve (Chemin fer de l’État).

La longueur totale du canal est de 214 kilomètres dont 144,6 km dans les Landes.

La partie de Lamarquèze à Sanguinet est indépendante complètement du prolongement soit vers Bordeaux, soit vers les étangs ; elle est alimentée par les eaux de l’étang de Cazeaux, dont l’étiage est à l’atltitude 20 ; le courant de Sainte-Eulalie qui sert d’évacualeur à cet étang, ne donne jamais moins de 2m75 en basses eaux, d’après les jaugeages de M. Aube. En plaçant le plafond du canal à l’altitude 18 maxima dans le bief correspondant, l’alimentation est assurée.

Dans les Landes, sauf les 14 kilomètres en partant de l’Adour, sur lesquels on rachète, à l’aide de six écluses, la différence de hauteur entre l’étiage à Lamarquèze et l’altitude 18, on a qu’un seul bief dit du Marensin, qui s’étend de Sanguinet jusque vers la traversée de la route nationnale n° 10. Le bief du Marensin est d’ailleurs relié à l’étang alimentaire de Cazeaux par un branchement écluse. Il y a en tout sept écluses seulement à construire dans les Landes.

L’estimation détaillée du tronçon landais s’élève à 17 millions pour 144,6 km, L’estimation totale atteint 32 millions, la partie dans la Gironde devant coûter beaucoup plus cher que la partie landaise, puisqu’elle comporte 31 écluses et que l’alimentalion du bief de partage sur le plateau de Saint-Magne est assez difficile (ou plutôt coûteuse) à assurer.

Le tronçon landais peut être construit à part. Son utilité n’est pas discutable. D’après les renseignements de l’Administration forestière, l’État perdra d’ici à neuf ans, vingt-sept millions sur les arbres qu’il a à vendre dans cette période. Il est évident que la fortune communale ou particulière perdra bien davantage. Il n’est donc pas exagéré de dire que la fortune publique bénéficierait de six millions par an si le canal existait.

Le canal doit contribuer à l’alimentation du trafic des lignes de fer perpendiculaires à celle de Bordeaux à Bayonne, et qui sont actuellement en projet.

Il est le complément nécessaire des travaux d’assainissement qui s’exécutent depuis vingt ans. Il assure la mise en valeur, on peut dire la colonisation de la grande Lande et du Marensin. C’est l’expression qu’employait M. William Stewart en 1856 quand il demandait la double concession du canal des grandes Landes et de celui des étangs. Il s’agissait, disait-il, « d’assurer l’assainissement, la mise en culture et la colonisation de huit cents lieues carrées de terrain » dans les Landes et la gironde.

 

Rapports et délibérations / Conseil général des Landes, août 1878

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5780095c/f321.image.r=krantz%20canal%20capbreton%20landes%20arcachon?rk=85837;2 [138]

1876 – Canal de l’Adour à la Garonne par le Bassin d’Arcachon

Le conseil général de la Gironde est saisi d’un projet considérable qui a pour but la jonction de la Garonne à l’Adour, par le bassin d’Arcachon.

Deux tracés sont en présence sur la ligne principale : l’un, appelé tracé par les trois lagunes (source du Gua mort, versant Garonne, et du ruisseau de Béliet, versant Bassin) et Saint-Magne ; l’autre, par Castelnau-du-Médoc.

Les auteurs du projet font remarquer que le premier tracé présente un avantage considérable ; c’est d’être placé entre Bordeaux et Dax sur une direction plus courte de 12 kilomètres ; mais, d’un autre côté, l’altitude de 60 mètres, à laquelle est placé son bief de partage, présente de sérieuses difficultés, notamment sur une longueur de 52 kilomètres, où il y aurait une hauteur moyenne de déblai au plan d’eau de 5 mètres, et en section par mètre courant de 112 mètres, y compris le déblai de la cuvette, qui est de 10 m 50 par mètre courant.

Le versant de la Garonne, d’un autre côté, aurait 20 écluses de 2 m 50 à 3 m de chute ; le versant de l’Adour en aurait 17 ; en tout, 37 écluses. Autre point capital : l’alimentation du canal n’est pas assurée. En adoptant les jaugeages faits, l’alimentation est seulement de 1 mètre cube par seconde, ce qui n’est pas suffisant. La dépense est évaluée à 30 853 625 francs, non compris l’embranchement de Sanguinet au bassin d’Arcachon, par l’étang de Cazaux et le port de La Teste.

