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1350 – Maghreb Chart

Le serpent de mer des influences arabes sur la naissance de la cartographie marine réapparaît périodiquement. De l’époque médiévale, on ne connaît que quatre cartes marines en arabe, contre plusieurs dizaines provenant des pays latins. Elles proviennent toutes du Maghreb et sont de date tardive. Dans leur apparence extérieure, elles n’offrent aucune différence avec les cartes élaborées de l’autre côté de la Méditerranée, surtout les catalanes. Seule la toponymie comporte des ajouts, dans les régions sous domination musulmane.

Au XIVe siècle peut-être plus qu’à toute autre époque de l’histoire de l’Occident musulman, les cours maghrébines et andalouses attirent une foule de lettrés les plus distingués : des plus éminents spécialistes dans les différentes branches des sciences musulmanes, aux poètes et aux historiens[1] [1]. Ils circulent avec une grande facilité d’une cour à l’autre entre Grenade, Fès, Tlemcen, Tunis, et semblent constituer une classe assez homogène, dont les membres suivent souvent les mêmes itinéraires, nourrissent les mêmes ambitions. Les contacts à la fois politiques et commerciaux entre les puissances chrétiennes, en particulier la couronne d’Aragon et les cités italiennes, et les pouvoirs musulmans du Maghreb se caractérisent à la fois par la rivalité et la collaboration[2] [2].

Par ailleurs, à partir de la première moitié du XIVsiècle lorsque les sources arabes du Maghreb ou des pays riverains de la Méditerranée mentionnent des cartes nautiques, elles utilisent le terme de qunbāṣ, toujours en rapport avec une production européenne. L’attestation la plus connue est celle d’Ibn Ḫaldūn qui écrit vers 1396, dans son Introduction (al-muqaddima), lorsqu’il évoque l’arrivée des Occidentaux aux Canaries et compare cette navigation océane avec celle de la Méditerranée : « Les pays riverains de la Méditerranée sont relevés sur une carte (ṣaḥīfa) qui donne leur position sur la côte et les informations les concernant. C’est ce qu’on appelle un « compas » (kunbāṣ) » (tr. V. Monteil). Le mot réapparaît expressément chez Ibn Maǧīd, en Orient dans la deuxième moitié du XVe siècle, mais avec une sorte de condescendance, pour désigner les roses des vents utilisées par les marins égyptiens naviguant en Méditerranée, roses qui étaient à huit lignes de vents et huit directions intermédiaires alors que, lui, utilise une rose plus complète à trente-deux directions et avec une autre nomenclature, de provenance astronomique. Le mot est aussi écrit en 1579 lorsque ʿAlī alŠarafī de Sfax mentionne un qunbāṣ fait à Majorque parmi les sources de son planisphère. Enfin, une occurrence plus tardive se retrouve dans la relation de voyage du Marocain al-Tamǧrūtī qui traversa la Méditerranée en 1589-1591 pour effectuer une ambassade auprès du sultan d’Istanbul et qui précise les instruments de navigation vus à bord du bateau à son retour : « L’orientation sur mer se fait au moyen d’un instrument nommé boussole (ḥakk), qui a la forme d’un habitacle (bayt al-ibra) et d’une carte géographique de la mer en parchemin sur laquelle sont inscrits les noms de toutes les villes du littoral et des îles. Cette carte fait connaître également les différentes espèces de vents, la distance franchie par les vaisseaux et celle qui leur reste à franchir, comptée en milles : ils la nomment « compas » (qumbāṣ). » Or, la cinquième occurrence médiévale, mais la plus ancienne chronologiquement, se retrouve chez un encyclopédiste égyptien d’époque mamelouke, Ibn Faḍl Allah al-’Umarī qui écrit son encyclopédie entre 1330 et 1348. Dans deux passages relatifs à la Méditerranée et à la manière de tirer parti des vents, l’auteur mentionne ce terme pour décrire une réalité physique qui lui servit de source dans ces deux cas. Bien que le texte ne soit pas très long, la date du témoignage et sa nature valent que l’on s’y arrête[3] [3].

[4]

La carte du Maghreb[4] [5] serait la première carte portolan préservée du monde islamique. Elle a été élaborée en Afrique du Nord et présente de nombreuses caractéristiques en commun avec ses homologues européennes contemporaines. Son arrangement distinctif de lignes de rhumb semble avoir été copié à partir d’une carte réalisée en 1325 par Angelino de Dalorto (Dulcert) à Palma de Majorque[5] [6].

Cette carte qui est datée par certains vers 1350 est très petite et contenue dans les limites d’une page A4. La carte est dessinée à partir d’une latitude de base de 56 N à 30 N et de 9 W à 10 E de longitude et est encadrée par une double ligne sauf où, à l’ouest où la péninsule ibérique fait saillie sur le cadre de bordure rectangulaire.

[7]

La « Maghreb chart » possède une échancrure au niveau du Bassin d’Arcachon. Sur ses 202 toponymes, 48 ​​sont d’origine arabe, les autres sont catalans, hispaniques ou italiens[6] [8].

Il ne fait aucun doute que nos arabes faisaient usage de la fonction ctrl-C/ctrl-V à partir de l’atlas nautique datant de 1325, probablement dessiné par Pietro Vesconte[7] [9], en particulier la reproduction du réticule de la Rose des vents qui est une création de Petrus Vesconte.

Source de la carte des royaumes méditerranéens :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Royaume_zianide_de_Tlemcen#/media/Fichier:Europe_in_1328.png [10]

https://www.cartographyunchained.com/char1/ [11]

[1] [12]Zones côtières littorales dans le monde Méditerranéen au Moyen Âge : défense, peuplement, mise en valeur, Jean-Marie Martin, 2001

https://books.google.fr/books?id=edRgzDAd4PYC&pg=PA19&lpg=PA19&dq=maghreb+%22xive+si%C3%A8cle%22+cartes&source=bl&ots=9PXMV-sJ_2&sig=ACfU3U3xaVRcJ_UtdQzkD53ashryws9mpQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjE7uDczLnmAhWEmFwKHZ8-AlAQ6AEwCHoECAoQAQ#v=onepage&q=maghreb%20%22xive%20si%C3%A8cle%22%20cartes&f=false [13]

[2] [14] – Le Maghreb médiéval des cartes marines, de l’image mentale d’un espace aux enjeux politiques et commerciaux, Jennifer Vanz, 2016. https://www.cairn.info/revue-hypotheses-2016-1-page-53.htm [15]

[3] [16] – Le portulan arabe décrit par al-’Umarī, Jean-Charles Ducène, 2013.

http://www.lecfc.fr/new/articles/216-article-7.pdf

[4] [17] – Numéro d’accès: SP 2, 25 ou MS Sala Prefetto II, 259, Veneranda Biblioteca Ambrosiana à Milan.

[5] [18]https://www.cabinet.ox.ac.uk/maghreb-chart-0 [19]

[6] [20]https://erenow.net/postclassical/the-renaissance-a-very-short-introduction/5.php [21]

[7] [22] – Jeremy Ledger: “Mapping Mediterranean Geographies: Geographic and cartographic encounters between the islamic world and europe c’1150-1600, 2018

https://mideast.wisc.edu/event/jeremy-ledger-mapping-mediterranean-geographies-geographic-and-cartographic-encounters-between-the-islamic-world-and-europe-c-1150-1600/ [23]

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