Le deuxième tracé a, comme le précédent, son point de départ aux bassins-docks de Bordeaux. Le point d’eau est établi à 5 mètres au-dessus de l’étiage de la Garonne. Le tracé gravit, au moyen de 12 écluses, sur 25 kilomètres de longueur, la différence de hauteur entre 5 et 36 mètres d’altitude adoptée pour celle du bief de partage. Partant de Castelnau et passant par Sainte-Hélène, Argenteyre, où il traverse le chemin de fer de Bayonne, il se continue par Beliet, près Moustey, et se termine à Courgeyre (Saugnacq-et-Muret ?), sur une longueur de 95 kilomètres. De ce point, et sur une longueur de 14 kilomètres, on descend à Sanguinet à la cote 18 mètres de hauteur, au moyen de 7 écluses ; puis, par un seul bief de 124 kilomètres de longueur, on passe par ou près de Biscarrosse, Parentis, Sainte-Eulalie, Saint-Paul, Mimizan, Saint-Julien, Linxe, Saint-Geours, Saint-Léon, Soustons, Tosse, Saint-Vincent-de-Tyrosse, Saint-Jean-de-Marsac, Josse et Saubusse, d’où l’on se dirige vers l’Adour, en passant par Rivière, sur 13 kilomètres. On descendrait à Dax (à la cote 13 m.) au moyen de 2 écluses de 2 m. 50 de chute chacune ; en tout, 21 écluses, — par conséquent, 16 de moins qu’au premier tracé.

Le tracé, 271 200 mètres de longueur, nécessite la construction de 21 écluses et d’autres ouvrages d’art indiqués au plan. La dépense est évaluée à 25 837 300 francs. L’alimentation est assurée par les eaux des deux Leyre, dont les jaugeages accusent 5,51 métres par seconde, sans compter d’autres alimentations indiquées dans le Mémoire Deschamps.

Comme le précédent, ce projet comporte l’embranchement de Sanguinet au bassin d’Arcachon, l’étang de Cazaux et le port de La Teste.

En ce qui concerne le canal de Sanguinet au Bassin d’Arcachon, par le port de La Teste, un Mémoire qui accompagne le projet fournit les indications qui suivent : Le tracé de Sanguinet à Cazaux emprunte l’étang, qui est lui-même mis en communication avec le bief du canal (à la cote 18 mètres) au moyen d’une écluse. De Cazaux au port projeté de La Teste, on se sert du canal déjà établi sur 8 kilomètres ; enfin sur les 6 autres kilomètres formant les 14 kilomètres qui séparent Cazaux du bassin d’Arcachon, on passe à La Teste, pour arriver dans le port à l’abri de la pointe d’Aiguillon.

La descente a lieu au moyen de cinq écluses, de 2,50 mètres à trois mètres de chute ; l’alimentation se fait naturellement par l’étang de Cazaux. La dépense afférente à cet embranchement est évaluée à 2 020 700 francs.

Le projet attribue 6 mètres de largeur aux écluses, pour recevoir les gabares de la Garonne, et une longueur de 42 mètres de sas, pour recevoir les bateaux du Nord, si le développement des voies navigables leur permet jamais l’accès.

D’après les évaluations que nous avons rapportées, les canaux coûteraient, savoir : ligne par Saint-Magne, 120 800 fr par kilomètre ; ligne par Castelnau-du-Médoc, 98 200 fr, y compris l’embranchement sur le bassin d’Arcachon, compté pour 14 kilomètres.

Les revenus annuels de l’exploitation sont prévus au chiffre de 1 373 449 fr.

Le trafic annuel est évalué à 500 000 tonnes au tarif de 2 centimes par tonne et par kilomètre pour des bateaux de 100 tonneaux.

[…]

Outre ce revenu, l’exploitation percevrait une taxe syndicale à établir sur une zone de 2 000 mètres sur les deux rives. Cette taxe serait, en moyenne, de 3 francs par hectare, et rachetable par les propriétaires au moyen d’une livraison de terrains.

Enfin la largeur imposable sur chaque rive du canal est de dix mille métres.

 

L’Avenir d’Arcachon  du 5 juin 1876

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54217734/f1.image.r=saint-magne?rk=64378;0 [147]

1877 – Réseau des voies navigables de la France par Alphonse Debauve – Arcachon, Cazau, Et. de Cazau, Leyre R., Beliet [148]

Réseau des voies navigables de la France

Alphonse Debauve, (1845-1906) ; Établissement géographique Erhard frères. Graveur

[149]

Arcachon, Cazau, Et. de Cazau, Leyre R., Beliet

 

Alphonse Debauve, Ingénieur des Ponts et Chaussées en 1869, termine sa carrière comme inspecteur général des Ponts et Chaussées

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530829894.r=Debauve?rk=21459;2 [150]

 

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